LIDKAK I ;)1. ' iH \ I \'ULL "' . Science et Religion D-' 5 LA Pl11LOSOPl11E CONTEMPORAINE Bibliothèque de Philosophie scientinque EMJLE BOUTROUX 6 MEIIBRE DE L'IrïSTlTUT I ç. O'i ol.f P 0 (ó Science et Religion DA S I.A PHiLO SO PUlE CONTEMPORAINE ... , - . --f' V PARIS ERNEST FLA?tIl\IARION, ÉDITEUR 26, RUE RACIi'iR, 26 i908 Drolts de traductIon et de reproduction réservés pour tou! les pays, '1 compris la Suède et Is Norvège. LIBRARY ST. MARY'S COLLEGE \ ÍÍ; - \1--ç;0} "'\ - l Science et Religion D.\:'iS L.\ PUILOSOPUIE CONTEMPORAINE INTRODUCTIOX LA RELIGION ET LA SCIENCE De l'antiquité grecque à la période contemporaine. I. L\ r.f.I.IGIO ET LA PIIII.O r.PIIIE D-\NS L'A TIQUlTí: GßECQlE. II. LE \IO\"E:'é AGI'. - Le Chl'istianisme; Ies scolastiques; Ies mys- tique::,. lIT. L\ SCIE CE ET I. r.P.I.IGJO DEPUIS L.\ Rf: :\lss.ncE. - La Renais- S3IlCe.- Les temps modcl'rlCs: Ie rationalismc; Ic romautismc. - La science et Ia I'cligion séparées par une cloison étanche. Avant d'aborder l'étude des rapports de la science et de la religion, tels qu'ils se présentent dans la !o'ocÏété actuelle, il y a intérêt à faire une revue rapidc de l'histoire de ce rapports ùans les civilisations dont la nôtre est rhéritière. I LA RELIGION ET LA PHILOSOPHIE DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE. La religion, dans la Grèce antique, ne se trouve pa;:; aux prises avec la science, telle que nous l'cnlcn- Jon::; aujourd'hui, c'est-å-dire avec l'ensemble des t 2 SCIExrE ET ItEIIGIOX connalssanccs positives acquise par l'humanité: mais eUe se rencootre avec la philo ophip, ou interpré- tation rationnelle, soit des phénolllènes du Illondc et de la vie soit des croyances traditionnelles des hommes. La philosophie est née, pour une part, de ia reli- gion el1e-nlt'me. Cclle-ri. en Grèce, n'avail point à son service un saccruoce organisé. Par suite, clIe ne s'exprimait pas par des dognlPs arrptés pL obligatoires. Elle n'inlpo- sait que des ritr . actes extérieurs, rentrant dan la vie du citoyen. Elle étai t d'ailleurs riche de légen- des. de mythes, qui ravis aicnt l'ÎInagillation, instrui- saient l'esprit ('t excitaient la réf1exion. Ð'où v('oaient ces légcndcs? Sans doute, troyait-on. tie révélations oubliécs; mais olles étaicnt si toufTl1es, si òiyerses, i mouvanLes, et en bien d s ca , si contradic- toires, puériles. choquantes rt absurdûs. qu'il était impossible. de n'y pas yoir l'æuvre des hommes à cûté de la révélalion divine. Faire, dans les mylhes, Ie départ du prirnitif et de l'adventice, eÙt été une cntreprise vaine. EssentieBement artiste, d'ail1eurs, Ie Grec a conscience, même quand il parle des dieux, de jouer avec son sujet: et il dédaigne Ie sens propre de.s histolfes qu'il racontc. D'autre part, ces dieux qui auraient, selon la tradition, cnseigné aux anciens le rudiments des lègendes traditionnelles, sont, eux-nlêmes, faillibles et bornés: ils n'en sayent guère plus long quP les hOlnmes. La philosophie va done se développer très librement, au sein et it la faveur de la mythologie populaire elle-même. Elle commence, naturellement, par reni-er et battre sa Iloürrice. (( Ce sont, dit Xénophane, les hommes qui ont créé les dieux, car en ceux-ci ils retrouvent leur propre figure, leurs sentiments, leur langage. Si les I'TRODLCTIO 3 b(euf avaienl pcinùre. ils donneraif'nt à leurs dieux la forme de br.ellfs. lIomèrc et I1l ic)(le ont attribué f aux dif'uX tout ec cIui. chez les 110111I11CS, est honteux et t:riulincl )). Lcs astrcs, déclare .Ana aöore, ne ont p3S des òiviuités, ce SOlIt des ma se:; incan- descC'ntp . dC' la Tnc'mc nature quc les picrres tcrrcs- (I'C':--. Certains sophi tcs plaisantent sur les dieux eux- 111êmr!'. (( .Ip n'ai, disait Protagoras, à recherchcr ni :-;i lcs dicux rxistf'nt, ni s'ils n'cxistcnt pas: bcaucoup de choses m'cn CJnpêchent, nolamn1cl1ll'obscurité du suj()t et la hrièveté df' la vie hu m aine )). \in.;;i granflit la philosophie, frondeuse, supéríeure on indiirérrnte it I'égard des croyances reliöieuses nlOralt\n1CnL inòépcllliante, libre, n1êIne politique- Inent: car. i quelques philosophes furent frappés. cc ne fut que pour Jcs détails, qui paraissaicnt con- trcdi rc Ia reI igion pu bl i't ue. Cc dévcluppeInent de ]a philo:-,ophie n'était autre cho!5e que Ie dévcloPPCU1ent de l'intelligence ct de l::t raison hun1aines; olles penscurs s'éprirC'nt it ce point de cctte raison. qu'ils aspirèrent à en faire Ie principe Je l'homn1c et de I'univcrs. La tàche que. dt's 101':-;, S9 donna !a raison, co fut de c prouver it ello-n1êrnc sa réalilé et sa pui sance. en face de la nécessité avcuglc, du flux univcrse!. du ha ard inrlitTércnt, qui sOlnble la seuIe loi dl1 nlonùe. Elle s'inspira. dans ce travail. Jp la consideration de l'art, Oll ron voit b. pcnsée de I'arli:ste aux prises avec unc n1atière hétórogène, sans laql1elle clIe ne pourrait se réaliscr. Cellc matière a sa forme, ses lois, 8CS tendances propres; eUe est luJifTércnLe ou Inème rcbclle à l'idée qu'on prélcnd Iui faire expri- Iner. L'arLisle Ia rnaìtrise pourtant: bien plus, ilIa édnit, ct Ia fait tipparaitrc souple et sonrianLe dans sa. forme d'cn1prunt. II scn1ble InainLcnant que Ie ?I SCIEXCE ET nELIGIO marbre aspirait à figurer Pallas ou Apollon, et que l'arlbLe n'a fait que Inrltrc ses pub ances en ]ibf'rté. La raison en fac0, de l'Anankè, ne :-;erait-elle pa' dans une si tu (l \ ion (lnalogue? ScIon PJatoIl se 10 It Ari.;;:tote, I'Anankè.. ]a rnatière brule, nOcst pas fon- cièrenlf'l1t hO::,li]e à ]a raison et à ]a mesure. PIll=" on crlllc la nature de la raison et celie de la nlatièrl 1 , pillS on Ie:" voit e rapprocher, s'appeler, se r tlnir. Dans la matière en ap parence la pIns ind{'l('r- minée, déInontre ..\rbtole, il y a déjà de ]a forme. La matièrc, au fond, n'est que la forme en puissance. Donc, la rai oll c t, ct est efHcace, pui:-;quc, sans cll('. ricn ùe ce qui est nc subsisterait Lei qu'il cst, [nai-.; relournerait au chaos. ous géIllissons sur la bru- '-' talité du sort, sur les lllisères eL les iniquités de Ia ,-ie, ct cela est jusle; mais Ie désordre n'cst qu'ull aspect des choses : qui les regarde avec la rai on y relroüve ]a raison. Les philosophes grecs se sont attachés à faire de plus Cll plus haute. de plus en plus puissante, cette raison dont ils avaient ainsi démêlé Ie rôle dans Ia. nature. Et plus ils rexallaient. plus, en comparabon des êtres qui parlici pent de la nlatière et du llon-êlrr, elIe apparaissait COlnlne Inéritant e cellemn1ent celle qualilication de divine, qu'a,-ait proùiguée à l'aventure la religion populaire. Toute la nature cst suspendue à la raison, Inais toute Ia nature est ilnpuissante à l'égaler, disait .Aristole; et, ùéll1ontranll'existence de la pensée en soi, de Ja raison parfaite, il appelait cette raison: Ie dieu. Si Jonc la raison se détollrnait de la religion traditionnelle, c' était pour fonder, sur la connaissance de la nature elle-mêlne, une rcligion plus vraie. Le dieu-raison n'est d'ailleurs pas une abslraction. un raisouuewent. C'est Ie chef de la nature, c'est Ie roi J:\TJ10Dt;CTIO 5 qui gOl1ycrnc tonlf' cho c . A lui apparlient pI'oprf'- Illent Ie BOllI de Zeus. h Tûut eet uni\"ers qui Luurlll' da us Ie del. d i ra. en :::, 'ad ressant. it Zcus. Ie sloïcirIl Cléanlhr, de luÌ-lnênle va Olr tu Ie m(\IIC : Ta zuain, qui licBl la [onùre, suumet toules chl) es, les plus f.!TtUHles COllllne lcs plus peliles, à la raison univcr- selle. Bien, n ulle part, 11.. s'acco m "Ii t sans Loi ; ricn, i Le n'e t Le que fonllc::" mel'hallls dans leur folic. [ais lu ai:5. d'un non1Lre illlpair, faire un IHHllbre pail': lu rCllll harmOllicusf's les cho es (lis('ol'oaules ; OllS Lon reganl, la hainf' e change en amitié. 0 Di('u, qui oerrière lc nuages comlnande au tonnerrc, relire Ie::; hOlll m cs de' leur fUlle:-- tc ig()oran e, dissi pc Ie::; Iluage:-; qui uu curl"issent Il'ur Ùn1C. Ò père ! et dOllnc- leur de partiei per à },intcll igcncc, par laq uelle tu gou\"crnes tontes chnscs aycc jusLice, afin flue nous te renrlions honnenr pour honnenr, céléLrant tes (PU\TCS sans relâchc, eÛlnnlC il conviC'nt it oes 0101"- lob. Car, soiL pour les nlortcls, soit pour les dieux, il n'cst pas òe prérügalivc pll1 haute quc de célé- breI' éLernellemenl, par de dignes paroles, la loi uni- ,"er cllc )). Tellc c t la rc!igioll philosophique. E t-ellc l'ennemie irréeondliablc de la religion populaire? Tout n'cst-il, à sc YPtJx. que fanlai ic, òé ordrc et chaos dans ces nlyLlH\ que Ie leHlps a resfJcrté , qu'il a consaerés? Le peuple a divinisé les a tre . Iais les astres, par la réölliarilé parfaite de lcnr Inollven1t\nt , ne sonl-ils pas ùes n1allire Lations direcles de la lui, c'est-à-dire de la rai on, ùe Dieu'? Le peuple adore Jupiter comme Ie roi des dicllx et oc hOBl nlC . Cette croyancc ne recèle-l-elle pas lc bcntiment de la eonnexion qui lie entre clle"" toulcs les partics ùe ruuivers, et qui en forme eonllllC un ('orp uniqup, souJni:;; à une âme COIIlldUUC'! La reljgion conllnaw.le Ie r(' pcet des luis, 1. 6 CIF:\'CE ET RELIGIO, Ill. fidé1ilé au df'yoir. la piété env('r les l lorts ellè prêtc à la faibles e llllluaine rappui df\ divinité tutélaiI c . 'e t-èlle pa . en cela l'inlerpl'èle ct l'auxiliail'c de la raison? La raison, qui est Ie di u véritablc, n'e l pas inaLces::;ible à l'horl1Il1e : il y par- ticipe. Les reli ion I'euycnt donc ètre å la fois hu- Inai Bes et d ignes dc respect. II appartient à la philo- sophie de pénéLrer Ie rapport ecret des dnctrine t radiLionnellc:-, it la raison univcrsellc. et de Dlainlenil'. de ces doctrines. tout ce qui contient quelqut"} àn1C de vérité. C'est ainsi que 13. philosophie se réconcilia peu à peu avec la rrli ion. DéjÙ Platon eL Ari totc accueil- lent la croyancc traditionnellc à Ill. divinité du ciel et ùes ash'es, cl, d'unc 111anière généralc. chcrchcnt dans les mylhes dc traces ou des rudiillenLs de pensée philosoJi!:itlue. .Avec les stuïdens. la raison. devcnne, en un sen panthéist iq lIC. Ill. pari ie 111aîlres e de l"ârne et Ie prin- cipe et Ill. fin de tontes choses, esl néccs:;airement présente. pn qnelque manière. dans les cl'oyances spontanées et générales des honllnc . ùans tout CO qui leur ellseigne à se détachcr de leurs opinion et de leurs pa 5ions individuelle . Cert(ìs. le:-; nl the:5. ies légendes. les cérérnonies religieu es, en taut qu'ils rauais::ent les dieux au niveau de l'hon1111e OtI au- Jessous de I'hon1me. ne Inéritenl que Ie n1épris; 111ais au fond de ces hi::;toirt s, Sl on sait les entendre, si. dll ens Iitléral, on sait dégager Ie sens allégorique. il y a. des ,-érilés. Zeus est la Hgure de Dieu. liaut toutes choses entre elles par son unité et on on1uiprésence; les dieux secondaires sont les symboles des puis- ances divines, lelles qu.elles se nlanifestent dans la nulti plicilé et la di \-er ité des éIélnents, des prod u i t de ìa terre, des granù hou1n1es, tics bien:'aileurs de 1:'\ [nOD CCTIO ,.., l'hnmallité. C'e t Ie Inêrnc Zens qui. selon la face de son êtrc ([ue l'on eon:-:idère, est tour à tour lIerlllès, DiOll\ sos. Héracli's. lléraclès est Ia rorec l[('rmès la cieIlcc di\-illè. Le euHe dlIéraelès, c'est l'cslime de l'clrorl, J(, la tension, de Ia droile raison. et Ie lllépris du rclàcherllf\nL et de la yolupté. Sur ceLle voie les sLoÏ- ciell ne urell t pas s' arrèler, et la fantai ie de leur inlcrprélaLions allég-oriques dépassa toute mesurc. C'c t qu'ils avaient à cæur de sauver la plus grande partie po ihll"" des croyances et des pratique popu- laires J cstinlant que. si l'on veut que la raison agi..; e.. llon seulen1ent sur une élite. Illai sur" tous I(' horllnles, il cOllyient qu'clle revète des formes diver es, correspunùant å la diversité des intelli- gences. La dernière mani feslation cun idérable de I'c prit philo ophique des Grecs fut Ie néo-platonismc. qui.. spéculaut ur l'esscnce de la raison, pensa s'élcYf'r, par sa dorlrine de l'Cn infini. au-ùessus de la raison IuêIne. jlais, plus il fait la divinité transcendanLe à l'ég-ard des ehose . it l'é ard de la vie et de la pen ée Hlèlne. plus il juge Ilècc saire d'introduire, ntre Irs forilles inférieures elles forn1es supérieures de l' êtrc. une hiérarchie d"être:; internlédiairc:;'. C'est eet en11"C- deux qui c:;l Ie thalnp de la religion populaire. S( S dieux-, pl'oches de notrc faiblesse. nOllS donnent la m in pour nOlls élever vel'S Ie dieu suprêllie. Et PJolin, n1ais surtout son disciple Porph Te, justifìcnt pen à peu, du point de vue de la raison, tous les i'lément de la religion: mythes, traditions, culte des ilnage .. mantique, prière. saerifìces magie. SYluboles intercalés entre Ie sensible et l'intelligible, toutes ces chases sont bonnes et participantes de la vérilé. par Ie rôle nécessaire qll'elles jonent dans la cOllversion de l'hon1111e vcrs l'iIlllnatériel et l'inctfable. 8 SCII.: CE Ef l\EI.lGIO .II LE MOYEN .\GE. Telle rut, à l'égarJ de In. religion, l"altitude de 1:1 philosophic grecque. La pensée chréLicnne, qui lui sllccéJa, bri a It's cadres de ]3, conllai:, ance et de l'action naturelles dans lesquels s'était ordonnée cette philosophic. Grosse d'un infini d'amour et de puis- sanre dont c fÙt défié Ie clair génie des Grec . lïdée rrligicll e nr se Lorna plu:-; it être la uprême cxr'li- cation, Ie Inoùèle parfait, la vie el funiLé du monùe. .ElIe se ro a, (rauorJ, pill' elle-même, au-dcssus e1 en dehors des choses, en vertu de sa seule excellence et de sa suprélnatie ahsolue. Dicu c t, parce qu'il cst ]a ruis anL:e, la rnajesté et lïndépclldance. parce qu'il est l'être. JJé50rrnais l"esprit ne s'élè\"era pas pénible- menl, par une yoie inductive. des traces de perfections que pout pré elltcr Ilolre Jilonde it unl l cause, à peine plus parfaile. de ces perfections. Le JiCll du chrisLia- nisme so révèlo par lui-Inêlne, aLstraction faite de tous les (-lres de ce Inonde, lesquels ne sont que des échantillons de sa pui sance, créés de rien et arbilrai- remcnl. La religion va donc se déployer en toute liLerlé, ]e regard fixé sur Dieu seul. Elle sera ellc- Inême autaut qu'iI est possible, tanùis qu'une reli- gion fondée sur la contemplation ùe la nature et de l'hommc delneure toujollrs Inélangée d'anthrop0l110r- phisme et de naturalisme. C'est en .ce sens que Ie Christ dit aux homo1es: (( VOllS vous inquiétez de beau coup de ehoses. or une seule est nécessaire )>; et encore: (\ Cherchez pre- Il\'TnonrCTIO 9 n1ièremenl Ie royanme de Dicn : lout Ic r{\ lc '"Ol1 era dOll 11(" par slIl'croìl )). H ::;cmblail que ce fÙt l'csprit Ini-lnÔme, qui, an ricn enlprl1ntcr à la matièn', allait se réaliser en ce lIlon(le et ::;'y former un corp surnatnrel. En fait, la pcusée chrétiCllnc eut à conlrter avec lcs conditions un Ioondc qu'elle voulail conquérir, aver e5 institnlions avec ses mo urs, ses croyance , e traditions. Pour êtrc compris, ii faut nércssaire- Inent parlpr la languc d s honlIII c:; à qui on ;::;'adresse. C'cst sous la forme de la philosophic grecflue que Ie duistianisme rellcontra la pcn óc rationnelle et scicnlifiq ue. En un sens, iL tl'ou\"a dans ceUe ren- contre l'occasion ùe prenùrc une conscience pIns neUe de son c prit ])ropre. de Ie dé\- loppcr ct (1e Ie défillir. A une doclrine de pure IUl11ièrr nature/Ie, Oll Diell ne fai ait qu'un avec la loi uniycrselle, oil It' mandc était, ùe lllj-mêllle, sensible Ù I"allrait de l'hal'- IIlollie et ùe la jn ticc, Ic christiani nle npposa la foi dans une révélation surllalureUe. Ie sentiment pro- fond de la Ini:-;l'rc e1 de Ia uépl'l1,"alion ùe l'holnme naturcl., l'af1ìnnation Ù'UIl Dieu arnour et miséricorde, qui so fait hOlIllUC pour SJ.uyer les hOlnoles. Iais ò'aulre parle ({uand les écrivains païens dénoncèrcnl ce iùéc conl me contraires à la raison les chré- licn:-:, acceptant Ie point òe vue de leurs ad \"ersaire , prolest rent contre celle accusation; rl Origène conlre Ceise, démontra la f:llionatilé do la foi chrë- tienllc. Par là se tronvaÏl ouverte Ia voie qui devait mener à ce flu'on a appelé la scolasli([ue. PUiSqlH' Ie chrislianislne a pirait à s'cnlparer ÒP la ,'ie huolaine iout entil're, il Jcyait a Sllrer la :-,atisfac- lion dc he oins de l'intelligcnce au:-::;i bien flue de la ,'olnnté ct du CO l1r. )Iais l'intelligcncc, c'élait alors co 10 S C I E:\ C E E THE I 1(; I 0 chef-ù\euvre de clarté. de logiquc ct d'harlnonia qui. s'apprlail In. philosophif' grccquc. Aller de la foi it l'intclligcnce. c'était done rcjoindrc cellc philo ophie. La vériLó ne peu l contredirc la vérit( : c'csl Ie même Dien, parfai at véridi'IllC. qui cst l'auteur <.Ie la lnmière nalurelle ('t de ia rc vélaliolJ. Done, ia "raie philo ophie el la vraie religion ne sont, au fond, qu'une seule et InênlC chose. Cette vue de Scot Erigènc, toutefois, était trop SOln- nlaira. Les source . donc la portée, de Ia philosophie ct de la religion nc soul pas les mênles. Entre la philosophie at la lhénlogic l'accord est certain, nlais chacunc.3o son dOlnain,1. A la philosophic reviendra la connais:-,ancc des cho es créécs. et de cette portion ùe la nature de Dicu qui so pent déduil'P de Ia considé- ration des choses créérs; å la théologie, la connais- sauce do la nature ct (10 ]a vie inl< rieure de la divinité. La raison pt ]a foi se parlagcnt aiusi Ie domaine dCI l'être. COlnUle. dans la ueiété, Ie pape et I'clnpCl'eUr se parlagont l'cmpire. on it titre égal. toulcfois : Ia. rai on f\t la fui fOrIllf\ul une hiérarchie féodalf l et aristotéliricllllc, où l'inféricl1r do it l'hon1- mage au sup6ricur. ct (tll Ie supéricnr garanlit Ia sécurilé el les droits de rinférieur. La philosophie dérIlontre ]es préambules ùo la foi. La gràce ne ùétruil pas. mais réaliso dans leur plénitude les puissances òe la nature et de la raison. Ce concordat cntre la philosophic ct 130 théologic impliquait une adaptation lnutuelle. De ]a philo ophie grceque on culliva, de préférencc, les parties ulilisables pour Ie développement de la dognlatique chrétienne : telIe, l'ontologie, que rOIl considéra surtout comlne doctrine de théologie natu- relle. On chcrcha dans ]a logique arl tol éliciennc. cette malhématil! ue de la démonstration, la théorie de U,TROD IJTIO'i 11 l'intelli{!ihililé; e1. de. ce poinl de Vl1C on lui 3ssjöl1a nIl caractère exclnsi"cnlellt fonnel ql1'ellr n'ayait pas Cll chez .Arislote, D'autre part, on soumit la r('li ion i une Inéthode d'aCC0I11mouaLÏon. Ce qui:: dans l'Ev(lflgile" était -psspntit'llenlrnt r prit, amoul"_' union des âll1es, vic intérieure, irréductihle aux mots el aux fonnnlcs, dl1t pour s'ajusler aux conflitions scolastiqul's dp l'inlelli- gibilité, e couler dan des d( nlliliuns' rigidcs s'or- donner en lon nes chaines (Ie Sy}IO!ÚSnlc=-" se trans- \ 01 \ In uteI' en un ab lrait ct JÖfinilif yst<"lne de conccpl . C'est aillsi flu'au "\Ioyrn Age Ie christianisme satisfit aux besoins de 1"intclligence, en se re,"(,talll d'une forme rlnprunlée Ù la philo ophie grccqné. Cettr eOlubinaisun contingente ne púuyait durer élcrncl- Ic III C n 1. D jà_ penflant celte même période; des chréLicns p!us on nloins i oIés et parfois susp'e t appelés lnysliqucs. u'ayaienl cessé de reveudiquer, pour la cOllscirnce indi,'idllcllc, Ie droit de cOlllnluniqncr :lvec ])ien directenlcnl, par-dcssus les interrIlédiaires philûsophiques rl Inême théologiques. A la dialec-' tif}ue ils oppc,saicnl la foi et ramOnI', à la théoI'ie la pratique. Il n"(1 n lenel:1 ienl pas. d' ai llcnr . concentrer t oute la relig-ion ùans l' esprit pur et la virluali té nue. lIs professaient qu"il y a pour l'ânle ùeux voies: cl"abord la vift ]HIJ'gativa, oÌI I'homme se purifie des souillurcs de la vie nalllrelle; ensuite Ja via illll1nilla- tiva, où, dn sein de Dicn, participant à sa lumière et :"t sa puis ance" I'àme 5e réalise et se dépIoie en nnr forme IlOl1\"elle, création et expression directe de I'esprit lui-Inême. Les æuvres, enseignait nlaître Eckhart. ne ce5sent pas au monlent où l'âme aUeint la ainleté. C'est. au contrai1 e. avec la saintcté que cOlnmence l'acli\'ilé vraie, à la fois libre ct bonne, 12 SCIF.,CE ET RELIGIO l'amour de toutes les créalures el òes ennemis mêmcs, ['æuvre de paix universelle. Les æu\"I'es ne sonl pas Ie moyen, mais elles sonl Ie rayonnemenl de la sanc- lification. Tandis que dans ùes effusions parfois vagucs, mais vivantes et ardentes, les mystiques maintenaient, en face des foI'nnlles a bstrailes et rigides de l' cole. Ie libre esprit du eh ristianislne, la scolastique, par une sorte dr travail intel'ne, voyait se dissocier les deux éléments qu'elle ayait rapprochés et tenté d'unir har- Inonieuselnent. Les catégories établies par la philo- sophic gI'ccque ayaicnt élé destinées par leurs inven- teurs à saisir et rendre inlelligibles les choses de notre lnonde. L'idée chréLicnne, à moins de se renier ne pouvait s'y plier définiLiyement. D'autre part, la philosophic c senLait, dans la scolasLiquc, opprimée elle aussi. On lui imposait de démontrer la person- nalitp divine et la possibilité de la création, l'immor- talité de l'àn1e, Ie libre arbitre de l'àlne humaine. Était-il certain que, maîtresse d'elle-même, eUe aboutìl å ces conclusions? D'ailleurs, était-il conforme aux conditions de la connaissance philo ophi(1l1e de po er d'abord des dogmes, et de se borner en:;uite à les analyseI' et à les déduire ? 1:\ fnODUCTIO:'l i III LA SCIENCE ET L' RELIGION DEPUIS LA RENAISSANCE. Dr la dissolution interne de ]a scola tiqt1e comme- de ril'conslances {\xh rirures, résulLa Ie double mou- yrmcnl qui caractéri c l'époque de la Hcnaissance. D'ullc part. Ie chrisliani:;;me mystique, qui plaçait ressencc de la religion dans la vie intérieure. dans la relation direcle de l'àlllC a,-ec Dieu, dans I'expé- riellce pcrsonncllC' du salut et de la sanctification, so délacha ,iolemment de l' glise traditionnelle. Et une circonstance vinl donner à ce l]u'on appela la B.éfOrII1C, la précision et la détermination concrète sans laquelle ellc fût dcmeurée peut-être une sinlplr aspiration spirituelle, analogue å celles qui s'élaient manifestées au :\toyen Age. Le besoin de vie rcli- gieu5e personnclle qui en étail Ie fond 5e combina avec Ie culle des ,-icux texles, rétablis dans leur authenticité et leur purelé. que yenait d'inslaurer 11Iumanismc. Comme Ie calholicisme dn Ioyen .Age ayail uni Aristote å la théologie des Pères, ainsi Luther COBlbina Erasme et la consciencr mystique. Et, ainsi rajeunie, l'idée chrélienne fournit une car- rière nouvelle. D'aulrr part, Ia philosophie rompit Ie lien qui, chez les scolastiques, l'avait unie à la théologie. S'ap- pu)ant, tantôt sur Platon, tantôt sur Ie véritable \ristotc, tantôt sur Ie stoicisme ou l'épit:urisme, ou sur telle autre doctrine de l'antiquité eUe secoua, avec un.-' égale éncrgie, Ie joug de la théologie et l .loug de l' Aristote du )foyen Age. et, en changeant de Inaitre, elle s'achcn1Îna vers l'indépendance. Un 2 14 SCIE'iCE ET RELIGIO icolas de Cusa, un Bruno, un CampancHa annoncent des doctrines nouvelles. Ce n'e t pas tout: la science proprement dite, la science positive de la nature, émerge à eette époque ct aspire à se développer en Iibertå. Elle se manifeste essentiellcffif'nt par l'ambition de produire, de s'ap- proprier le force (Ie la nature de créer. Jadis c'élait surtout Ie diable qui avait 13, prétention d'inter,'enir dans Ie COllI'S des choscs créées eL gouvernées rar Dieu, et de leur faire I'l"oduire ce qu'elles ne prodni aient pas d'elle -nl mcs; aussi les alchilnistes. qui cher- chaient à faire de 1'01'. éLaient-ils yolontiers confondus avec les sorcicrs. Dé orn1ai.;;'t l'idéc d'une 5cience active et non plus culelHent contelnplative. Ia foi en la pO:-isibilité de l'cmpire de rhomme sur la nature, est irrésistible. Dans son impatience d'arriver au but. Faust désa- busé de la stérile ér-udition des scolastiques, se donne it la Inagie. Ql1'imporLent les moyens, pourvu qu'on réussisse å capter les puissances inconnues qui pro- duis(lnt les phénomènes: eL à les faire agir seion ses yolontés ? Ðì'um hab' ich mich de,' J[agie e>,geben 1. A la science préludèrent ainsi, au XVl e siècle. les sciences occultes. Elles s'alliaient d'ailleurs. dans les esprits de ce temps à un panthéisme naturaliste, qui appelait urie' explication purement naturelle des ('hoses et l'emploi de Ia méthode expérimentale. "* * * A ceUe période de confusion et de fermentation Sl1C- céda, avec Bacon et Descartes, un àge nouveau, :..ige 1. GæTlIz, Faust: C'est pourquoi je me suis adonné å Ia magie. I:'\TRODCCTION 15 òe di cipline. J'ordre et d'éC]uilibre. Le rationalisme carLésien cst l'exprcssion la plus précise el la plus conlplète de l'csprit qui prévalut alaI's. [rane part. la sèiel1co cxpérilnentale de la natllrè. déjà neUement conrue par Léonarll òe Vinci. élail. avec GaJilée. dé1ìnitivClllf'IÜ fOlldée. \Ters iUO-í, par la déeuuvcrle des loi:; du pcndllie. Galilée avail prouvé quïl était pos :;ible ò'expliquer le phénomènes ùe la nalure en le reliant les uns aux aulres, sans fairc intcrvenir auenne force existant en ùehor5 d'eux. La notion de loi natnrelle étail, dès lors., constituée. Or celle eience. qui ne fai ait appel qu'aux Iualhéma- tiqlIeb et à 1'expérience, ayanl éLé. notalnment par Gasscndi, raLlachée à rantique atonlisrne épicurien. fut cOIlsidérée pal' de n(Hnbreux c priLs COITInle incom- p:ttibIc avec Ie surnaturalisllle chrétien. De hardi:; rai onneur:;, fri,"oles ou s'érieu , Ies liberlins, se scr- vin'nt de la s ience pOUI' soutenir Ie naturaIi:;lne et rathéj llle. D'allLrc parL, la foi reliöieuse, retrcmpée par SC5 éprenYc nH"'nle , se Inanifc5taÏl avec une vigueuf nOli. velie, oit hel les proteslanl , ::;oil chez les calho- liques. D'un côlé conunc de l'autre, clle ne pouvait plus étre une sinlplc habitude d'esprit Iiée à des tra- ditions el à des prat ique séculaires. Elle était une conviction inlinlc, pour laquelle on lutte ct on soulTre. (Juel el"ait. dans Ie for illLérieur des con ciences, Ie rapport de ces dcux puissances, science ct religion, qui se rédamaient de principes en apparence COI1- traires ! CeLte que:-5tion fut résolue par De:o:carLes d'unc Inanière qui, pendant longlemps, parut aLisfaire au cxigcnccs de l'espri t Dloderne. Descartes pO:5e en principe l'indépendance muluclle de la rcli;.;ioll ct de la ::;cience. La science a on do- Inaine : la nature; son objet: l"al,proprialioll des 1ü 5CIEl'\CE ET nELIGIO fOl'res na-turollcs; ses instrun1ents : les nlathéma- tiql1e:; ct I'expérience. La religion concernc le Jesli- nées supra-terre tres de ràme, et repose sur un certailJ nombre de croyances, d'ailleurs Lrè sinlplos et sans rapport avec Ies subtilités de la, théologio scolastiqt!r. ScipIlce et religion no peuvent so gêner ni se domineI' rune l'autre parce que, òans lcul' òéyeloppenlent normal e1 Iégi1iule, elles ne se rencouLrent pa . Le temps lie duiL plus revenir où. COInOle au Ioyell Age. Ia théologic impu ail à la philosophic Ics cOlldu ion qnc celle-ci devait dénlo11trer et les principf\s (rOll cile deyail partir. Science el religion ont, I'U!W el I 'au Ire, autononles. Jais il ne s'ensuit pas que resprit hnmain n.ait C]u'à les accepter commc deux ordre:, de \'ðrité éLran- gel's l'Ull à I'allLrf'. Un f' prit philo ophiquc ne pout 'eu Lenir au dualisme pur ot simple. Lr cart('sinnislne est préci énlent la philú::,ûphie uc la cOllllexion, ou liaison élaolie entre choses djYcr es irrédud ibies entre f'lIes au point de VUf' tip la loöique. Dan:; Ie principe qu'il adopte: Coyilu e !/o ll1n, DcscarLes entend poser nn grnrc de liaison inconnu à ILl clia- leclique de l'Ecole. Cogilo ergo Sll1n n'ost pa la conclusion d'un S)" 1I0giSII1C : all conLraire, ceLle pro- position est elle-mèn1e Ia condilion et la prcu\"c du syJiùgiSITIe clont on prélenùrait la faire sortir. Ét:tnt donné dans cctte proIJo iLion. Ia copule (>J'!Jo, on peui tradnire la néces ilé qu'cllr cXprinl(' par lIne propo- sition uniYrr clle, lellc que: f)'llidfJztid cogilat, est. laquelle rendra po ible Ia construetioll d'un syllo- gisnlc abOH I is allt Ù CogilO crgo sum. La connai sallcc pren1it\rr eL vpritablf'Illrut fécondf' est relic d'une connexion enlre deux termes donnés comme étrangrr:, run Ù l"auLre. ComlTlt"nl tlécou\ï'ir unc lelle ('onll(' ion? L'expé- 1:\ TRODt.( TJON i7 ricnce, remarqua Dcscartc . nous oITre précisément des connai ancr5 ùe ce gcnre. 01', des connexions expérilueutales. toul d'abord contingentes. l'esprit. interprétanl rexpérience des sens it ['aide d'une sorl(' d'expt rience sllpra- cnsible. que Descartes appelle intuition. dl;gage des connaissances nécessaire!' el uniYer=,clle . 11 y a en nous-mf'Ine un pl'incipe et un fonderllcnt do connexion néce8saire, et ce princil,e n'est autre que co flu'on appellc la rai on. Le ratio- nalismc, un rationalislne qui aUribuait à la raison une cel"laine facu Ité de liaison. un contenu, des lois et une pui:;:;ance propres : tel fut Ie point de vue que représcnla Dcscartes. II conçuL en ce sen: les rapports de 1a religion et de la science. ComIne il avait trou\'é dans la raison II' fonùemenl d'un juöenlent reliant sum à coyito, ainsi, dans cette même raibon, Descarle:; pensa trouver la relation de l'honlme à Dien el de Dieu au monde, d'oÌ1 résuItait l'accord radical de la science, de la nature et des croyance:, rcligieuses. Ce ré:;ulLat est olJLenu, chez Descartes. pal' une analyse Ùll contenu de la raibon, et par des dédllcLions non plus ylloöi Liques et pure- ment formelles, Hlais Iuathématiques et constructives, partant de ce conLenu 111êu1e. II est clair. d'ailleurs, qu'il ne s'agit ici que ùes principe::; fondamenlaux de la religion: Dieu son infinité sa perfection; et notrc dépenùallce à SOil égard. Puur ce qui e:-,t des religions po:;itives, la phi- losophie n'a nulle compétencc pour en di courir. Quand on song-e à Loutcs les scctes, héré ies, disputes et calolllni(' allxquelles a donné licu la théologie sco- lastiquc. on ne peut qu'cn sOllhaiter la complète dis- paritioll. En faiL les sinlples ct le ignorants f!"agnent Ie ciel au:-,si bien que les (.l\-allb: leur:; l'roYance 2. 18 sr.Ir:\CE ET nEI IGI() naÏvcs sont plus sÙres que 13 théologie des théolo- gICOS. Telle fut la doctrine earté ielllle. Au spin de la raison lllême se trouyent. eloll celle doctrine.. et les gCflucs dout procèdent respectiYenH llt la religion et la science, et Ie lien spécial qui assure, avec leur cOlllpatibilité, leur indépendance mutuellc. Ce ralionaIisnle original, qu 'on peut a ppeler Ie rationali lne 1l1odt'rlJe, dOlnina la pen ée philosophiqup aux XY1I 6 et XVlll e sièclc . Chez une catégorie de philo ophes, ce rationalisHle est plutôt doglu3tique. Connant dans ses forces, il cherche à con titner paraIlèlrlnent à la cience de la nature, une cience des choses di\-ines qui ne Ie cède en ricn, quant à l'éyidencc et à la cerlitude, aux scicncf>s physiques et mathéJnatj(!IIes. Chez Spinoza.. la raison étaIJlit rexi tcnrr òe la subs- tance infìniment infillic qui est Dieu ; et, de l'cs:-enèe de celle substance. cIle déduit Ie principe des lois univer elles de Ia nature. Par lit se trouve jusLifìé l'etfort de la science pour rédllire en lois la mul- titude. en apparence dé ordonnée des choses par- ticulières. IYautrc part. trouvant dcyant eUe des textes rép1l1és sacrés. tcb que la BiLle judéo-chrétienne, la rai on po e en principe que rÉerilure do it être expli- qupe par la senle tcriture, tant qu'il ne s'agit quP de dét('rlniner Ie sens hi loriqlle des doctrines et I'inlen- tion des prophèLes; Jnai que, celle æuvre d'exégèse une fois ac onlplic. iL lui appartient à elle-nH 'nle de décider si nous devons donneI' à cos doctrines notre assentilnent. Leibnitz, approfondissant la distin tion des vérités de raisonnement et des vérités de fait, qui ont la double assise de La science, en découvre Ie principe COJnlllUn dans un possible infini qui envcloppe et I"TnODt:CTIO iû l'existence nécc:-, aire et l'existence actuelle. et qui n'esl aulre que ce que DOllS appclons Dieu. Selon lui, tandis que les sciences étudient lcs rapports des cho es cOII:-,idérée , selon les apparences ensibles, comme exlérieures les unes aux aulres, la religion 'etrorce de saifo:ir, dans sa réalité vi,'antc. ceUe har.. lllonie intérieure et uniyerselIe, cette pénélration mu- tuelle des t."tres, celte a.spiration de chacnn au bien et à la joie de taus. qui est Ie secret ressort de leur vie et de Ieur efforts en tout ens; et, par là même. elle rend le hOllunes capabic:s de parliciper, de conLribller à la gloire de Dieu, carnIne à la fin et au priucipe yéritables de tout ce qui existe ou aspire it l'existence. Suulil et Iuétaphysique chez un Spinoza, un 'Iale- branche. un Leibnilz, Ie ralionalisme dogrnatique et objeclif se sinlpli1ie de plus en plus avec Locke et les déisLes, qui s'adrcssent aux gens du Il10IHJe et à la société. Pour les déisles. la raison n'est pas seulement Ie contraire de la traùition et de l'autorilé : elle exclut tonte croyance å des choses qui dépasseraient, soit nos idées claires, soit la nature dont nons raisons partie. Dès lor , la raison proscrit systén1atiquClnent tout myslère. tout dogn1e transn1is par les religions positives. EHe ne Iaisse subsister que la religion dite naturelle on philosophique, dont elle pense trouver I'expre!'sion aùéquate dans la donble arfirnlation de l'existence de Dieu COBlnlC architecte du monde, et de l'il11111ortalllé de l'ârne conlnle conùition de l'accon1- pli sement de la justice. En profe ant ces doctrines, Ie déisllle se considèrc conll1}e placé exacternent sur Ie n1ême terrain que les sciences ùe la nalure. Entière- Inent analogues, à ses yeux, soot les yérités physiques et les ,'érilé nloralcs. :Kulle action, d'ailleurs, il'est attribuéc à 130 cau.:jc premièrc, qui pui::;::;e conlraricr o SCIElXCE ET ßELIG ION les lois lnécaniques prochunées par la science. Le ralionalisl11e déiste rejette Ie miracle et la providen c spéciale. Le pro pre de ce rationalisme rut de dépouiller de plus en plus la reljgion de tous sf' (Qélnrllts carac- térisLiques, puur la réùuire à un prLil nOll1bre d(\ forlllules très sèches, très abstraitcs, plus apLcs it fournir de JuaLière au raisonnement qu'à sali faire les a pirations de l'àme IHlInaine. EL d'auLre part, ces (lèmon tratiulls soi-disant ralionnelIrs de l'existencc de Dietl ot de I'illlIllorlaliLp de l\'unc étaient loin, aux yeux d'lllle critique non pré\"enue. de posséder l'évi- dence cienlifiqlle qu'enes atI"ectaicnt. Ii n'c t done på t;llrprenant que Ie rationali n1e l110derne se oit Inis Cll qnête, pour dÖfìnir les rap- ports de la. religion cL de la science, d'un point de vue autre que Ie point de vue objccLif ou dog- nlatique. Déjà Pascal cherche dans les condition:oo de la connai - sance lllllnaine. de la vie, de l'acLion, c'est-à-dil'e dans les propriélé ùn f'ujel conscient et non de I'('lrc pris en soi, les élélTIcuLs de Sûs dél11onslraLions. II di tinguc, de la rai:-;oIl, an sens éLruiL du I110t, Ie cæur, raison encore, c'est-à-dire orJre et liaison Inais rai:-;on infini- ment plus subtile, dont le principes, que I'on di crrne à peine, pa sent la. portée de ['csprit géOITlétrique. Celle raison supérieure a pOld' objet. non pI us les abstrac-- lions logiques, mais les réalités. EtTectuer jus<1u'au bout les ùénlon trations qu'ellc exige (\st une tåche au-dessus de nos forces. lIeureusement. cette raisoll I . I concrèle s'exprime en nons par une vue oireete de la vérité, une intuilion dont est doué notre cæur, notr(' inslinct, notre nature. Dédaigner les intuitions d \J cæur pour borneI' son adhésion aux raisonnen1cn{.: I:'tTRODl'f'TIO:'i 21 de l'csprit g( omélriqnp, est contradictoire; car, en réalité, c'esl déjà Ie crunr ou l'iIl tinct qui nOH donne Ie::) notions d'e pac('. de tcmps dr InouVCInent, ee nomhre, fondcmenL::; ùe nos sciences. II faut å Ja raison Ie Cll'lII', pour y appllYCI" sos l"aiSOnH('nlent . Or, romme il sent qu'il y a dans I'cspacc trois dimen- sions, öinsi Ie cæuI', sïl n'est pas faussé, sent qu'il y a un DiclI. La méthodc dite critique, qui part de l'analy e de nos moyens de connaitre. et qui, par l'origine de nos ìùée , jllgc de leur porté(' et de leur yaleur. déjà praliquée par Pa cal, fut nettenlent détìnie par Locke. Ce philo ophe met ell relief une distinction sur laquellc déjà ayait in i té De carte:-, : celle de la connaissance proprenlent ùile el de 1'3. enHment ou croyance. II y a connai :-,ance proprClnent elite là oil ron possède des prell\"cs inconle tables de la véril( de cc qn'on souLient. Si Ics preuvrs dont on dispo:':)e ne ont pac;; telles, noire adhésioH n 'csL qu'assenliment. ûr il iIU- porte de rCInarqllcr q ne. tanùis que la cience cherche et acquiert quelques connais anres véritalJles,. la vie pratif)ue repohe, it pen près entièrement, ur de si 01- pies croyances. La force de la coublIne, l'ob curiLé de questions, la néce sité. pour agir, de se détenninel. sans retard, fonl, uu ;:;iulple assentilnent. de la croyancp. et non de 13 connai ìnce, Ie principr habituel de HOS jugenlents. Non que nous jugions sans raisons : nou nous réglolls sUI'la probabililé. en p3rticulier sur Ics télIllJigIlage dignes de foi. Dès 101.S, rOllllIH'I1t écarter . l('!' (ï"oyanccs rcligiclIses, :-,on prétexte qu'clles ne sont que des croyanees? Elles sont d'aulant plus lé ö ilin10s qu'elles Ollt pour garantla y"'racité de Diru mrme. Si I'on prcnd soin de ne retenir que cc qui est yérita- bl(,IIl( llt révélatioll di,'inc, et de s'a snrcr qu'on en pos:':)èúe Ie ,éritable ::)ens, la foi religieuse esl un ó) .") - -- SCIE!\'CE ET nELIGIO principe d'affìnnation aussi sûr que la connais ancc proprelnent dile. Cf'lte fine et Ii brr phiLosophie d'holllnle du Illondc fut l'originp du aYant pt profond syslème de Kant. )Jans la constitution mt'me ot dans Ie fonctionnement de la raison Kant trOllye toule les conditions fonda- nlentales, et de la scif'nce, et de la religion. La raison conslruit la science. Elle ne Ia fOrIne pas, chose impossible avec les selll éléments quP lui fournit rexpéricnce: c'est d'plle-nlême que jaillissent les notions d'cspace rt de tenlpS, de permanence, de cau alité, ans le:-;qucllcs la science serait ilnpossible. lais pourquoi la raison, qui domine Ie mande donné. ne se propos('rait-clie pas, non seuleInent de COIl- naitre, nlais de Inodi ficr ce mon(le, el fl' en faire, de pIns en plus. I'expr(ls ion de sa propre nature, de son propre yonloir? La raison ne pourrait-elle se poser, non ;;eulcnlcut COlnnlC lhéorique rt contenlplative, Inais encore C0l11Ule active, pratique et eréatrice ? Et ne pourrait-elle exer("f'r on action, non seulement sur la volonté hunlaine. mais encore sur Ie moude extérieur et matériel. avec lequel cetLe yolonté est en rapport? Sans Joule une telle possibiliLé ne peut ('lre qu'un objet de. croyance, et non de science mais c'est lå une ero) ance que la raison., inLégralelnent consultée, .iuslifie conlmande et déternline. La raison est ce qu'il y a. de plus releyé: si nOllS pouvon trayailler å procurer son règne, nous Ie devons. Et si certaines idées sont, pour nous, <.1e par notre con - titution, des auxiliaires praliquement nécessaires pour i'aceomplissenlcnt de cettc tàehc nOllS devons adhérer Ù ces idées. Or telles sont Ics idées de libcrté. de Dietl t d'imlnorlalité, entenducs en un sens. non plus lhéorique, lnais pratique et lnoral. La religion est In. croyance pratique que l'æuyrc de la raison est réa- 1\ lÏwn["rTIO' 23 li able. Cl'OVaUCe indi pl"\nsahle pour que nons nOl1 donnioll . d l f01ll1 de råme, it rclle tCU\Te. qui !'uppu e alité de cette cons- cienee su prêmc. La cit1nce, en soi, n'a rien òe reJi- t!'ieux clio delneure élrangère à la religion. Iais pour Ie philosophc, qui suit l"évolution interne et llPce aire de I'Iùée la science n'c 1 qu'un mOlnent dans Ie progrès de r êl rc: clIe s' oriente. à son insu, vcrs un dcgré plus Ölèn de connaissanre de cons- cience; ot, en suivant la direction même qu'elle indique, la pcnsée aboutit logiquelnent à la religion et à la '''TnODt:( TIO'\ ')- _J philos0phie. Toulr foi "rlIt dcvcnir intelligence. Co qui, dan:-\ la sdence, n'r"l que croyancc aveugle it IJne Inatit\re donnér, dans l'art. la religion el la phi- losophic devienl expression, scntinlent. connaissance d'un animal stupiûe d Lornl . Les idérs de Huu eau sur la religion onl l'appli- cation de ces principcs. Pen iInportc quïl Inaintienne à peu près les mênlrs doglnes que If's déistes et que, vuc du dehors. a rp}i- gion naturelle ne di(fère guère de celie des philo- ophes. Cc qui (1sL nouveau et capital. c'est la SOllrec quïl a igl}e à CGS idées, la I11anière dont il y tToit ct clout il les profcsse. Ce ne sonl plus pour lui dús doctrine qui c démontrent par Ie raisonucnlcnt: co SOllt le effusioBS spontanée de :,OIl àllle illdivi- duellc. J(' nc veux pas, dit Ic yicaire savoyan.l, e po- salll sa profe =,ion de foi, argu (nenl or avec VOll , n i InêlHC tenter de 'ous cOJl\"üincre ; II HIC unìt de YOUS exposer ce que je pense dans la simplicilé de mon co ur. CUIl:-,ultez Ie '-ôlre duranl toul JlìJll discours" c'cst tout Cp que je vallS dClllanJe. Un nou:-; dit que la ron cience c...:l r ouvragc òes préJugés; cepcndant je :-,ais par n1011 rXl'éricllCc é{u'cHe s'()h linc it Fuivre l'nròre de la nature contre toutcs les lois des h0I11111C5. 28 SCIElXCE E r ßEI.IGION A.insi la religion procède du cæur, du sentilnent, de la conscience, de la nature, connne d'une source pren1Ït're et indépendante. Elle a pour objet la sati:o;- faction des be oins du CLBur, l'affranchisseluent, 1(' gouvernelnent, l'cnnobli enlent òe noLre vie morale: tou L ce qu i esL en dehor de ce principe et de celle Jin cst, non seulemeot supcrflu, mais nuisible. Avoir soulenn ce idées avec clarté ct avec déci- sion, pn marquant avec force leur opposition an x idées reçues, était déjà une æuvre d'inlporLance. Ce qui fil de cette æuvre une révolution, ce fut l'enthou- siaslue qui l'anillla. et donL Ie langage de Rousseau fut l'expression. Ses écrils étaient sa doctrine réa- lisée : c'éLait la nature. avec bon élan irrési:;tible; c'était la pon(aJléité, la vie, la pa sion, la foi I'action, fai:-:ò nt irru pt ion dans une 1 iLLératu re oll trûna i t l' es- prit, eL rcl'oulant ou pliant à 8es fins 13. logif}ue, les idéES, le5 faits, les raisonnerllents, to us les instru- Inenls de la <:uIture intellecLuelle. De celle conceptiun de la religion r0sultaicnt deux conséquences notables. Ralllenée au senlirllent, COlllme à un principe radi- calement distinct de la connaissance, ab oln et pri- lnitif, la religion n'avait plus rieH à démMer avec la science. Science et religion parlaient des Iangues entièrement dilTrrentes : elles pouvaient done so développer indéJìnilnent sans risquer de se rencontrer lamalS. En second lieu, lè sentiment devait se comportcr tout autrernenL que 13. raison envers les religions positives. La raison tendaiL à de sécher la religion à la dépol1illcr ùes parties qui ne trou\'ent d'appui que dans l'imagination et Ie sentiment, pour la réduire à ce petit nOll1bre d'idées qui peuvent êtr Inélhodi- quement inff!rées des résullals les plus certains de I TRon t.:CTIO 29 ia recherche scienlifì()1le rt phiiosophiquc. De là Ie d,',i" IIlC, ce lIIaÎgre u b li tu l drs religions, à l'llsage dè phjl() ()phcs ralionalj lcs. .\lais Ie rntiment a d'autres besoins d'autres rrs- -';OLJrce . ..1 d'aulyes lém( rilés. Puisquïl est primilif, COlllIne la raison el plu qu'ellc pcu1-être, pourquoi hnrlll'rail-il es ('xpressions au x for mules approuYées par la cience '? De sa nature Ie cæur est créa- leur: Ia. yic qui tléhorde en lui s'épanchc en inu1.ges CIl as ociaLions d'idées, en luylhes e1 en poèlues. Ijs au cu'ur de la religion et déclaré aulonome, Ie senti- l11rnl ne pOllrra s'en tenir it ee legs du déislnc rationnel oÍl nou :;cau avait ern rcconnaitre son expression :nlthcntiquc. Le génie ne peut se contentcr ùe rcdire des phrases fOllies faites. L'inor aniql1e, dans Ie yi\"alll un s'Mimine, ou se trall5rornle de Inanière à dcycnir ,'ivanl lni-mèmc. Et ainsi, non sculement Ie scnLilncnt, tel quc Ie conrail Rousseau, reo1placera par de!:) produclions vi vantes les fonnulcs ûgées des philosophes; mais il est clair, dès son avènement, qu'il ne conscn'Cl'a pas, à l'égard des formes et syrn- holes tradilionllels aulrClnent riches qur les conceph philo:-.ophiqucs l'hostililé systématiquo OÙ avaient abouti Ic::; rationalistes. Ces fonnes parlent au cæul cl it l'illlagination, où, d'aillcul's, eJIes ont leur originc. C:omlTICnt 10 eæur 10:5 rejetterait-il sans en cssayer l'cfHeacité? Jo Yous avoue, dit Ie vicaire savoyard. que la aintoté de I'I Yangile est un argul11ent qui parle à Inon cæur, et auquel j'aurais mêlne regret de trouvcr <{uelq ue bonae réponse. Voyez les Iivres dcs phi 10- soplH\s aVëC toute leur pon1pe : qu'ils sont peLil , pl'è ùe celui-lå. V ous m'opposcrez Socrate, sa science (.t on c:;prit. Quelle distance de lui au fils de 'Iarie! Si la vir ot la IlIurt lIe So raLe ont d'un sage la vic ct Ia. l110rl de Jésus ont d'un dieu. 3. 30 8CIEXLE ET REI IGIO L'æuvre de nuus eau, non plu:-; en religion qu'en politique ou en moralc ou en éducation, ne pout ('lre un point d'arrivée : c'est un point dc départ. Des idée qui lïnspirent va sortir la rcstauration reli- gieuse. Le témoin et Ie héraut par excellence de cette rcs- tauration est l'au teur du f;énie du Christia/lisrne. Appuyé sur Ie principe de Housseau: la souveraineté du sentiment, Chateaubrianù réintègre dans la vic individuelle et sociale. non plus seulrment les vaguc abstractions de la religion dite naturelle. mais le dogmes. les rites, Jes traditions du catholicislne, dans leur fornle précise et concrète. Loin quïl voie dans ces particularités des surcharges frivoles, sous pré- texte qu'eIIes ne se peuvcnt déduire des principes d(' la raison pure, c'est tout Ie détail des manife lations extérieures, aus i bien que Ie contcnu Inoral de la religion. qui devieut, t'hez lui. la preuve ùe on ori- gine divine, parce que tout ce détail frappe lïmagi- nation et Ie cæur, charmc, l-Ineut. con olc, apaisc. forLifie. exalte Ia conscience hunlaine. Aujourd'hui, dit-il, la route à suivre e::,l d'aller de I'ef1cL it la canse. et de prouvcr, non plus que Ie chrÏ:5tianislllc cst excel- lent parce qu'il vient de Dieu. lnais qu'il vient de DiéU parce qu'il est excellent. La poésie des cloches est un argunlent plus fort qu'un yIIogislnf', parce qu'elle est sentie ct vécue, tandis qU'UI1 syIlogismr nous laisse indilTérents. Mais, dira-t-on, toutES ce croyancc , toutes ces couLlunes dont on expo e avec éloquence les effets charmants ou bienfaisants, se rapportent-eIles, au moins, it des objets vrais et exislant , ou ne ont-eIIes que la "aine satisfaction de nos uésirs et de nos rêves? II est clair que pour l'auteur du Génie du Christi{1- nis1ne ceUe question est sans intérêt. Son exposition I'TRon"fTIO'\' 31 fait ailncr Ie christianisme pour la beauté de son culte, pour Ie génie úe 5es orateul':5, pOUI' les yerlus de ses apôLn\s ('I de !'cs tli ciplés : que faut-il de plu:5? L'amoul' n\ st-il pas lui-mêlne une réalité, Ia. plus profonde e1 la plus vraie peut-ètre de toutes les réa- lités? Pourquoi Ja yél'ité qui eonsisle it être en accurú ayee les coudilinus de l'anlonr. de la vie, de 1'èlre. prail-elle IliOill5 vraie que celIe qui preud :;a mesure uau:-; It's ah:,1 ractions de I' entcndel1lcllt ? Ce';:; idées. plus ou moins clairemenl conçues et cxpl'jnlée . dirigèrent Ie 1l10Uyenlcnt qu'on a appclé l'ulnantismc. Le eIllimcnt y c t l'unique rògIe : la ,-ie, la conscience de ,'ivrc et de senlir est la fin que se pro- po e I"honlffie sl1périeur. Celui-ci fuit Ies abstrac- tions. qUI n'intérrssenl que Ia raison toute lIue. II se duIlnr à Ja poésie. it Ja pas ion, à I'enlhousia::;me, qui fuul yibrer l'Ù Inf'. II ailne fa soulTrance et les pleul's, qui exaltellt lller\-eilleu::;cment In. conscience d("\ soi. It !:'Ïnlérr:::,se it. touies les expres:-:ions de la vie que peuyeul otl'rir les liltératures des ditférents peuples, I'hi toire des ditTérents teln ps. II ycut res::;usciter, revivrc Ini-IHênH' les lllodes de pcnser et de sentiI' des époques di pal"lle:-\. II a une prédileclion pour la reli- gioH. qui agrandit son âmp en Y su:-\cÍtant et llunr- ri anL Ie Lou1'lncnt de lÏnfini; et. s'il :::iuit la pente de son Ï111aginalion, il se porte ayec une sympathie par- ticuliòrr ,-ers les institulions concrètes et po itives ùes religions révélées. Hisque-t-i1, en s'abandollllant ainsi au sentiment, de e mellre en oppo ition avec la scicnce? Le pur romallliquc ignore ce problèlne. Le sa\anl analy e et dé ni L; Illais 111i yi t, (Toit et ainlc. COlllnlen 1 la science pourrait-elle lui ôlcr son nioi? ('cUe conception des choses s'est nlanife lée dans Ie tour qu'ont pris, notanl1ncllt en France, les éLuùc 32 SCI:E'\'CE ET REIlî.ION scoJaires et 130 philosophic. Sons Ies noms rcspectifs de sciences ot dïltllnanités, la culture du goùt, ùu :-:ellLiment, de l'ânle, d'une part, ot la connai!-' ance des lnathélnat iqucs et des Iois ùe la nature, d'autre .. part, sc sont séparécs et isoIées rune de rauLre. Oll seulenlcnt lcs lettrès be surfbaient, mais clles s'attri- Luaienl volontiers la prééll1inence, J'aulant que l'holnme, Ie cæur. la yie étaicllt jllgés su périeurs it la nature et à son Dlécanisme. Et la philosophie. de on còté. si étroilement unie aux sciences chez un Platon, u n Dc carles, un Lcibn ilz, se faisait, dans l' enscignC'Iuen L, excIusivement Ii l- téraire et yolonliers :-;cntimentale. adnleUanL avcl Chatcaubriand, que 130 valeu,' des doctrines se llleSl1re à leurs consé(Inence..: au l"aracLt re :-;alutaire on llui- iblc de lcnr innuf\ncc. (ì(' nér:1leJn('nt n (1f"'.'{ .c ell Inatière religièl1:'C, en Lant qu'clle se fiattait de lnaill- tenir Ie point de vue classiq ue de 130 raison. cIle éLait, en fait, orientéc tlan Ie sens dt" Ia religion, lrahi allt ainsi Ie fOllU de l'nli'llClllali rne rumalllique tIui ðe cachait SOllS son raLiouaiisllle prudent. CcUe réyolntion considérablc, de,-enue toute-puis- sante a près Hou seau, Inais née, a' alÜ lui. d'IJIl révei I du sens hellénique de la nalure, Cll oI1po ilion à lïdéologie. absll'aile. ne fuL pas propre à la France: clle se produi:,it, ayec.; des caractères divPl"s, ùans tous Ies pays d'Europc. Elle apparait particnlit\rement originale et féconùe dans Ie rOlnantisme alleluand, donL la dc,'ise fuL, peut-on dire, Ie mot d(:. (Jyalis : .Die Pupsie is! das á"cht absolut llcelle : La poéðie est Ie réel véritable. Dès Ie comn1cncement de XIX e siècle, Ie principe romantique était placé au eæur 111êlne de la religion par Ie grand théulogiell Schlciernlacher. i l'inteIli- I,TRODrCTIO:V 33 gence, oi la YOIOllté, srioll Schleiermacher, ne nous i ntro(lui fIlt dan Ie domaine rcligieux. La religion n'e:,t ni nne connai sance, ni un préccple: c'est UDf' ,-ie, ; 'c..;t nne cxpérience; et cpUe vie a a source dans la partir )a plus profonJe de notre être : Ie sen- t i III cnt. Un ne peu t aileI' de Ja connaissauce de la reli ioll Ù, Ja l"t'liöioll. Celle-ci c t un fa! t pri m itif. L'holl1tne qui éprouye l'émolioIl religicusc tend. (raillcl1rs. å. s'expliquer, par SOIl intclligt"\llce, Ja lIature et la rai on de SOIl état d'fllnc; ct il trouye (Ph' }o.on cntin1ent cst, au fond, cclui de la dépen- JaHce ab..;ulue de la créalure à rl :.!al'(l de la cause Li infÌnie ùe I'univers. Le dé\"rl{)ppement, Ie rayonne- mc!ll Epnnlanr de ce cnLinlcnl : tclle cst la ,.ie reli- gicusc. Elle a pour cITet d'cxallcr lïndiyidualité, ce que nc saurair.nt faire ni la cicnce ni la morale. Elle tend it s'cxpritncr. Ilon par des idécs adéquaLes, ce f]ui c t ilnpos..;iLlc, n1ais par des synlboles. qui I,ui cnt la rppré enter å la cUIlH.:ience ct qui ell rcndenl Irs émolions communicablcs. Ce on'on 1 appellr dogmo n'c t autre chose qu'une repl'rsen- tatiOIl inh'lIpl:tu("}lIe de l'ohjel on dr la cause de ces én1otion . Talltüt Ie cæur. fécondant l'intelligencc. Li (Tél' i,nmédia\t"\G1f'nt des S)'lllbole::-; par 130 puissance ùu génic; tantòt il :;e sort des ymholes que lui otfrent les religions cxistantes. Mais ces syolbolos mèmes il nr Ips reçoit pa pas ivcnlent, il y infuse Ia vie: il leur con:-;ervc, par lÙ. nn caractèrr rrligicux. Lf'S traùitions, les dogmes n'ont de sens, n'onl de ,-alrur que sïls sont cunstalument revivifiés par Ie cnliIucnt dcs indi\"Ïdu . ul ob:..;taclc no pcut d'ailleurs être opposé par la science à la eréation ou à l'adoption de tel ou tel ymbolc rpligicux:. La scirnce. clio aus!o'i, n'c t qu'unc méthoùe de représcutation symbo!iqüe. Ellc cXl'ri (ne 34 SCIE CE Ern EI IC IO:.'t par des iglles r efTol't dc l' c prit ponr com prendre les cho:-;cs. c'esL-à-dire 'pour percevoir l'identité de rêtre et de Ia IJúnr-:éc, idéal ponr nous irréalisaLle. En somme. chez SchJciermacher. l'èLre prirne Ie connaÎlrp. La vérité ne fait qll'un avec Ia yie; rexal- tation de Ia vic fo:upéricurc, de la yir dc I'åme et du senLilnent cst Ia yérité Ia plus haute. Tout ce qui est formllJc, doglne, leHre, chose. matière, n'a de valeur quP comme symbole de cette yérité supra-inteJIec- tuelle. Plus métaphysique en Allemagnc. plu::; Iittéraire en France, la conception de la religion qui répond au runlanti me devint prépondérantp dans Ie ('our du XIX e siècle. La religion rppo ait alor essenticlIement, non sur lïntcIligcnce nlais sur Ie cæur; clIo avaiL ses priu('ipes, e::; arguments. cs æuvrcs, qui s'i mpo- saiPJJt à la rai on au nom d'une :lutorité trall cen- dante. Sans doute, iI ne manquait pas d'apologistes de Ia rp)igion '}ui reprpnaient Ies armcs rouil1écs dc grand..; rationalistes du xvn e ..iècIe. ou qui s'essayaient Ù en forger de nouvelles. pour at]"rontcr, eux au si, au nOln de la rai ()n, Ies ad,-er:-íaire::; qui se réelarnaipnt d'elle. lais Ia vie était du côté de ceux qui. an:) souci de la science et de Ia raison indép(>ndante;:" saIlS pf( occul'ation d'alliauce avec la philosophie el avec Jcs pui sallces temporclles., déployaicnt Ia vérité religiclIse dans toute son originalilé et toutc son alnpleur. Ce qui florissait. c'était la religion libre, appllyée SlIl' se:; autorités prol'res : Ie cæul'. Ja foi, la tradition. ct travaillanl au dðveloppclIlenl el à I'cxaI- tation des forces spirituelles. De son côté, la science s'était habituée à ignorer la rcliëion. IJe plus en plus nelten1ent elle se consi- ùérait COllI me reposant sur l'expf riencc ohjective 1:\ Tnont.;CTIO'J 35 I toule seule ot, COlnr])f' n .Lyallt d'aútre objet que de I ù('cou\Tir les cOBnexions immanentes des r,lléno- Inènes. Que lui iUlportaicnt \ nEr.IGIO . - La génél'alisatioll de lïûée de scit'nce et l"OI'gallisatioli des scipn- ces: Science ot Philosophie. - Philosophic ct Heligion : la reli- gion de I'llumanité. 11. L'hTERPRÉTATlo ()E L. DOCrßI E. - Sociolo!!"ie ct I'cligion : re que celle-ci ajoute à cell(' -HL. - L(> l'appOI.t logique de la philosophip rt de Ia religion dans L.omtc . Ia cconde c:ontr'cllit- clle la première? III. ':\LEt:lt HE LA DOCTnl E. - La Scicnce "ènée pal' la Hf.Jjgion. la Heligion vènée paJ Ia '5cience.- Lllumanité, concept éLl}lbigll. - L hOITtlne, comme a pirant à se dépasser: cela mèmc cst la religion. - La contradictIOn interne du pflsitivisme. Rien de plus clair, rien d pIns comn1ode pour ran- ger ses idées dans a tètc ct pour conduirc une dis- cussion aLstraite, que des ùéfinitions rrécisc ct tIcs gncs de délnarcation inviolablcs. Enfernlées rcspcc- ti\'cmcnt dans Ie cætlr eL dans l'inlelligcucc, conlInp dans dcn cOlnpartinlcnls séparés par unc cloisun étanche, la science ct la rc]i ion n'avaicnt chance i 38 SCIE CE ET RELIGION d'entrer en conllit. II suffisait que chacunr d'plIes reronnÙt à l'autre la liberlé flu'elIe revenùiquait et clout rile joui sait pour pllt'-n1ênle. Ainsi se résoh'ait Ie problènle òu rapport de la science eL ùe la religion, très facilenlcnl. dans Ie Inonde des concepts. II en fut aulrenlent dan.;; Ie 1l1onde réel. En fail. ni fa science. ni la religioo 1 n'entendait. si large qu'oo fit son dornaIne, y limiter sa COIn pétencc et on action. Le posLulal de la maxilne alor:;, en honneur : Rcndez à César ce qui est it Ct ar et à Dieu ce qui est à Dieu, au sens qu'on lui atlriuuait, c' était, IlO 11 seulenlenl q nc. tlan l' homme. les fa nlLé , reli ieuses n'ont rien de comInun avec les faclllLé:-: cienlifìques, mais que, ùaIl lo cho::;es Illêlnes. ii y a deux monde , esprit et Illatière. tlolnaine pi- rituel et dOlllaine temporel, It' quels n''inLf'rfèrenl nulle part. Or, ceUe hypot hèse peut être un cOIllpro- nli cOllilnode : ce u'est pas la réalité donnée, c'e t à peu prl's Ie contrairc de cette réalité. Oll trOUYÛllS- nou , dan rhl/nlIlle. la lig-ne de séparatioll ÙU cruur et de l'intel!igence; dans la nature. la démarcation entre les corp ot les esprits? C'est I)ourquoi la reli- t;ion, d'autant plus avide d'expan:-::ion (Iu'elle élait Jéclarée intlépell(lante, e trouva à l'étroit ùaIls 1(> sanctuaire de la conscience, ct s'etTorça de conquérir Ie monde visible. Et, d'autre part, la science, forte de se succè , chaque jour plus' éclatallls, ct d3 la conscieIlcc de plus en plu distincle. òe son objet et de a mélhode, proclama que Ie Inonde clllier de réalités, dans toutes ses parLie , était désUfll1ais ouvert à son inYe tigation, pOUrHJ qu'elle procéòåt par ordre, en allant, scIon Ie précrple de De:-irarles, du jn1pJe au conlposé du facile au diflìcile, de ce qui nous cst imn1édiatrInent connai:,sable it ce que no us ne l'ou- vons attcindre que Inédiatrmrnt. ALG. CO'ITE ET L.\ nELH;IO DE L'nl":\;.\XITÉ 39 Dè lors, lp conflit.. si adroiLement écarté dans la théorie, était inévitahle dans la praLiquc. Si la religion prétend régner sur les corps ('omnlO sur les esprits, ct la sciencc sur les esprits comnlO sur Irs COT"Fs. clles bC rencontrcronl nécessairement. et la qne tion 'jmpo c de avoir connl1ent se dénouertl Ie dilrérend. neaucoup, sans doute, persisteront à p('n er que Ie plus simple est encore de maiutenir, par des ménagements mutueIs, un compromis qui procure la paix; et, constalant qu'eux-mênlcs sonlmeillent très,' bIen sur Ie mol oreiller de l'incuriusilé, ils 5e pJaindront du bruit que 1'0n fait aulour d'eux el fIui risque de les réyciller. Nombreux demenreront ceux flui, alléguant q u'un saint Thomas, un Descal'les, un ralehranche. un Leibnitz étaient de intelligences lIpérieures. se demanùeront pourquoi on ne yeut plu Sp rrndre aux arglllnenLs dont ces pen rl1rs se ont eontentés, et s'en prendront au progrès (rUne crilique sans frein, du discrédit fàcheux où ::;ont t(nnLés les conlpromis cla ique:-;. 'Iais la c()n rience hl1maine. considérée dans a permanence it traycrs les àge:-;. ne ::5e COUr( Ild pas avec les habitudes (J'esprit de tel ou tpl individus, ccux-ri fu sent-ils nOlnhrrux et rernarquable:--. par leur èrudilion ct leur talent. La conscience est une coordination. donc une on- fl>ontation des idées diverses qu'apporle re\:périence ; elle est un ef1'ort pour établir enlre cUes un accord, lInc hannonie, soit par l'adaplalion des unes anx c.lutrrs, soit par l'élinlinatioll de cellcs-ci au profit òe celles-Ià. C'e t ponrquoi, si la ciellee et la religion s'alTl'ulllenl, it faut lléces airement que, tôt ou tard, Ja consciC'llce les con1parr PH ire elles, aOn de s3voir si elle' peut, alls. se renier, les maintenir en em hIe de qupJ(lue Inanièrc. au i clle doit ;:,e décider it reje- lel' l'u:1e pour conserver L"autre. 40 SCIEXCE ET HET ICIO:V Et. dan celle' réficxion qui s'in1pose, il est clail' que la consc'i('nce peut s'in:-,pirer de telle ou telle doctrine autrefois professée par un grand esprit; nw.is clle lIe peut que s'en inspirer, non la restaurer puromonL et silnplelnent, parce qu'il est biC'n invrai- so m blable q u'il n'y ail pas, dans les phé nOlnt\nes iSSU8 de grandes révo(uLions, quelfJue élément nou- veau, appelanl un changement d'atliLude. Ce sentiment d'une confrontation nécessaire de la science et de la religion apparaìt généralelllent chez les penseurs qui se sont occupés de ces oLjcls à partir du seconù tiers du XIX e siècle. On peut les répartir en deux classes, scion qu'ils manifc tent plulõt une tendance naturaliste ou une tendalH.c spiritualistc. En tèle de la prcll1ière se place Auguste Corote. ALG. CO'ITE ET L.\ RELlGIO\ DE L'lll L\:\lTË 4i I LA DOCTRINE D'AUGUSTE COMTE SUR LA SCiENCE ET LA RELIGION. Lc ystèlne d' \uguste Coolle consiste dans unf' marche mtSlhodiqup (Ie la sdence à 130 religion en pa sant par la r,hilo ophie. La méthode suiyanl laqlH'lIe ('::;t accompli ce progrès, ct qui ùétennine la signification ot la valcur des conclll ioi1s e t appelé0 par COlnte positive: et Ie systèmc lui-n1êmc, plus spécialement fo'on couronoClncnt rcliöieux, re{'oit dr lui It, nOOl dp flOsiLi\.i mc. Ce tC'rmt-' yeut dire: 1 0 qU(' Comte so propose de salisfaire les hcsoins réels ùe I'f'spl'itllllInaill. e1 ccux-là euler?1cnt: 2 0 quïl n'ad- Illet cUmBlC mOyt'lls (Ie celtca satisfaction que ùes {;onllai... ances égalcment réelles, c'es1-Ù-dire relatives à des faib it la fuis yéritables et accc:-\:;iul(' it l'csprit humain. connai :..;ances qui. ellc,,-nlêmes, doiyent êlrc ad:lplées à nos besoins réels. Ctilité et réalilé : ces deux 1110ts épuisent Ie contenu du termc ':t positif )). De CéS deux caraclères, d'ailleurs, un 1roisiènl( ré ulLe: Ie cal'aclère organicrue, car les connais- sance cL les sentilnenls humains, incapables d'une organi alion certaine tant qu'ils ne sont pas soumi à leur règle véritaLle, formeront un sY:5tènlc déíinitif, Ie jour oil ils se1'ont tou:; rapportés à une fin à la rois une e1 inòi culaLIe. * * * ])e deux éléluents essentiels d'unc notion po iliYe) I{\ réel et l'ulile, Ie prC'n1icr sc t1'ou\"e uan::; la cience, . 42 SCIEXCE r.r HELlGIO et dans elle seule. La théoIogie et Ia métaphysique, qui prétendcnt, eUes aussi, nous faire connll}tre la nature des choses. sont des con trnclions illusoires. La sc.if\nce sera done la ba e du positivisme; et, pour pouyoir systé1l1atiser et11lili er tout ce qui est à notre portée, Ie posiLiYÌsIlle e igcra que tout ce qui no us est donné f'oil eilyi agé de Inanière it pouyoir entrer dans les cadres de la cience propre1l1ent dite. En fail, les connaissances hU1l1aines sonl loin de présenter toutes, dès lnaintenanl, la forlne scienti- fìquc. Si les lnathélnatiques, l'astronomie. la phy- sique, Ia t:himit"' bont yrainlrnt des b{.iences. Ia biologi(' conlluenre à peine å e d gllger Jes Ianges de la lnétaphysique; l'é uùe ùes phénolnènes spéciale1l1ent hu ruains c t encore abandonnée aux littérateurs et aux hi:-;toriens. étran f\rs à J'idée de science. v E s'agiL done., tout d'abord, de délerminer l'idée de scicn e, et de voir comment cette idée poul'ra ètre appliquér it tontcs Ie branches de la connais- sanee hUlnaine. La méthode que suit ici Aug. Comte est tort rernar- quablc. II va du concrel au concret, pt non d'un' principe abstrait posé a pl'ioJ'i å 5CS conséquences dialectiques. II ne part pas tlr la logique, science de coneept . 111ais des InaLhélnatiQUès. science réelle. dès main1cnant consliLuée. A · II C01l1mencera par déterrniner les caractères qui font des 111athélnatiqllcs nIle :"Icicn e. Ensuite, il se donnera pour làehe, non d'ilnposer ces caractères. teis qucIs à toule les autres branches de la connais- ance, n1ais de les aòapter, pal' des J11odifications convenables. sans en altércr l'essence. à la ùiversité des objets å connaitre. C'est celte adaptation qu'iI appelle généralisation. extension. La mè1l1e forme intelleetue!Ie se retrouvera ùans toutes nos connais- .\t:G. CO'ITE ET L.\ nEI IGIO DE L'lIr I.\!,;ITÉ 43 anl:Cs. mutalis 1nullllldis, et la cience sera it la fois tIne cl divpr e. Or. les n13,thématique , selon _\ug. Con1te., doivent leur t'ornle scienlifìque à Ia recherche exclusive òc lois po jliYe , c'e l-à-dil'e de relations précj es et invaria- hies enl1'c ties l('fInes donnés. C'est ùone eet objet, cOIl\"enahleIncnt délern1Ïné, qui deyra êlre a::;:::;igné à tOllS lc orJre de la l"uIlnai anl:e. CeUe ùétcf"lnÌna- lion ::>'opère : 1 0 en chcrchant, dans la chose à con- nailre. nn còlé qui permette de la ranger sous les Iois de la science: 2 0 CIl concevant ces lois elles-n1 n1es nolnènes que considèrcnt Ces t;ciences, 1(' ilnple nou:, cst plus acce ::,ibJe que le cómposé, nous est connu avant Ie cOlnposé. Or, dès qu'il s'agit d'êlres yivaul:.-, c\,:-;t lïnYcr e qui a lieu. lci l'ellscn1ble nons est plu ahordable ellnieux connu f]ue Irs parlie:-;. Tandis que l'idéc de l'univcrs ne pOUITt) jamais de- ,'cnir positive. parce que l'univers dépa scra toujours nos rnoyens ù'obscrvation, en biologic. au conlraire, ce sunllcs délaib qui re=--tent inaccessibles : Ics êtres nous soul d'aulalll plus connai..;sahlcs 4u'ils ::;ont plus com- plexcs rl plus élcvés. L'idéc d'aninlal cst plus neUe que l'id('e de vrgélal, et l'itlée d'hol11111e e t plus neUe que eeIlr de:; aulres animaux; en sorte qU('1 It) notion d'homn1c la cule qui pour nous soit imlnédiate. est Ie point dr déparl nécessaire de loule la biologic. Ainsi, tandis ([UC' Ie sciences phy if}ue yont des parties à l'ensembIe, la biologie, précj ément pour demeureI', cOlnmc Ie:; scienccs physiC} lJes science d'observatioll, science positivc doit procéder de ren- semble aux détails. Si la Inéthude positive a dû subir une te1le modifi- cation pour 'adapter aux conditions des sciences biologiques, on ne saurait s' élonner que, pour pau yoir s'appliquer à l'étude de faits Iuoraux et sociaux, elle reçoive de::; modification::; plus grandc>s encore. EliC demeurera positiye, malgré ces modifications. si cIle se montre réeIlement propre à démêler, à travcr l'apparent désordre et l'apparente spontanéilé du monde social et humain, des rapports conformes à l'idée de Ioi naturelle. \l.( . fct'lrrl' I T I \ I\I"I I(;I()X lIE I '111" I\!\ITÉ 4;:) Et d'ahord, pui que la ociélé t':-:l un ronSf'JlSllS ou une olidal"il. . ailL i cJue 1(' rorp::; \"i\"ant, la mélhodc y rccc\"ra la Illl'nlt modification qu'('n hiologi(', et pro- cétler:t de I'(,Il eIHbll' aux parties. Iai:, I'cll:::;('wblc. en ::;ociologie, ce ne Cl"a plus rindi\.iùu, Icquel au con- tl'ail"(,. n'csl ici qU\lIl ll1en1bre ou une partie: ce :--era la soeiélé, ct. en prclnièrc lignc. l'huInanité. La Inatii'rc prelnière de l'étude des faits humains conune scicnce, ce sont les faib colleclif:::;. Ce n'e l pas tout. Cno distinclion qu'il y a lieu de fail'c en tOllte cient'e. mai qui, dans le sciences inféricures, n'a qu'une purtée secondaire devicnt ici .':1, pi laic : ct'lle de la taliq ue et df' la dynan1iq ue. La I taliqup élutlie 10 con ellsus ou organisme social dans se..; rapporls a,"ec cs condilions d'cxi:--lcnce, e1 fail la théorie tic l'ordrt\. La dYllêuniqllc rédllit PI} loi Ie phénolnène hUlnain par excellence, Ie pruöTès. Allant de l'pIlscInble anx délails, la dynalnique sociale délcrminera tout d'abonl Ie progrès g{'néral de IÏnnnanilé. Elle èmploiera, (lans ceUc yue. un nlod., d'ODSCl"vatioll approprié: l'éLude de rhisLoire énéralc. Ccttr élu.lc prend pOlll objet It's fait hu- Blains col!eelif , les seuls qui soienL observables dn d('hof:5, le5 culs qui soient des faits, au sens précis du nlot; ct .It' Ja cOllsiJération de ces fait , dIp dégage Ics Lrails généraux qui caracléri ent les diifé- I'enle épofJu(, . A elle seule, toutefois, lÏ1Ísloire générale He :;utïì rai 1 pa it fondel' la sociologic. Iais cOlubinée avec la rÚllnai sance d 5 tendanc05 fonda- mcntales ('t perrnanpnte innées it la nature humaine, f\l c fournira les loi::; dynaIlliqllcs qu'il ð'agit de détcr- nllllC I'. Aug. Comtc. ;'t ret . gafd, ne rai onne pas seule- menl en tI.éuriden. II cstimp avoir découvcrt. dans ce qu'il appclle la loi dc tr'ois élals, à ::;avoir ,Jan la 46 SCIE CE ]-'1' HEI I(;IO succession nécessaire de rétat théologique, de l'étal métaphy ique et de l'état po itit, la loi fondamental0 du progrès humain; et dès lors il conclut ab actu ad posse. C'est ainsi Que la nolion de science étant à la fois détern1inée dans son principe et adaptée à la diver- sité des objets à connaìtrc, tout co qui nons est acces- sible, Lout ce qui est pour nons pent devenir objct de Clence. * * * JIais Ie positiyi mr ne cherche Ie réel que pour tllteindre it rutile. COll1mcnl, des connaissanre réelIe que fournissent le5 science , s'élever à òes connais- sancrs yériLablen1rnt positives? Ici commence Ie rôle propre de la philo!'ophie. Pour que la recherche OU récl roïncide a\"ec celie de rulile il faut que la philosophic (lénni se rutile, ct dirige ycrs ]ni la scirn e; car cello-ci d'elle-Inême, ne s'ilnposcrait pas la disci plinc nécessaire. D'une Inanière généralc. la fin que ponrsuit ]'huma- nité, c'rst la rohél'cnrc l'hal'monic, l'nnité des concep- tions et des volontés. ...\ répoque présclltc, cstilne Aug. Comlc. cette haflnonie qni jnsqu'ici avail été assurée par Ie règnc de l'ltglise, ayant été rompue par la Héyolution. l'objet Ù poursuivre est la régéné- ration de la soriété par I'étaLlissernent d'un syslèn1c nouvcau de coordina ion, inébranlable et définitif. L'crreur fjui nous goette, c'est de croire fju'on peut rétablir iln rnédiatenlent celle harnlonie par des insti- tutions politique ou religieuses. Ccrtes il faut des inst itutions, mais ces institutions doiyenl avoir un fondelnent; et lïdée du but à aUcind)"(\ lïtlée pra- tique pure et simple est un fonden1ent insnJ'li!'anl. La pratique ne sc suffH pas it elle-même. On n1anqlle Ie .. . '\ ALG. COJITE ET L.\ HFI JGJO:\ DE Y,'lIl'L\!'\ITÉ 47 hut quand on pri'lclIJ s'.qanrer d'pmhlée à sa pour- n;le, :;an élude préalable des moyen,; à en1ployer, ans initiation. L'art par l'art e t nne chilnère, la Ih( nrie pour la théorie e t unp vanité : ce qui est dans rorJre. c'e t ['art par la. théorie. Dc Ii ['intervention nécc5sairc de la philo ophie. Si la lJI'atitlue sc l1ffjsait, l'æuvre de la régénération bociale rcviendrait toule aux politiques. i la cience, pal' clie-lnèuIc, était cOl1ycrgentc. on pourrait rc- IlH\Ltl"C llIX s l\-anls Ie oin ùe gouycrner la société. rais. rune ct I'aulre de ces hypolhèscs étant égale- l}}pnL faus c. il y a liru d'in:-;titucr une rechcrche spé- cialt'. pour délpl"}oincr les conùitions till pas age de la COIl!lai sance it l"aclioll. CcUe recherche e t l'alTaire ùe Ia philo:oìophic. Doclrine c,apitale chez ..\ug. COlule.. I qui. par cUe. I'ensait rélablir, pour Ie alut de l'hu- Inanilt . Ie double taractèrc. à la fois lhéorique et I pra I iq lie. de la sagc ::;c anti(l ue. Lïdéc que. eloll Conllc, apporte ici la philosophie. ("est quïl cst v'ain (respérer la cOIl\"crgent"e 1110rale ct pol il iq He dc cnt ilnents c t de:-: actions h11 m ai nes, si pl'éalablement un n'a réalisé, dans Ic!' pensées et dans los e:-.prib:. la cohrrence Iogique. L'uuilp intellec- lnelle l\ t h\ condition (1(' l'unité n10ralo. L'utile, c'est dunc. tout d'abord. la réalisation de l'unité intellec- t lielle. tablir cptle l1!lité est ['objet propre de Ia phi- Io ophic. Conslituées tontes égalcment d'apr s l'idêe positive ùe loi naturellc, les sciences po sèûcnt. une ccrtaine hUI11ogénéité, qui pourrait faire croire it leur unifica- tion possible sur Ie terrain cicntifique lui-même. 1ai5 eestlit une dangcrruse illusioll. _\nalogue!' dans leur mélhodcs, Ies sciences 8ont, ponr nOll , invin- ciblemcnt :--éparécs les nnee; des aulrc quant à leur ubjct. La né c siLé Inêmc de se conlenter, pour leurs LIBRARY ST. \AnY'S COLLEGf "-18 CJE\'CE El' REI JC)flN méthodes, de l'(lnalogie. en r non 'ant à l'iden Lité. n sa cause dans l'irrédl1ctible di'9crsité des matièrcs. Lno COJnme hesoin de l'esprit humain, la science c t nl - ce sairement Inuit i pIe et diycrse dans sa ré lisation. II n'y a pas., il ne ilurait y avoir une chose une cherclu) de.:-:. loi5 de la nature une curiosité d'aJnat !Il.. Leur de,-ise sera: prévoir pour pOllrvOir. Xon seulenlcnt dies BcrOlll toute orientées vcrs Ic bien social, nlai des relations spéciales de fin à moyen seront établie entre eUes. Chaque science su- périeurc déternlinera les problèulCS que devront traiter les sciences illférieures. et la Jne:-iure dan laqnellp il cOH,-icHllra que soicnt pOUbSt CS les recherches. En rryanchc, les lois établies par les sciences inféricures 'appliqneront sans reslriction aux supérieures, la spécifiriLé irrétlucliLle de celles-ci ayant pour base et condition u'existenr{'\ les lois mèmes qu'elles dépassenL en y ajoutanl. C'est ainsi que les lois naturelles seront détermi- nées dans un sew entièrement positif, c'est-à-dire du point de vue de-I'utilité comme de la réalité. La rela- tiyité dont la critique philosophique a frappé Ia con- nais ance hunlainc srra d'ailleurs Iuaintenue, non en ce sens, négatif et oi eux qu'un phénonlène est condi- tionné par un autre phénumène. mais en re sens posi- tif, que toule connaissancc est relative it I'homme, u'a de signification que COl1l1Ue instrument, direct ou éloigné, de son perfet:LionneluenL Doctrine dont les conséquences ::,ont (;on idérables : les lnathématiques, ; uonl on avait ,"OUIll faire la. science royale, tOluuenl . au dernier rang dans l'échelle de nos c.onnaissances. .\CG. CO:\lTr. F.T L.\ I\EL1r.JO DE J.'nl':\f_\ lTÉ r> t Telle e:-;t rorganisation (Ies ..,('icT}("cs que rend pos- sible 13. sociulogie. CeUe organi alioD réali e la coh('- rencC mentale, J'uuilé intellectucHe, sans laqnclle la régénération des sociétés est inl possible. La portée de la philo ophie va jusque-là. Suffit-il. nlainlenant, ù'avoir at teint à runité inlellccluellc, pour qnc l'unité lllorale el politique se proùui c (l'elle- Inêlne ; ou est-il nécessaire, pour n -HIrer la réalisü- lion oe cclle unité suprême, ùe Jllunir l'hOltlllle de llou\"cllc re ources, de faire appel à des îùrccs ..l'une aulre nalUl'C ? * * * La philosophic, dans son travail de synthèse, a mis en æuvrc les données que lui fOllrnbsent les sciences, dlc ne s'est pas delnandð quellcs élaient les condi- tions de ces données elles-Iuêmes. Ellc a trouvé ùans la ociologie lc principf' d'une systématisation des SriClll'CS, proprc it réaliser parmi les hOlnmes l'unilé intellectuelle. 811e n'a,.ail pa à rechercheI'. pour l'æu\"rc qu'elle avail en vue, ù'oiI ,.ienl qne la société cxiste, queUe est la nature de son ressort et de SOIl principe. CeUe rechel'clle, pourtant, s'impo e à I'hoIllme qui Yeut elfeclivcnlent, et non pas seulCIDPnt lhéoriquement, rt;générer la société. Les sciences fournissellt Ips mat.ériaux, la philo ophie ordonne ces ntalériaux. 'Iais tout ce travail demeure abstrait et. ronùiLionnel. Qui nous répond que la sociélé, teIle que 13 science la suppose, existera. et so conseryera? L'histoirc nous lllontrr des ociélés réalisées. Qui les a produitcs ? Est-cr la science, est-ce la philo o- phie '? L'ohservation nous lnontro que c' estla religion. C'est à l'aetioll per istanLe de la reJigion que la socio- logie doil el son objct et sa. raison d"être. Cet objet G2 SCTEì\CF FT HELIGIOX subsistera-t-il si la religion di {Jaraìt? La cause ôtée, l"r.tlet restera-t-il devout '? Con idérons la nature hnnlaine. L'inlclIigencc y cst in!pnis ante it créer ou Ù conservcr lú lien social. Lcs plus savanles COInbinai on intellectuelles nc peuvenl qu' organi:",er I'égol lne et I'Ü;oIc mrnt. D'une Inanièn\ générale, l'inlelli .ence nc fait qu'ordonner. systénlatiser : elle n'engpndrc pas. Ce qui crée. c'est Ie cæUf. Le cæul' c t nécessairement à l'ori- gine de cette création suprêlne qu'est l'organisme social. Et Ie cccur ne ::;aurait se confondre avec I'i nst inct, avec la nalul'e. avec Ie fai t pur et sin} pie, Car c 'cst un trait de Ia nature humainc tcllc qu'cllc nou est im- nlédiatement donnée. quc le:-; instincts les nloias rIf','é ct le plus égoïstes y dOlllinrnt les pellehnnt<;. plus noble . de sympalhie et d'alLruisrne. Sails ooule ccs penchants cxi tent prinliti,.ernrnt, ain i que l'in linct égoÏste lui-mème; mais ils B'OOt. dc cet instinct. ni ]' énel'gic. ni la pcrsé,.érance. Ur co soul le all'cctiul1S sy n1 pathif} Uf'S f] ui. se ules. pruvcnt cng('ndrcr e t Illai fl- tenir l"étal orial, en cornprilnanl Ics pl)ll S eS di\"cr- gentc" des instinct", illllividuels, L'cxislence dc:-; sociétés est donc liéc à un étal de cho es que ni lïnstillct ni lÏntellig ncc ne peu\'cnt réaliser. II :-\'agit de trouycr. pour Ie penchant syrnpa- thique òe l'hommc, une a i tance qui Ie rellforco. et qui Iui confère la prérondérance sur l'instinct go.islC. C'est ceUe rrssi tance q ne, dans Ie passé, lui ont pro- curée les religions. Elles oot fait. à leur rnanière, ('union des cæurs, condition de I'union des intelli- gences. De ces antiques institutions Ie fUllds hUffi[lin doit êLre recllcilli et cOIlser\"é. i Ies dog-rues par Ics- I}uels clle so forn1ulaienL sont cO!HlanluÖs it disp:l- raitre. C'est 1:1. rrligion, régéoéréc elle-luême, qui A r.. CO'ITE FT L.\. nriIGIO:\ DE L'lIlM.\:\ITÉ 5: fonrnira Ie preInicr principe de la régénération des société . La InéLhode à suivre pour opérer ceLLe re'5tallration fist de dég lger dc éléments négalifs et caducs que conticnncnllcs religion::; traditionnelles, l'élélnent po- sitif. hluuain, inuestructible, dont . lIes ant cté Ie · ,'éhicl1l . Ainsi sera consonl mé Ie posiLi visIne, dont Ie poinL cuhninant esl ainsi la religion positive. Tout l'enscignement des religions se résume en deux dogmes : Dieu et J'immorLalité. Quel est Ie contenu posilif de ces deux dogmcs? L'iòée de Dieu en tant qu'ellc traduit Ie besoin réel de 1'l10n1me, c'est lïdée d'un être universel, inll11enSe et étcrnel. avec lequel com muniquent les àlnes hu- maines. et qui leur infu.se la force de ,"aincre leurs penchants égoïsLes et divergents, pour tenure à s'har- moni rr et it Sf' réullir en lui. L'idée posiLive de l'iolmOl'talilé, c'est l'attribution aux justes, c'est-à-dire à ceux qui, dès cette ,'ie, ont imé réellement et efficacemenl Dieu et les autres homines, d'une part dans la vie éternelle de rêtre divino Or, Ie positi\'isn1e n'a pas de peine à trouver un double ubjet, réel et accessible, qui saLisfasse à ees conditions. Cet objet n 'est pas loin de nous, il est près de nOLls, il est en BOllS: il n'e5t autre que I 'fhlInanité. L'hunlanité a été souvent conçue comme une silnplr notion uni,"crselle: c'cst éJlors l'abstrartion des scolastiqucs, forn1c vide et inerte. On peut encore enlendre par l'lllllnallilé la collecli0n des hommes acluelIeOlcnt exisl)'llts. En ce sens clle est lIne réa- lilé; Inais COl1l1ncnt donlÎnerail-elle les indhidus actuels, au point Ù,. porter cn clle Ie Dieu et L'imlnor- talité qu'ils réclamcnt? 5. 54 SCIE:\'CF. ET nELIGIO lais l'hull1aniLé, telle qu'clJe nous est donnée dans touLe son ampleur, est autre chose qu'nne abstracLion scolastique ou une collecLion spaliale. L'hulnanité . est une continuité et une solidarité dans Ie temps. Elle se fait de tout ce que les hommes ont scnli pensé, accompli, de hon, ùe généreux, d'éternel. EUe esll'être supra-spatial, où se fixe nt, en s'épurant et en s'organisant, où deviennent vie inlmorlelle et influence lntélairc Ips efforLs in certains et transitoires des indi- vidu . L'llurDanité, ainsi comprise, est cllr-mêmp Ie Dieu que demandellt les hommcs : êlre rée!, ilnmense et éLcrnel, avce qui ils sont .en rapport iU1Tnédiat, en qui ils ont l'ètrr. lr nlouvement ct la vie. Du réservoir de forces morale:, accnmulécs en cet (\tro à travers les siècles, s'épanchent dans les cæurs les grandes pensée pL les nobles senlinlenls. L' II umanité est Ie GranJ-f:trc, qui nons soulève au-desslls de nous- même et qui comrnunique à nos penchants sympa- thiques ce surcroît de forces qu'ils réclament pour pouvoir domineI' les penchants égoÏsLcs. En l'Huma- nité'l les hOlnnlcs s'aiment et communient. De même, en l'IIumanité, les inùividus peuvent jouir, vériLabIemcnt, de l'imInorlalilé qu'ils désirent. Car elle recneille, conserve et sÏncorpore tout ce qui e<;t conforme à son essence, tout ce qui est propre à la rendre plus grande, plus belle, plus puis- sanle. Elle n'est faite '!ue des pensées et des senti- IDents des homnles r/'els, et elle se eompose beau- coup plus de morts que dp ,'ivants. Ces morts vivent dans Ie souvenir ému, actif et efficace des -généra- tions actuelles; ils agissent, dans la noble émulation qu'ils ne cessent d'exciter chez les vivants, et qui pousse ceux-ci à mériter eux-même de se réunir à leurs grands aînés. ArG. CO"TE ET L\ nELH IO Dr. L'II("11.\XITJ 53 II c...;l 'Tai que ni Cp Diru ne aurait êtrc personnel. ni ceLte immurlalité objective. Le posiLivbme repousse cOlnme imaginaires ces d()gmes des religions ditc révéléc . Iais en quoi la rcligion proprcmcnt dite cst-clle aUpintr par lit? (ju'csl-ce qu'un Bien borné. C'f!oïstc, lranscendant, capncieux, en conlparaison dr l' lIu mallit(,o t oute it tOllS, i m mancnle, et, dans sa ublinlité, vraiIuent une avec Ie plus hlIInble? Qu'est- ce que la per i'lance matériclle dans l'cspace, au prix de cctte survivance dans Ie temps et dans les con cience...;o qui, ::;cule. réalise Ie ,"ceu Ie plus cher du ereur hUluain: l'union des àmes dans l'étcrnité? S'il est une religion qui répondc, d'une façon ccr- taine et définitive, à l'irréductible et indispensable in...;tinct religieux de la nature hUlnainc, c'est Ie posi- I livisme, on religion de l'lIumanité. CcUe religion n'esl pas une ab traelion, c'est une "!e: c\ ::;t Ie développcInent cffeclif dr l'altruisme et de ramour. Iai la InéthoJp à suiyre pour pratiqueI' cf1'cctivement cclle religion est d'importance capitate. Lp réligions d 'autre foi , cIles al1s i. ont eu pour objct l'amuur; ponrtant, SOlIS leur fornle traditiori- nelle, elles sont condanlnées. C'e t oue nulle in\::- 1 tilution n'est viable, qui ne res peete la loi des conditions d'exi tence. Or, de mèJne que la philo o- phie, pour èlre po iLive et tablc, doit être précé(lée par la cicn('e, dont eIle reçoit la rnatière luêlne qu'clle a mission d'ol"ganiser, de lllême la religion, pour ètre inde trlldihlc, doit s'appuyer sur la science et 1.1 philosophie C'esl dans Ie moncl(. réel el rationncl qu'ellf"\ >. Iais ici encore, nous ne allrions nous en tenir au proprc jugcmcnt du philosophe; car les grands pen- seur:, excellent it coordonner ct harnloniser après coup, si di p3rates qu'cl1es aient pu êlre, les diverses pha...:es de lellr existence intellectuelle. Pour avoir -..:i ConIte s'csl contredit. et si, dans sa doctrine religieu e. il a, non cOlnplété, luais renié les principes de sa philosophic, it cOllvient lie considérer sa per onne et on æuvre dans leur ensenlble. Or nOliS con5latons que, dès Ie début de sa réf1exion philo ophique. alors qu'il avait à peine dépassé Ia ,-ingtièlne annéc, préoccupé, COlnnlC le5 hOnH}}e de son telnps. de la réoI'ganisation de la sociéLé, il !sc renùait cOlnple de ia faute décisive flue ron ß 66 SCIE:\'CE ET RELIGIO:'l eommettrait en abordant de front eetle question laquelle, en eifet, dépendait de plusieurs autres, qui devaient être résolues préalablement. Dès 1822, it I'àge de vingt-quatre ans, il Pllbliait un opuscule intitulé : (( Plan des travaux seientifiques néeessaires pour réorganiser la ociété )). Sa sociologie y est en germe. Il voil clairement qu'à ['inverse du XVIU e siècle, doni la maxillle était : les lois font les mæurs, il faut dire: les institutions dépendent des mæurs, et celles-ci des croyances. Ainsi ies travaux scientifiC] ues et théoriques qu'il ya entreprendre ne sont pas pour lui une fin : c'est Ie moyen, détourné en apparence, en réalité indispen- sable, de pr( parer la réorganisation sociale, qui seule est la nn ,-érit.able. Ces tra\ïlUX lhéoriques ne devaient, sans doute, dans sa pen ée, I'occuper qu'un petit nOlnbre d'an- nécs. Iais il lui arriva quclque chose d'anlliogue à ce <1ui s'était produit pour Kant lorsque, se proposant d'écrire en quelques mois une introduction critique à la luétaphysique. cc philosophe avait n1Ïs onz ans it COlnpo c.. un lr l\'ail. qui ne rut autre que la Critique de 10 ll11isun }Jlll'C. Comte consacra à la conception, à la rédacLion el à la publication de la partie préli- minaire qu'il avait conçue les années 1826-1812. .Au cours de ces longues recherches. r esprit d II philosophe ne demeura pas immobile. II se proposait de réaliser.. en lui-mêlne et dans l"humanité, l'uniLé de la pensée. II s'aperçut, non sans étonnement peut- {'tre, que cette unité ne pouvait être obtenue par une systélnatisation objective des connaissances. opérée à l'aide d'un principe matél'iel. II y a, dans la série des sciences.. un hiatus évident eutre les sciences physico-chimiques, qui procèdent des parLies à l'en- semble, et la biologie, qui va de l'ensemble au\: At:G. CO'ITE ET 1..\ HELIc.lO;\l DE L'lIl I.\:,ITÉ 67 I p:uties. !\oJ.vpllc coupurc entre la biologie, où domine l'llcore la C )orclillation dan l'cspace, cL 130 sociologie, dont la loi csscnticlle est la continuité dans Ie ternps. En défillitivl ('haque cicnce ajollte aux princircs des seirJ)ces anlérieures qnelque chusc de véritablcment nuuveau; c'est pourqlloi la. y LémaLi5ation des cicnces n'cst po iblc que conl1ne synthèse opérée, crUll point de vue qui Illi est propl'e, par l'esprit, cOlnme synlhèse puremcnl subjectivc. La philoso- phic cst la science de ceLle sy tÖlllali aLion. C'csl unc activiLé spéciale de la pensée, qui lie par l'unité <1(\ fin. par la relation de fin à moyen, des connais- ancc:-;, en cllps-mt\U1CS irréduclibles les nnes 30ux autre's. La philosophic e t. de la sorle, à rrg-ard des , srienccs quc Jque chose ù'hélérogène et d'in'édllcLible. Con cient du allt qu'il a dü faire ponr passer de la scipIlce à la philosophie comprenant claireffient que ruuité intellcctuellc ne peut ètre qu'une synLhèsc, e1 qne cctte synlhl\Se cst, non un ohjet. Inais une 3ctÌ- ,ité úe la pensée, comment \ug. Comte ::;crait-jl tenu.. par après, ùe dériver la pratique de la théorie. objcc- tivcmcnt, analytiqucInent, ilnmédiaLcrnent'! Son idée Inaitrcsse est de n'aborder la tâche pratique proprc- IIwnl ditc, la réforJne polilique, flu'après cn ayoil' rpui p les conditions. Déjà il a décou\"crt que, pour- puuvoir travaillcr à la régénération politique de la suciété. il fant que I'csprit Illllnain de sa":lnt. sc ra sc philosophe. fJuelque autre conJilion ne :o.erail-ellf' pas l"f'fl ll isp.! A priori. ricn n'e igc, ricn Il'cxcl ut l'intI'o- uuetion d'un nouveau moycn tcrme. Ell réatité. Ie Cours de PhilosoJ7hil! /Josilive fait déjà pre scntir une é1ude péciale porLant SUi' les conditions murales de la réor!!ani ation :-;u(';al(\. étllde dOllllp:; ré-.;ultats ne peuycnt êlrc délrrrniné:-- a priori. lJ( jà Comte voil très distlnctclnent que la prl'pon- U8 SCIElXCE El' RELIGION ùérance des facH 1Lé3 atfccti \"es sur Ics factI 1tés inteI- lecluelles cst indispensable pour que se réalise 1'01'- ganisnle social que suppose Ja sociologie 1. COl1lment assurer cette l,réponùérallce? La philo ophie posi- tive conl pl)rle-t-clIe la résolution dn problème par un retour à la religion, c'cst-à-dire à une forme mentale que la loi des trois états nous préseote conlffie acluetletncnt dépassée? II fant remarqucr qne, dans la loi des trois états, la théologie et Ie nlétaphysique soot considérées e clu- sivenlent au point de VUl' de la connaissance : clles sont démontrécs im pnis antes à nous faire connaitre les lois de la nature. Iais s'il y avait, non, sans donle, dans la théologie. Blais dans la religion proprement ùite. quelque élément extra-intellectuel, se rappor- t ant. nOll à la eonnaissancc, nlais it la pt'atique, cet élémcnt delueurerait intact, même adlnise la lúi ùcs trois élats. II y a plus: la ociologie s'est fondée sur ]'idóe de la solidaritó des génét.ations humaines it trayers les àges elle a établi Ie rapport ùu progrès à l'orùrc, la nécessiLé de ne déLruire et rem placer, du passé, que ce qui est déciùénlent opposé à l'esprit positif, et d'en conser,-er. au contraire, reliòiellsement, tout ce qui est acheminelnent vel'S un état supé- rieur. Ricn n'empêche dJnc qu'ayant déjà, entre la science et la politique, intercalé la philosophic, Aug. COlllte n'intercale maintenant la religion entre la philosophie ot la politiq ne. Comlnenl s'est produite cette intercalation? Ene a été détenninée par la pa sion romantique d'Aug. Comte pour Clotilde de Vaux. Ce fait est 1. Cinqu('nti me 1 çon. AtG. CO'ITE ET L.\ HELIGION DE L'IIC I.\1'\ITÉ G9 incontestable. Mais it n'a pa nécessairement la signi- 1ì cation que plnsieurs lui attri buent. La Inédiocrité dc l'ohjf't niIllP, 1(' ternpérament for- lcnlcnt alTectif tI' Aug. COlnle rédui cnt Cêt incident au I'ûlr de cause occasiounrlle. C0I11prin1ée peut-être par l'illtense travail intcllecluel anql1cl s'était livré , Ir philosophe de 19 (j it 1812, S3. ensibililé s'exalte, en lð 15 SOliS lïntluence d'une circonstance vulgaire. La f}ue tion cst dr sayoir quel parti philosophique COlnte va tireI' de cel incident. en lui-mênlc fort pen philosophique. L'origine historique des idées amuse notl'(, curiosité d'érudits: cUe est génél'alement de PPII de conséq uence s'il s'3gil d' en délerlniner 13. valeur. Un théorì'rne de géolnélrie sCl'ail-illnoins Yl'ai, p0111' avoir élé dðnlonlré par un fOll? . II faut relI1lu'llllCl' que Comte n'est pas précisément un intelleclualiste ou un apòtre de la science: it est po itivi:-:te. .A Cf' titre, il n'adrnet f)ue ce qui est it la foi'5 réel ct utile, mais it ne rejcUe ricn de cc qui pré elltc ce ùeux cal'aclòrcs. Or il a jugé que It\ phénonlène religieux était. CIl ce sens, une donnée po iti\'e. En l'hOll1lne rêsiùe nn instinct reli- gicux. COIllll1C une faculté de pcrcevoir et de penser. L'amour lIfnt à nlalli fester cet instinct; car de lui- Illrmc. il tenù it l'adoration et au cuUe. Ce s ntimcnl rf'ligiellx pourra-t-il être relié ration- nellel11ent à la synlhèse intcllcctuelle des connais- sallces. comIlle l'exigc l'idée générale du positivisme? II importc de relnarqner que, la synlhèsc inlellec- tuclle nne fois achevéc une lacune se décou\Te, si ron veut que so it assul'ée non plus seulen1ent la pos- ihilité tht orjq uc de In sociologic conlIne science, mais la réal isal ion d(\ la société normate. II faul, pour que la sociéLé exisle, f)lle, chez les individus, l'alLruismc l'cm porte sur régoïsn1c. lais l'inleJIi- 70 SCIEKCE ET REIIGJON gence, à elle seule, ne saurail procurer c(' résultat. Et, tel qu'il est donné naturellement, Ie sentiment est, non seulement in ifTérent à l'ordre, mais anar- chique. SL pour systén1atiser les idées, il faut les repenser, de n1ême, et it plus forte raison. pour systé- matiser les sentiments, il faut les éprouver. Or, Ie vide qu'ici laisse la philosophie. la religion, entend ue au point de vue positiviste, ,-ient précisé- ment Ie combler. Le positivisme part du concret : l'homme débutera donc par un sentilnent déterminé. Le positivisme généralise par extension et adaptation, en s'élevant graduellement des réalités relativeJuent sin1ples, à des réalités plus complexes, mais toujours concrètes. L'homme étendra done à la fanlille, à la patrie. à l'humanité, en rennoblissant sans riell dilninuer de sa réalité, ramour qui se sera une fois allul11é en lui dans III relation. à la fois naturelle et n1orale. de l'homnle et de la fenlme. Du point de vue de la fin, Ie positi visme adaple et organise Ies moyens. C' cst pourquoi l'idéc de la religion de I'IIumanité discipli- Hera les sentiments et permellra it ]a société de reprendre, des anciennes religions, mainte partie réelle et utile, qui avait dÙ provisoirrInent dispa- raitre avec les yaines théo]ogies, alors que l'on man- quait de règle pour discerner ]e bon du mauyais dans les religions traditionnelles. C'est ainsi que se constitue, de proche en proche, une syslématisation religieuse analogue à la systé}lla- tisation philosophique. II est vrai que Comte ne cesse de raUacher celle systématisation à son cuHe pour Clotildc de Vaux. Illui en fait honneur. (( A toi seule, ma Clotilde, j'ai dû ainsi pendant une année sans pareille, I' expansion tardive, nlaÍS décisive, des plus doux sentiments humains. Une sainte intimité, à la Al"G. CO'ITE ET [,\ RFI IGIO:\ DE L'((1"1L\XITÉ 71 fois paterllt.'JJr ct fratl'rnclle, COlnpatibIe avec nos I justes Conycnances re:-;pecti ,-es, nl'a pcrlnis de bien apprécicr en toi, parn1Ï tous Ics charme:-; personnels, cctte merveilleuse cOlnbinaison de tendresse et de IIvblessc que peut-êtrc aucun autre cæur ne réalisa j:lInai it 1I11 tel rlegré... La contelliplation fanlilièrc ; d'llDt\ parcille perfection devait accroìlre, mème it nlun iO:-\lI, mOil ardeur ystématif]uc pour ce perfection- BCIBcnl universcl oÍl nOlls placions tons deux Ie but f!énéral de la vie IUlInainc, soit pubIi(]ue soit privée... t\IIU couce\'ions (ligncnlpnt tou deux ceite belle harmonic entre ùes fonctialls :,olitlaires, Inais inùé- pcnllanlc .oo : l'une tendanl à établir, par Ia. voie sdcntifiquc, d'acliyes convictions Inasculines; raulre å dé\'clopper, par la yoip esthétique. de pI'()fond enti- nlCHh f(;minins. Deux ornccs pareillemcnt inùisI)CnSa- bl{\" no comporlaient d'aillcurs aucnnc prt- éance too. )) Qu'un CClIscur burné nr ,-i(>nnc pas, Inaintenant, Iui rcprochcl' la Iongupur de cel hOlnlnagc exccptionnel : (\ Tons Ie pen.;:eu rs qui Ea vent appI'é icr la réaclion menlalr dc atreelinlls sympat hique:-; respecleront Ie {('mpo;; cluployé it rclracer ct it rauilner des émotions si pnre )). Tel fut l'amonI' tI'.\ng. Comte puur Clotilde: il l'a inlégl'éc dans sa synt hèsc. Quant à la rest aUl'alion du féti('hisn1e, elle s'expIi- uc par Ie onci eI(' la róali ation, de plus en plus dominant chez _\ug. Comtp. L'imagination, elle au si, cst Ulll' fl;alité. e1. une rt-alité puis anLc. Le positi- \"i nlC. qui con:-:ervc cn auaptant. I1l' l'écartera pa , llIai ruttli cI'a. II uf1ìl. POU1" qu'elle nr détI'uisc pas l'ccuvrc tic Ia raison. quc e flction:-:; HC soicnt pa5 rri (I": p 0 1l1" HP,,{t 76 SCIEl\'CE ET r.ELIGIO Alit '1nå"chligeJ> j1 allsl ; Sie Stiil'Zt, sw ::cr/ällt! Jlächfiger fJel' E1'densöhlle P1'ächligel> Baue sie wieder, In deinem, Busen haue sie auf It Cornte, i.I est vrai, tenait l'instinct hurnain pour fixe à tout jan1ais, ain i que l'instinct des animaux. Iais 13. science devait dérnorilrer que l'instinct aninlal n'est pa:-. une donnée imn1uable. Quant à l'homnle il n'est yrain1ent homme que s'il prend son instinct actucl pour un point d'appui. afin de s'éleyer plus haul. non pour un terrne qu'il lui scrait intcrùil de franchir. Lit e t Ie point contestable de ]a doctrine de COlnte. Son posilivisrne clos et absolu serait ]égitilne, si la nature hunlaine était une chose donnée une fois pour toute . Il n' est que la fixation arlificiellc d'une phase transiluire de Ia vie ùe l"humanilé, si l'hornme cst un être qui se cherche, qui so rnodifie et qui se recrée sans cessc. Cclle création de l'honlme par l"homnlo cst-cIle arbitraire? L'homn1e serait humilié si on Ie lui prou- vail. Car dans sa prélcntion de rnieux faire il ne 1'aurail alors que s'agiter au hasard COlllme un alonlO d'Epicure. 'Iais il croit que, sans modèlo cornplet. dans ce qui lui est donné, son æuyre a néanmOli1S une règle, laquelle a sa nécessité, son 1. Gccthe, Faust: :\Ialhcur! malhellr! Tu l'as brisp, Ie ciel magni fique. ùe ton poir.g destt.ucteur. Il s'écrouIc, il tombe en mor- ceaux... Puissant fils de la terre, rebâtis-Ie plus splcndide, ce mondc di vi n ; bâtis-le au fond de ton cæur! .\t:G. CO'lTE ET L\ J1ELIGIO DE L'nC\I.\:\ITÉ 4 4 I I I existence et sa valeur supérieures. CeUe règle, qui résidc à la foi en lui et au-ùessus de lui, est ce qu'il appelle Dieu. C'est ainsi qu'en l'humanilé même se trouvenl IC:-i germe ù'une religion dont I'objet dépasse l'hunla- nité. Pour que l'homme pût contenter l'homme, il faudrait lui désapprendre Ie rv(ì'/I fj U7 V de la sagesse antique. II ne pent aIleI' au fond de soi sans y ren- contrer Ie besoin, sans y sentir la force de tra- vlliller à auglnenter la réaIité, Ia perfection et la vaieul de l'humaniLé. Sans dontc Ie Irgs de l'huma- nilé passée, les conditions de l'humanité entrent, pour une part essenlielle, dans l'idéal qui cOllvient à l'homniC, et eet idéal, pour être pratique, doil dcmeurer proche de la réalité donnée. Mais Ie fail! ne saurait suffire it régler I ïdée, puisqu'il s'agit pré- cisén1ent de dépasser Ie fait. La foi dans la réalit supérieure d'lll1 ubjet idéal, irrédüctible å tout Ie donné, susceptible néanmoins de s'in1primer dans Ie donné, a prûduit les héros qu'honore it bon droit Aug. Cornte: ils sont les saints de son calendrier, parce qu'ils n' ont pas cru it sa religion. Tout Ie pusitiyisme apparaît ainsi comme placé ùans un état d'équilibre instable. II ne connait que Ie réel et rutile. )[ais Ie réel et l'utile sont des notions qui, néce airement, en appellent d'autres; et de plus hautes. Le savant à qui l'on prescrit de chercher Ie réel s'aperçoit bientôt que toutes les im pre::, ions de tous les inùi\"iùus sont égalenleI1t réelles, et que sa tàchc cst préciséJnent de dislinguer, de ce réel, f}uelque chose de plus stable, de plus profond, de moin::; rela- lif aux conditions de la perccplion individuelle et humainc. II appclle yrai cet objet. ritable répu- 'gnanee pour les prescriptions et les cérélnUnies I ccclésiastiqueso A ces inn uences, Herbert Spencer fut loin fI' (.tre il1 ensible. Dans ses Facts and Comments, dans son Autoúiography, il 1110ntre quïl a à cæur, et de plus en plus, les chose religicuses. Ce sont des r(\nexion !'ur la religion qui tern1 inen 1 I' A utoúiogl'aphy 0 A inc;:i Ie savant qui, par scs inlnlenscs études, s'est rendu capable de lenter ceLle puissante synthèse des sciences à laqllellc son nOlTI reste attaché, n'était pal;) moins qualifié, par sa. vie et par ses réf1exions, pour trailer des rapports de la religion et de la science. Ce n'est pas seulemenl parce qu'elles expriment un côté saillant ùe l'esprit du philosophe '1ue les doctrines de Herbert Spencer ur lá religion onl intéres"anles. Ces doctrines se résuffient dans ce que Huxley a. nOll1Jué fagno5licismeo Or l'agnosticisnle est J'uue des fornles les plus importantes de la pen:-:ée philosophique contemporaine. Qu'cst-ce que l'agno - ticisme? Pour le uns, c'est un nlyslieisllle qui craint ùc rabaisser Dien en le mcllanl à nutre porlée ; pour dOautres. ce n'est qu'un nom sa,-ant derrièrc lequel c dissimnlr l'at héi n1eo L'agnostici lnr est une crl'laiJlr solution du probl.'me de:, rapports dr la religion et de la science, ql1'il est nécessairc d'examiner; cl l'on ne :::.aurait micux fail'c, pour l'éludiel" d'une Jnanièrc cOHcrète, que de Ie considérer chez llerbrl'l Spencer. .) - SCIE'XCE ET HELI(,ION I LA DOCTRINE DE H. SPENCER SUR LA SCIENCE, LA RELIGION ET LEURS RAPPORTS. C'cst csscnLiellement dans la pteInière partie de Pì'cJnicJ's ]J r illcipcs, intitulée: I'Inconnaissable, ét dans If's partic des P}'incipes de Sociologi p qui traitent. :,oit des data Oll bases psychologiques de ia ociologjc, soit de I' évolulion des institutions ecclé- siastiqucs, que 5e trouve:Jt les te te conc rnant la religion et ses rapports avec la SCif'lwe. * * * Le dernier mot de la philo ophie de Herbert Spencer. c'est quïl y a pour nuu . illyinciblement, au fond et it rorifrine de tontrs l"hosc:-;, un Incou- naissablr : il y a nn princi pe qn'il nons cst ( galement inlPos:o;;ible d'écarler et ò'aLteindre. CeHe ùoclrine relil Î entre ellc la religion rt la science. II semble ouYent que la religion et la science soient oppù ées l'une à l'autre : heaucoup d'hon1111e::; en vicnnent à croire que leurs priucipes sont radica- n1ent inconciliables. II fant rClnarllner, pourtant, que I rune et l'autre sont également données dans rexpé- f rience, con1me des réalités naturelles. Ce serait une erreur de croire que la religion est nne chose artificielle, fabriquée par l'esprit, au ha- arù des caprices de son imagination. La religion a ( té suggérée à l'homn1e par les choses elle -nlêmes : cUe est la réaction spontanée de sa pensér, de son I liE flUEflT SPE:\ CE It L r L' l ('O\ ,\ISS.\ ßLE S;; I cæur. tI(' son åUH', en réponse à l'aclion exercée llr I I ui pal' Ie Illondp cxléricur, [)'autre part, la ::;cicnce, elle non plus, n'est pa I llnt invention arlifi('iclle ef COffilne surnaturelle, ainsi qne l'illwginent, ans peut-ètre s'en r! lldrf' compte, Cl'tD-. qui se font p-loire de l'opposer it la connai=:;sancc vlll airl'. La !'cience est l'expériellce rO}J}I)}une eL qllotidipnllc elle-Illême, devenne, par :o-on pvolution naturelle. pIllS précise, mieux liée, plus instructive, et Lien plus capable que l'expériellce COlnnlune dt' I d( pa5ser. dans ses affirmations, Ics Jimites de la perception actuelle. I cif nc(' et n'ligion ont done une lnêlne origine : l'unl' ct rautre se sout produites natllrellcmcnt dans l't-o,:,prit hlunain, par suite de sa relation avec 1(1 mond(\; cc :;onl. au mên1C dcgl'é, de:-; rralité:-;. des manifp Lalions spontanées ùe la nature: e'cst d()n I un non- pns ùe chrrcher si l"exis1cnce de rune cst COffi- patil,lt\ avec crllp de l'autre, Elles peu,-cnt coexi ler. I IJui qu'cllé:; coexi lcnl. Le ::;eul problèlHe est de chcr- ellCI' la rai çJll et la signification ùe eeUe ('oexi t('ncc. Si ron au contraire, claire et évidente d'nn bout à l'autre, dans :,es principes, Jans ses raisonnenlenls. dans sos ré ullats '1 II n'en est ricn, selon Herbert Spencer. La cicnce, dont l'æuvre. ec;l, en dé1initivc, la réduc- tion de la f}ualité à la quantité, ne pcut se pa er ùe notion...; tclles (Ine cellcs ({' cspace, de trill ps, dp Illa- tièrc. dr mouvemcnt, de force, COll1n1e supports néce ::-aircs de la quantité. Iais toutc:::; ces notions, si 1'on tente de Ies réali er en pen",ée, abouli =,cnt, elle an:--:-.Í, à des contradictions. E ;-:aycz. par exemple, de penseI' effectivement, c'cst-å-dire de conc('voir avec la déteru1ination préci e et achevéc qu'jmplique l'exislence. soit l'espace. soit Ie len1ps. Si l'espace et Ie tcn1ps existent réellement, il n'y a. louchant leur nature, que trois hypothè..;es ro ibles. II faut qu'ils soient. ou des entités. ou des atlributs d'entités. ou des réalités bubjectives. Or aucnne de ces trois hypothèses n'est développable sans contraùiction. Spencer ici encore, adopte les ré nltats de la critique kantienne et écossaise. Ce qui est vrai de l'espace ct du ten1ps rest égale- mcnt des autres données prcmièrcs de la science. E sayon -nous, remonlant Ie caul's de l'éyoll1liol1 univer:,eJle, de nous représenlrr Ia matièrc COI11Jne ayant cxisté primitivement à }'état ùe diffusion com- plt.te? Xous nons voyons dans l'impossiLilité de concevoir comment elle est parvenue à cet état. :\"0115 tournOlls-nous 'Vel's l'avenir'! KalIs ne :::::aurions assi- gnrr de Iimiles à la succes ion des phénornènes qui e déroulent devant nous. Si, d'autre part, l'hOITIlne rc anle f'n lui-même, it conslate que les deux extré- n1Ïtés llu fil de la conscience SOIlt hor:-; Je es pri::;e . 11 ne peut aisi.f la production ù'un état de conscience qu'aprt's que eel état cst déjå. écoulé; et l'éYanoui - SeBH)nt Ic ne se rédl1irait-il pas à une ab:--traction. à un néant.? S'il en était ainsi, la conciliation quïl opère ne serait qu'un BlOt. C' est l'ceuvrc propre et c' est l' originali té de Herbert Spencer d'avoir érigé en réalité pOf'itive l'Inconnais- ablc. qui. pour scs prédécesseurs HaIl1ilton et Iansel, nOélait qu'une négation. II a déclaré, il a maintenu f ue l'Ab:,olu est ineonnaissable: it n'en a pas conclll que nons n'ell puissions rien afflrmer. Entre la ("un naissance propre ment dite, laquelle saisit la chose : dan.;;; toute sa ùétermination, et l'ignorance totaIe, pOll.' qui la chose se réduit à. un non1 vide de sens, Herbert Spencer a placé un intermédiaire, à savoir Ia cho e en tant qu'aperçue dans ses caractères les plus généraux. Pour étab1ir, en ce sens, que l'absolu peut être po- silif encore qu'inconnaissable, Herbert Spencer dis- ,tingue entre 1a conscience positive et la conscience IIF n BEn l' SPEXCER ET L'I.:\ co:\ X_\IS ,\nLE 8ì òéfinie. Un croil à tort que la pren1Ïère suppose Iléce :::;airenlent la secondc. Celte opinion repose !'ur une crreul> Iogiquc. One chose pent, en réalité. forl bien ètre à la fois positive el indéfinie. Et c'est p)"é- ci én1ellt à l'aflìrInation ù'une cûn ciencc å la fOls inùl fìnie et positive qu'aboutit l'exan1en de eel inr.on- naissable. poslulat COlnmun ùe la science ct de la rei i- I gion. Quandjc dis que rabsolu est inconnaissabIe, impen- sable, je veux dire quïl ne saurait être réali é en penséf'. cnnllu SOlIS une forme concrète. érigé en objet d'lIne t:onscience définie. Que signifie celle impo-.. ihilitl Suppo ons quP fesprit se propo e de penseI' l'absolu. II devra nécessairement lui attribuer cer- taines òélerminalions. II devra, par exem pIf'. Ie po e... :-ìoil COllllne lin1Ìté, soit COIlllllP ilJin1Ìté. Ces deu altributs sont conlradictoires. L'espril devra dOllc ople1' enlre eux. Or ranal ':;c Úéllluulre avec une rigueur égale. d'une parl qnp je dois poser rabsolu COlnme lin1Ïté, étant impùssiblc qu'il :;oil illimité; (rautre parl, que je dois Ie poser conlluo iJIimilé, élant impo sible qu'il :soit Iilnilé. Si dOIl jp vcux penser rabsolu. je file trouve en présencc ùo dt)uX aL ollls contraùictoires, fun Jinlité. l'aulre iIlinlÎté. Iais ce résullat n'e:;t pas Ie dernier 010t de I'analy c. Si Ie lin1Ìté et l'illimité s'oppo ent l'un à l"aulre, c'est ....culcment en tant que Jerrière enx il y a un sujet qui les rapproche, les con1pare, et Ies juge incoJ)ll'alibles; autrClllcnt dit, c'f' t en tant que ùcr- rière pux il y a une conscicnce. Done Ie limité et l'illi- mité. nl . lion plus dans le nIols '1ui les isolcnl run de l'autre. mais dan racte ùe l'esprit que suppo e tout concept. ne ont pa totalclnent 88 SClr:XCE ET I\ELIGION contradictoires. Après qu'ils se sont abolis run l'autre en tant qu'ohjets de conscience définie, il restc la conscience in1pliquée dans ce rapport mên1e, à savoir : une conscience indélìnie et pourtant pOf=i- tive. Affirn1er quP la conscience définie de l'absolu est impo sible c'esL du même coup, 3ffìrmer ['exis- tence d'une conscience positive indéfillie ùe cet absolu. La méthode de Herbert Spencer n'est pas une \ dialertique fornlclle et scolastique, c'est une méthoùe concrète de réduction. II part de ce qui cst eInpiri- ql1elnent donné: il en élilnine tout ce qu'il lui est impossiblü de pcnscr COInIne existant. II s'arrêle, lorsque COlllme Ic chiulisLe, il se trouve en présence d'un résiùu irréductiLle. Or, au fonù dc l'absoIu, il décou\"re. en ce sens.. Ia conscience indéfinie. Posé par cette conscience, l'absolu est véritaLlelTICnt quel- que chose de réel et de positi f, encore qu Ïnconnais- sable. Et ainsi, la conciliation de la religion et de la philosophie ne se fait pas au moyen d'un mot, mais d'une réalité; cUe n'est pas négative, mais positive. Quelle que soit la nature intrinsèque de leur rapport, il y a pour nous une unité vivante, Ia conscience, qui nous en garanLit la réalité. La religion part de l'affirmation de l'absolu. et clle est dans Ie vrai, puisque de cet absolu nous ayons nne conscience positive. La science ne peut réussir à dissiper Ie mystère dont, en tout sens, elle est en- veloppée; et cette impuissance est, en eITet, irrémé- diable. puisque. de l'absolu nons n'avons et ne P9uvons ayoir qu'une conscience indéfinie. * * * Cette doctrine des rapports de la religion et de la science, toutefois, n'est en qllelque sorte que l'iutro- IIERDFn r SPE:\CER ET "I:\'CO:\"X,\l5S.\DLE sa duction métaphysiql1c tlu système. Lt. sy lème pro- prement dit gravite autonI' de l'idéc de science. II a pour objet d'upérer la synthèse des sciences au Jnoyrn de:-i principe::; qui se déduisent de la nolion du connaiss ble. Les sciences classent les objets d'aprt'.s leurs res em- blances, en poursuivant la réduction d<.\s re scnl- blallces yagncs el incomplètcs. OU qualitativcs, it ces resselublances complètes et exactes. que les malhé- 'maliciens appelll'nt égalité et identité. Les sciences, à el1es seules. n'atteignent qu'à un sa"oir parliclle- menl unifié. La philosophie tend it unifier Ie savoir d'ulle Inanière cOJnplète. Son instruIl1ent cst la loi d'évolution. que pressentent les sciences, et qu'établil l'analyse de la notion de connaissable. Les science éludient les faits, tous les faits; et finalcment. incorporées à la philosophie elles yoienl ces faits se ranger, en tous les dOll1aines, :sous celle loi d'évolnlion qui est Ie principe COlnll1un dp l'être et du connaitre. Selon cette loi, prise dans sa signi- fication la plus générale, to utes choses passent nécessairement, progressiven1ent, d'un état d'honlo- généité incohérente à un état d'holllogénéité définie et cohérentc. .:\ la loi d'évolution les religions sont soulni cs comme tous les autres phénomènes. El ainsi la religion qui a été n1Ìse en regard de la science dans les Pl'pmÙ'l's Principes: alors qu'il s'agissll.it ù'cn rechercheI' l'objet nlLime, est maintenant, comme phénomène donné dans Ie temps et dans l'espace, rangée purell1enl cl simplcment pll.rn1Ï lcs chases, toutes analogues entre ellcs. qu'éludient Ill. science et la philosophie. Le problèmc est ici de rechercher, scIon les prin- cipcs de la philosophic évolutionistc, Ia genèse phénon1énale des institutions ecclésiasLi r }11r-_ 1. 90 SCIE!'\CE ET RELIGIO Le point de dér rt des religions. selon l'ordre historique. Ie fait élélnentairc, qui. cn se diversifìant.. produit leur infillie variété, n'est autre, selon II. Spen- cer que lïdée de ce qu'on appelle Ie double. L'hol1lIl1c voit dans l'eau SOIl imagc ou son double. De même, il se "oit fin rève, il 'Voit en rêvc l'image des autres hommes. Ce double, tout en ressemblant it l;origi- nal, ne lui est pas nécessairement idenlique: Ie pre- n1Ïer mouvcment de l'honlme est de voir da us l'un et I"autrc deux êtres distincts. Or, Ie sonlmeiI dissipé, que dcvient Ie double? L'homme a une tenrlance naturelIe it croire qu'il n'est pas anéanti, quïl s'est simplelnent éloigné. qu'il ré pparaîtra peut-ètre dans un prochain rêvc. Par suite quand vient la nlort, l'homme croit aisénlent que ce moi nlystérienx sub- si:-;te, ct quïl dClneure plus ou IDoins scnlblable à lui- Inèn1C. done plus ou moins semblable à I'être visible dont il était Ie double. De là, la croyance aux csprits aux ètres surnalurels, it leur puissance, à leur influence sur la vie humaine. TelIe est, selon H. Spencer, qui, ici, se rencontre avec les Épicuriens, l'origine historique des religions. De ceUe croyance sont dél'ivés les dogmes, les rites, les institutions ecclésiastiques. Tout être réel a son double, susceptible d'être considéré comme un esprit. Les esprits inférieurs se sont, avec Ie temps, groupés sons la don1Ïnation d'esprits supérieurs qu'on a appelés dieux: ceux-ci eux-mêmes ont fini par être subordonnés à un Dieu unique. Ces puissances surnaturelles, l'homme a cherché à se les représenter, à se les rendre acces- sible et propices: de ce désir sont nées les nlytholo- gies, les formules d'incantation, ies pratiques et les organisations, lesquelles, s'étant, par la suile selon la. loi mème d'évoIution. dévcloppées, jusqu'à UD IIEnnEnT SPE:\CFH ET I 'I:\CO\:\.\I .\nLF Hi I ccrtain point. pour l'lIe -Inên}es. ne conservenL par- foi qllf' de faiblcs traces de leur origine. LÙ où ell(' ne soul plus sOlltenucs par leur de;o;ti- nation preluière, les croyances de:' hon1IllCs ayanl trop fortcment éYolué ces in titulions subsbtent comine lien ;o;ocial, caractère de première inlportance que l'{>yolulinn leur a conféré. Les reli iolls repré- sentent c.lé:-:ormais la continuitp de -;ociélés; et ainsi il y a, pour les individus, un intérêt de pren1ier ordre à les re:-:pecter. Le trait général de l' évolution religieuse, c' est la prépondérance croissante de I'élénlcnt Inoral sur l'élé- IIlCHt cultnel on propitiatoire. ainsi que l'élilnilla- lion croissante des caractères anthropoillorphiques attribuéec;: tout d'abord à la cause pren1ière; c'est, en dernière analyse, la tendance à considérer les dogmes comme de purs syn1bole . e1 à le rempJaeer par la conscience, à la fois indéfinie et positive, de l'ab olu. fìo:) I..., SCIE:\CE ET RELIGIO II L'INTERPRÉTATION DE LA DOCTRINE. Telle est Ia substance des doctrines de Herbert Spencer sur la religion et ses rapports avec Ia science. QuelIe en est la ignification? Ces doctrines ne sont- cUes, dans ren en1ble de son æU\Te, qu'une partie accessoire ans granùe in1portance, ou sont-elles l'ex- pression d'idécs approfondies, faisanl corps avec Ie syslème? II peut sen1bler que ces théories sont peu ùe chose en face ùe la \"aste synthèse des sciences qui cst prOpreITIent l'æu\Tc de I1erberl Spcncèr, cl qu'en somn1e la signification en demeure surtout négative. San doute, on trouve facilcment, dans les ]JJ'cmiel's P}'incipes, les matériaux d'une théorie dr 11nconnais- sable. )'lais il importe de remarquer que Herbert Spencer primitivelnenL ne songeait pas à fairc pré- cédcr les [>reUIÙ;1'S jJrincipes par des considéralions slIr rInconnais abIe. C'est dans la crainte que sa doctrine générale liP fùt interprétée en un sens cJéfa- yorable å Ià religion, c'est pour écarter Ie reproche d'athéisn1c, qur Herbert Spencer, après coup, a ajouté celle première par..ie. D'aUlcurs, cette Lhéorie de I'Inconnaissable" comrne son non1 Inêlue lïndiqlle, nous enseigne que Dieu, la cause première, Ie objets propres de la reJigion. sont cntièren1cl1t inaccessibles à noLre intelligence. Leur réalité, sans doute, est impliquée par les phénomènes que nous obser\"ons. lais qu'est-ce qu'une existence dépouillée de toute manière d'être? Qu'est-ce qu'ull absolu absolumenl inconuaissable? Y a-t-il là, en dépil I IIEnnrnT SPE CER ET L'I CO X.\ISS_\nLE D3 dp toutes Ie"" dénégations du philosophe, autre 1 cho e qu'uo tenne abstrait, l'expre::;sion, toutc négalivc. d'ulle illlpo:-,sibilité? En cc qui conccrllP la Joclrine relative à la gl'nèsc hi:;tnrique de la religion. cellc-Ià, ccrtes, cst précise. po::;itive et dl veloppée. Iais. abstraction faile de a valeur scientifique. laquelle est aujourd'hui tr s conte",tée. n' est-elle pas la négation même d'un fondc- ment objcctif spécial de la religion? 'y voyons-nou pas tout ce qui compose les religions raJncné à une croyance puérile et fansse. la' croyance en la réalité .'t en la survivance des fantômc que nons pré..;('ntent I Irs rèves? La religion n'y devient-elle pa . puremcnl ('t implement, un chapitre de l'histoire llaturelle de l'hom me? II cOHvienL pour bien entendre. sur ces divers poillts, la pCIl::;ée de Herbert Spencer, d'appliquer à lïnterprétaLion tit' sa doctrine celle InéLhoue de critique inlmanenle. d'explicalion dp I'æuyre par I\euvre ellc-Inênlc. que Spinoza ,'oulait voir appli- queI' à la Bible comnlC Ù la nature. * * . Qurlles sont Ir::; raisons qui ont provoqué les théo- rie de Ilerberl Spencer sur la religion? En considé- rant le n10tirs des cJottrines, on a plus de chances ù'en saisir Ie sens yéritable. i l'on con:-,u1Le 1'.Autobiographie du phiI0:"ophr. i franche. ßi f,pontanéc, si \"iYante si riche d( détails ur Ie travail intél'ieur de son esprit, on ,"oit que ce rai:-:oll furt\llt le SUi\-alltcs : En prcn1ier lieu. lïmpr(l:-, ion que firent SlIr lui la Bible et le:-- \')nnons des pl'édicatcurs COIJlInentant Ie te'\te satré. I ille r ho e . dans ceUe prétellLlu(' réyé- Ð4 SCIE r.E ET RELIGIO\ lation, lui Curent un sujet de scandale. Qnelle imlnensc inju5tIce, de punir la désobéissance du seul Adan1 par 130 damnation de toute sa postérité innocente! Et par quel priviIège line. exceplion est-elle faite en faveur d'un petit nombre d'hommes. it qui est révélé lIn f,lan de réùfmption dont nul autre n'a connais- sance? Combien extraordinaire cetle affirmation. que la cause universelle dont sont sortis trente millions ùe soleils avec leurs planètes a pris un jour la forme d'un hon1me, et a fait un marché aver .Abraham, s'en agPânt å lui procurer un territoire. si celui-ci Ie servait avec Jìdélité! Comment Dieu peut-il trouver du plaisir à no us entendre chanter ses louanges (l ns nos églises. et 8e meUrc en colère contre les inÍÌni- D1ent petits quïI a créé,, parce que ceux-ci néëli!!ellt de lui parler continuellcluenl de sa toute-puissance' De telles réf1exions sc rC'ncontrent en maint cndroit chez Herbert Spencer. Quel motif les inspire? ul clonte à cet égard. IIC'rhert Spencer est choqué de la dispro- portion quïl constate entre les cr.oyances tradition- nelIes sur Dietl pt Ie caractère d'infinité que sa raison attribue à Ia cause première. Est-ce là un sentiment irréligieux? Est-ce une preuve d'inùiiférencc en In3.- ti ère religieu e o? La vivacité mème et Ie ton de son langage font ressorlir la sérieuse et profonde aspira- tion religieuse qui lui dicte ces attaquE' contre la re Iigion. Ce genre de critiques ne concerne flue certains récits et dogmes propres à une religion particulière. En voici unE'. dOun autre ordre j qu'énonce avec insis- tance l'Autubiographie. J'avais, dit Herbert Spencer, COD11ne inné en mon esprit, Ie sens de la causalité naturelle. Je concevais, cun1me par intuition, la nécessité de }' équivalence entre la cause et l' eifeL Ie sentais, sans qu'il fût bc:,oin de me l'enseigner, IIFlwrnf SPEXCETI ET L'I:\CO:\,.\I _\nl E Dj l'ilnpo:-: ihilil( ú'un cITet qui n'aurall pa sa caus(\ utïì antc: ct j'avais, de moi-mênlC. h certitudc I que. une cause étant donnéc. son ( fret dcyait se produire néce :,airCll1ent. 3,YCC l"cn,,;clnble de ses dl terrninations. tant quantitati '"C';; que q uali tatiyes. Cellc di:--position 111cntale Ine conùui il it l"(>jeler lïdéc nrdillairc tin urnaturel; tt j'en ,-irs å consic.lérer comme impo '5iLlr tout ce qU'OIl appelle miracle, ("cst-it-dire tout ce qui est conçu COlnn1e contraire Ù la causalité de la. nature. Le premier Inolif était tiré de doctrine spéciales. I enscig-né(ã oftìci(111ement comme religieuscs. Celui-ci a sa ourr(' tlan:-; 1:1 nature ùe la science: (l priol'i, la sci nce excl ut Ie sllrnaturel. Y a-t-it clans Ie principe de la can alilé naturelle q u Ïll ,-Ut} lie i('i (( crberl Sprncer. un obslacle iuvinci hie aux croyanc('::; rclig-icl1sc5? II n'e.;;t pas \-rai:;cn1blalJle car lcs e\.en11'lrs abondent de phi[o5ophes qui, à u n(' ("olJ ciencr trè::; neUe de l'enchaìnen1cnt naturel des phénomènes. ont joint un sens religicux très profond. Tel étaiput. ùaus l'Antiquité. les SloïcÏcns: teb furpnL dan:"'\ 1('5 temps modernes. un Spinoza. un Leibnitz. un Kant. Par contre. les Épieuriens. qui :uhnetlaiput de solution de continuilé dans Ia tralne des phéncHllèlle:,. niaient toute inter\"enlion des dieux dan lcs évènen1cnls de Cé monde. (Juelle e t donc, au point de vue religieux.la consé- qucllcc de Ia doctrine dp 130 causalité naturelle? Celtr doctrine nous intenlit de nous repré enter Dieu el Ia nature ('omnH.\ deux a(h"er aires qui lulteraicnt. en champ dos. pour s'cxt{'["miner run l'a!.ltrc. Elle UP penuel pas que ron fas c cOllsisler l'action diviue dan:::- lUll) tlc truction (les forces naturelles. ni l'action de créatHrc dan:) une révolle conlre 130 pui 3.nce créalrice. lai5 une conception du nalurel et du surna- 96 SCIEr\CE ET nELIGIO lurel où Dieu et la nature sont ainsi assimilés à deux hommes qui se baltent, est visiblen1enL puérile; ct ce n'esl pas pour écarter de teIles idées que ron peut être laxé d'irréligion. En revanche, la doctrine de la causalité naturelle n'exclut nullement. pour beaucoup d'esprils elle implique un principe universel d'ordre, d'unité, de vie et d'adaptation, lef{uel domine les lois de la nature comme la CDUSC {'('(rel, ou comme l'original la êopie. L'enchaìnen1cnt qui existe entre les divers mOlncnts d'une dénlonstration mathéma- tique exclut-il l'existence d'un maLhématicien, qui serait l'auteur de celle démonstraLion '? Pour que la causalilé naturelle comporte une telle interprétation, une condition, touLefois, cst requisc. II faut que la nature, au sens scientifìque du luOt, ne soiL pas, ellc-même, considérée comme l'absolu. Or, celLe pu ilion est précisément celIe dr Herbert Spencer. Lui-même déclare que nos lois nalurelles, Ie n10nde qui nous est offert, ne sonL que des sym- boles de l' tre ,'éritable, et quïl erait contraire it toute philo ophie de les ériger en absolu. II y a donc place. à côté de sa foi dans la cau aliLé naturelle, pour la foi dans un principe supérieur à celle causalité, lequeI serait précisénlent I'objet de la religion. Remarquons d'ailleurs que Spencer ne conclut pas : je dus rejeter tonte idée de surnaturel, mais simple- ment : je fus amené à rejeter l'idée qu'on se fait ordi- nairement du surnaturel. II se range parmi ceux qui, tout en Diant Ie Iniracle en tant que violation des lois de la nature, se croient autorisés à n1ainLenir les prin- cipes vraiment surnaturels de la religion, et pensent même, par leurs négations, être plus religieux que ceux qui font ùe Dieu un méchant ouvrier, constam.. ment occupé à corriger son ouyrage. IIEHBEI1r SPEl\'CEH ET L'I'\CO:\:\,\IS"\!3LE 07 * * * 'lais nous ne pouvons nous Lorner à consulLcl" les in ten lions de Ilerberl Spencer: il c:--l nécessai re de consiùércr en clles-nlèmes sa théorie de rlncon- nai sable et a théorie de l'évolulion rcljgjeu e. II elnhlr à plu=,ieur" interprètes qur cette dernière. qui e t, en SOlnme, la partie positive c1 scientifìque de la doctrine. réduise à néant la valeuI' objective de lïdéc religietl e. et qu'ainsi, rélroaclivemenL rile I rrlldc illu::;oire et purcmcnt verbale la théorie initialc (fun absolll réel encore qu'incolluai:-;=--ahIc, Ou'est-co done. au point Je vue dc la philosophic cicnLifìquc. que la religion, scion Hcrbert Spenccr? ['est Ie développement natllrcl, conforlne à la loi générale d'é\oluLion, d'un fait élén1cntairc, naturel lui aussi, vulgaire même et insignifìanl, lïllusion ùu double, Pour mesurcr les conséqllences véritables de cette thèsc. il inlporte de l'envisagcr au point ùe vue de Herbert Spencer lui-mêmr. L'éyolution naturelle. telle qu'il l'entcnd. n'cst pao;; un simple phénomène de mécanique, S llS dOllte {11lc a pour Inatériau des faits, lesquels sont comnlC dcs atomes séparés les uns des autres; eL clle a senlhlc ,'cs matérjaux dn dehors, en groupanl aulour d'un fait élén1entaire des faits connexes fournis par 10 Iuilieu environnant. lais clIo ne produil pas ùcs ag-régats fluclc0nques. Elle cngenúre de è.lres ollple . rnodiHaLles, qui s'adaptcnt prog["e:-: i \'crncnt Ies nns aux aulres. En réalité, elle est i:nmanente à chaquc élélnent de 130 nature. comme unQ hìndanco ,"crs réquilibre et la correspondancc uni, cr:-:cl:;. II suit de lå que tOllS lcs produils ùdìnis et re!ati- 9 us SCIE CE Ef REIIGIOX ycment stables de l'évolution ont. en eux-Inèmes, une valeur et une dignilp; car tous rcpI'ésentent un 1110- 111cnt, une forme. la seule possible el bonne en un point donné de l'espace et du teIllps, de ceUe adapta- tion mlltuelle uni\'crselle, qui est la loi sllprên1e de la nature. C'est lit. d'ailleurs, sen1ble-t-iI, un prin- cipe falnilier et cher au monde anglo-sa:\on : l'exis- tence, à elle seule. quand elle est cCl'laine et vivace, quan'i elle se rnainLient et so défend énergiquemcnt, Jnanifeste au confère un droit. Et ainsi les phéno- mènes rrligieux. par cela seul qu'ils sont, qu ïIs durent. qu'ils se montrent doué de généralité el dp yilalité, trmoignent. selon les principes de Herbert Spencer, de leur conrormitp au milieu dans lcquel ils suosislent, de leur légitiInité. de leu L' yaleur. EllX aussi, d'ailleurs, en tant quïis soot et quïIs résistent, sont des données, des conditions, auxqueilc$ I(;s autres modes de l'existence doi,-ent s'adapler. La Ì'.. rnière partie des jJJ'ernie1's ]Jrincipcs n'expose pas seulc[nenL comment In. religion a Ie devoir de :.;e mel- 11'0 d'accorù avec la ::;cience. Elle n10ntre également cornlnent 13. science doil respecter ce qu'il y a dOes- :sentiel dans la religion. S'il condamne la théologie qui e joue 4es Iois de la nature. II. Spencer He rabaisse pas n10ins rorglleil d'une science qui prélen- drait supprimcr Ie myslère, gage de l'ab50Iu. .Ainsi l'épreuve olême du temps, it laquélle ont i>lé soumises Ie=, religions existantcs, est une garanlie ùe leur valeur. )fais à quel point de vue ces phéno- mènes ont-ils une valeur? Sont-ils propres à inté- re ser la conscience religieuse actuelle, ou n'y faut-iI yoir que des superstilions dénuées de sens, subsislant au Inèmc titre que les forces mécaniques ou les iuslincls aveugles qui sout les assiscs de la nature? Lc point ùe déparl du déyeloppement religieux. IlFRDERT SPE:\CEß ET L'J CO\:\,\I S.\nl E !JD selon II. Spencer.. c'est un phénomène de yaleur nuile. emhle-l-il, au point de "ue rle la conscience reJi :euse : la croyance de l'bomnle primitif à la réa- lité d. s iu};}gcs quïl yoit en rêve. Con1ment cetlé origine puérile ne rcjaillirait-elle pas :.-;ur I'éyolution entièrc '! !Jes croyanccs et des institutions qui ne :;ont que Je c.léveloppement et l'adapLation d'une supers- tition t!ru ::iièrc ne dClneurent-clles pas, Inêlne si eUes }Jl'è;entcnl Ulle ulilité pratique, des imagi!1ations où la rai oIl n'a rien à voir? Peut-Nrc ccLle déduction est-elle moins rigoureuse t{u'il ne ::,ernhIe au premier abord. L'éyolution ne pourrait-elle pas trll.nsfornler, à la longue. Ie prin- cipe mênlC. et Bluer une erreur en vérité ? Telle n'cst I'a . toutrfoi::::. ill. réponse que fait II. Spencer. II ré- fufe ainsi I'objection dans Ie chapiLre des PJ'incipes de Soci%gie inlitulé Passé et avenÜ. de Ln 'reliqirJ1l, ct dans des articles de Ill. 'ïnetpPllth CellluJ>Y (i884) : La con:-:équence sCl'ait jusLe. si le prémi scs étaicnt vraics. Iai . contrairemcnt à ce que suppo ent peut- {'lre Ia plupart de TI1eS lecteur . il y a, Jans )a notion IJl'inlitiye d'où nais enl les religions.. un germe de connais ancc véritable. Ce qui est pressenli dans Ia. conception prilniLive.. si faiblement que ce soil. c'est ceUe vérité, que la puissance qui sc manifeste dans )a con:-:cience n'cst qu'une forme. aperçue sou des conòitions spéciales de la pui sance qui existe hol's de l ('on cience. Xotre premier n10UyenlCnL est de confondre cette puissance avec l'image de nous- même quo certains phénomènes nalurrls nous pré- scntent. Or cette confusion n'est pas une erreur aosolue. Car il est bien vrai qu'iI y a en nous de la force. et que celte force est une avec )a force uniyel' elle. L'é\"olution que doit subir Botre primili\"c h) pothèsc pour dcycnir une proposition philo30- 100 SCIE:\CE ET RELIGIOX phique n'a òonc pas besoin d"être une transfornlation totale; il suffit que soit éliminé de cette hypothèse tout comlnentaire authropomorphique. Arrivés au tern1e ùe l'épuralion, nous reconnaissons, et que la force qui c t hors de la con cience ne peut ressenl- .. bier à celle que nous connaissons par Ia conscience, . et que. néanmoins, ces deux forces doivent être des modes ù'une seule et mên1e exisience. La doctrine de I'Incon nai sable cst ainsi reliée ex- pressémenL par Herbert Spencer lui-même, à la théorie de l'évolutiùn. Peu importee dès lors, que Ie philosophe n'ait pas eu, tout d'abord. l'intentioll d'écrirc Ull chapitre sur l'Inconnaissable conlU1C fondement de ses Prenliers Principes. L'Inconnais, sable est l'àme òe l'évolution. Car c"est parce quc rêtre. au fond. rst un. que l'adaptalion mutuelle dcs êtres de la nature est leur fin, et est réalisabIe. Iais celte doctrine de l'Inconnaissable, qui est tout ce que Herbert Spencer offre aux âmes avides de connaissance religieu e. n'aboutit-elle pas à nous ôter tonte perspective d'nne religion positive, réelle, saisissable et efficace ? 1'\e se réduit-elle pas it. une fornllde creuse, résidu abstrait de Ia discussion des antinolnies ? CeHe doctrine, si on la regarde dp. près, n'est pas aussi abstraile et ,-ide qu'il pent selnbler au premier abord. Ce qui, selon II. Spencer. nous inlrodl1it dans I'ln- connaissable. c'est la conscience. comme fonds per- sislant et nécessaire de toutes nos conceptions, de tous nos raisonnements. de to utes nos analyses, de nos négat.ions Inème les plus radicales. S'il en est ainsi, il est vrabenlhlablc que Ie systeffie ne sera pas sans renfermer quelques germes d'une méta- nEfinrfiT SPE:\CER ET L'IXCO:'\X,\ISs.\nLE 101 phy.-:ique positive. Et, en e frel, ùe leIs germes .y rcneontl'ent. C'csl d'abord un idéalisme prononcé, qui perce à travers les dénégalions de l"auteur. Que 1'011 exalninp It, commencement de Ia seconde partie des J)remiers 111'incipes, consacrée au Connaissable. On y verra cûn1ment Ie point de départ de toutes nos idécs, tant de nos idées relatives au monde exLéricur ou oon- moi, que de nos idées relatives au monde intéricur, se trouvc exclusivement dans nos états de con cicnce. ì\ous avons deux sortes d'étals de conscience : les élats forts, on perceptions, et les états faibles, leIs flue les phénornènes ùe réf1exion de méo1oire, d'ima- gination. ù'idéalion. Les premiers présentent des connexions indissolubles; nons appelons non-ego If' pouvoir int:onnu qu'ils manifeslcIlt. Les econds présenlent ùes connexions dissolubles ; nous appelpns ego Ie pouyoir qu'ils expriment. On yoil que la conscience est. des deux cótés, l'originc unique de 130 connaissance. La conscience est Ie canal par où doit nécessairement pas er l'action de l'Inconnais- sablr pour se manifester à nous. Quand Herbert Spencer expose que Ies phénomèncs du rwn-ego penyent n10difier les phénomènes de l'ego, et que la réciproque est impossible, cela, chez Iui, revient à dire que run des deux modes de la conscience peut eXércer une arlion sur l'autre. En tant qu'il dérive toules nos connaissances de l:l conscience, ce sY::5lème est idéalisle. Par la Inanière dunt yest déterminé Ie rapport du moi à l"absolu, il dénole une tendance panthéistique. Le Jnoi qui sub- sisle conlinuel1ernent dans Ie sujet des élats de conscience, lisons-nous dans la préface aux Pl'illcipl?$ d6 ]Jsyclwlogie (1870). est une portion de l'!nconnais- able. Ailleurs, par1ant de l'énergie éternelle clont 9. i02 SCIEl'\CE ET RELIGIO toutes choses procèdent, Herbert Spencer 'déclare : C( C'est ce 1l1ênle pouvoir qui jaillit en nOllS SOliS forn1e de conscience )) 1. Le moi. done s'il n' est pas l'absolu en soi.. est l'absolu pour DOUS: it en est, pour nous, l'expre sion la plus ilnluédiate. Herbert Spencer va plus loin. Ce qui est par delà la conscience et que DOUS ne pouyons atleindre, cet ab- selu en soi qu'il appeHe }'Inconnaissable.. Ie consi- dère-t-il purement et sinlplelnent conlme inconnais- able? Dira-t-il, par exelnple, que nou ne savons å auenn degré s'il est esprit ou s'il e t Inalière, s'il est personnel ou impersonnel? Herbert Spencer s'est posé la question, et il y répond en ces terrnes dans les Premiers })}'i Ilcipes .- (( Ceux qui estinlent qu'agnosticisrne est synonyme dïrréligion, alors que l'agnosticisllle est proprement, ponr l'esprit humain, rattilude religieuse elle-même. tombent dans cetle erreur parce qu'ils croient que la question est ici posée entre la personnalité et nne f ,n'n1e d'existence inférieure å la personnalité. Dire que ïabsolu est inconnaissable COlllnle personne, c'est, selon eux, affirrner que, s'il est, il est nloins qu 'une personne. fais l'alternative dont il s'agit be pose proprenleni entre la personnalité et quelque chose de supérieur à elle. e se pourrait-il, en elrei" qu'il y eÙt un nlode d'existence dépassant autant l'intelligence et la volonté que celles-ci sont supérieures an nlOU' elllent lllécanique? ... 'lo.rlereas the choice 'is 'rather between pe1'sonality uno! something highel'. Is it not just lJossibl that the1'e is a 'l71ode ol being as 'Inucn f1'anscellding iJltelli .ellce and will as iÌlese f,'ancend Hechanical motion ? )) 1 Cité p:\(' A.-S. Mories : 1!dckel's cont,'ib1Úion to Relir;ion, etc. London, 1ro . IIERnERT SPE:\CER ET L'IXCON:X.\.ISs.\nLE 103 CeUe rcn ée de Herbert Spencer ne rappelIe-t-ellp I pas les trois ordrcs de Pascal: corp , esprit , :llnour tel qu'il sont di posés c.lans la maxi me célèbre : , (( La di::-tance infinie des corps aux esprits figure la I di:--lance infinilnent plus intinie ùc e prits à la cha- I rilé '! )) Et n'est-il pas pern1is de dire que Ie systènlP du philo;;ophe agnoslique, en eet endroit, ré\"èle une tendance spiritualiste et mystique? Que ces idées aient une ,.éritable imporlance au yeux de Herbert Spencer et lui tiennent à cæur, c'esl ce qu'ð.Uesle a yie entière. Sïl a été rehnté par les formes: traditions, dog-mes, rites. in-:lilulions, sous lesquelles se présentait à llii la religion, il s'esl, en tout temps, gardé ùe confondre la fornle avec Ie fond; et c'est au nom de In. ,'érilé religieuse elle-nlênle qu'il condanlne les surerstitions et pratiques d'où l'esprit est absent. Toute sa ,-ie, il a ad Inis Ia légitin1ité de certaines croyances, fussent-elles fondées ayant tout SUl" Ie sentiment, en taut que ces croyances ayaient un caractère llloral et pratique plus que théologique. 11 a. toujours parlé a,-ec Ie plus grand respect de lä cro)"ance å l'ilnn1ortalité el å la rén1unération future. C'e;;;t. disait-iL une vérité toujours nécessaire å rappeler, que, dans ce monde oÜ tant de Ulaux n.)us aftligenL la foi en des cOlnpensations dans un 0101hie meilleur fait accepter aux hon1n1es certaines épreuves que, réduits aux connaissances positives. iIs HC pour. raient su pporler 1. A mesure que se développ3 sa réOexiuu, Herbert Spencer, loin de devenir plus indifrérent. fut plus attentif au\: choses religieuses, plus pénétré de leur , A utobiograp/'y, '"01. I, p. 5 . f04 SCIE:\CE ET RELIGIû, grandeur et de leur rôle prépondérant dans la ,-ie hu mai nee V oici en queb termes il introduit la notion de l'espace inlìni. tandis qu'il décrit Ie progrès de la réf1exion philosophique 1 : (( Puis vient l'idée de cette malrice universelle, antérieure it tonte créalion comn1e à toute évolulion, el dépassanl infinill1Cnt l'une et l'autrc en étendue comIne en durée, puisque l'une et l'autre, pour êlre intelligibIes, doivent être conçues eomme ayant eu U II conln1encement. tandis que l'espace n'a pas de commenCCInent. L'idée de cette forme nue d'exis- tence. qui. parcouruc en tout sens, si loin que puis e porler l'inlagination, contient toujours, au delà, des régions inex plorées, en con1paraison desquelles la portion traversée par l'esprit est infinitésimale; la repré entalion d'un cspaee où nolre immense systèrne siúéral se réduit à un point. est trop écrasante pour que l'csprit s'y puisse appcsantir. A n1esure que j'avance en âge, la conscience que, sans origine ni cause l'espace infini a toujours existé et doit exi ter toujollrs produit en n10i une énlotion qui me fait re- euler d'efl'roi )). A la lecture de eette page, ne sommes-nous pas de nouveau hantés par Ie souvenir de quelque pensée de Pascal telle que celle-ci: (( Si notre vue s'arrête là, que lÏInagination passe outre: elIe se lassera plus tôt de concevoir, que la nature de fournir. Tout ce monde visible n' e l qu'nn trait imperceptible dans l'ample sein de la nature )). Ce n'est pas seulement l'esprit religieux, sous sa forme abstraite et philosophique, qui, de plus en plus, s'est fait jour chez Herbert Spencer. Ii ne dissilnule pas qu'avec Ie temps il a relãché quelque chose ùe sa 1. Acts and Comments, 1 1 0:?, p. 212. IIERnrRT SPE\CER ET L'IXCOXX,\I S.\DLE 103 I évérité à I'égarù de:-; dogmes et dcs institulion . c'esl- !à-ùire à I'rgarrl de la forme concrl\te et òOllnée de la Ireliðiun. Cc chang-clne t d.a p.réciati n a tellu, dan.s sa ',-ic nnc place trlle. (IU II en fait Ie sUJct des rell(,\.lon " par le cpll'I1es il tef[nin son Autobiography. Y oici Ie ré unlé de rette conclusion: I Trois canses, òit-it. ont déterminð l'importante I modification qui s'esL produite dans mes idpes sur les in Litulion:-; reli!!ieuses. '- La premièrc a résidé dans roes étlHles sociolo- giqllCS. Ce rtnd!'s In'ont forcé à reconnaìtre que. partont et toujours. dans la vie réellc. lïnfluence I rxcrcéc l1r la C'onduiLe des hommc:, pal' les S) m- I hol(' théologiql1c:, eL par l'action des prêLres s'est I ré\"l\lée indi pcnsablè. En fait. la ubordination né- ce :;airc cles indi\"icll1s it la société n'a pn sc maintenir que grÙc à dc:s in:-;tituLions ecclésiaslique . En second lieu. j'ai conslaté quïl conyicnt de dis- tinöuer entre les croyances nominale:, des homulcs et leur..; croyanccs ctTcctiycs. Les premières pCllvcnt de- I meurer plus ou n1ûins imIllQbiIes; les secondes, en fait, changent et s'adaptcnt insensiblement aux exigcnces nouvclle..., Ùl 1 :; sociétés et òes indi".iûus. Or ce soot les I croyaoccs efTcctiyc::;, bien plus que les nominale . qui I importent. C'est [ìollrquoi je pense maintenant qu'il cst sage uc respecter, d'une manière générale. Ies croyance ùe hOllunes, et que tout changclnent brusque des instiLutions religicuses, alls:,i hien que ut'!' institution:, politiques, entraÌne néce sairemenL nne réaction. C( Iais peut-être, ajonle Herbert Spencer, la causp principale ùc man changcmenL d'ùpinion a-t-elle eté la con\'icl ion, pn moi ùe plus en plus profonúc, que la phl\r(' òe l'ÙnlC occl1pée par les croyances reli- gieuses ne aurait demeureI' ,iùe. el que toUjOUf5 i06 SCIE!,;CE ET nELIGIO ;y poseront les grandcs questions re!atives å nous- Inêlue et à l"univers. (( ous cOll talons, cerles.. à cet ?gard, .chez les esprits cultivés comme chez les e pì'jts non cuItiyés, une absence de réflexion très générale. La plupal't n 'ont que de I'Ìndifférence pour tout ce qui dépasse les intérêts Inatériels el Ie côté extérieur des choses. II y a. dc 11lilliers d'hon1nles qui chaque jour voient Ie soleil se lever et se coucher. sans jamais se de- !nander ce qu'est Ie solei!. II y a des professeurs d'Uni- yersité, pour qui la critique Iinguislique est du plus h3.u L inlérêt; et qui jugent triyiales des recherches sur l"origine et la nature des êtres vivants. EL, même þ:lrn1Ï les ham mes de science, il y a ceux quj éLu- ciiJ.nt curieusement les. spectres des nébuleuses, au calculant les masses et les mouvelnents des éLoiles doubIes ne se recucillent jamais pour conLerüpler, d'un point de vue autre que Ie point de yue physiflue, les fails inlmenses qui s'offrent à leurs regards. Iais cette attitude n'est pas Ia seuIe dont 11101nn1e oit ca- pable. Tant chez les esprits culti'Vés que chez les esprits incultes il y a des inlervalles de réf1cxion. Et quelques hommes, au moins, c saient de cOIl1bJer Ie ,-ide quïls sentent dans leur esprit en recourant à des fùnllules stéréotypées, au prennent con cience de cerL ines questions d'importance supérieure, pour les- queUes ils n'ont pas de réponse. Et ce sont les h01l1mes qui savent beauco'Jp, plus encore que ceux. qui savent pen.. qui ressentcnt ce besoin d'éclaÏrcissen1ents. )) Ici Herbert Spen er évoque les mystères inhérents å la ,"ie, à l'évolution des êtres, à la conscience, à la d sjnée humaine, mystères, dit-il, que Ie progrès 111êlne de la science rend de plus en plus yisibles, n10ntre de plus en plus profonds et ilnpénétrables ; et iJ' cOllclut : r.EHBEnT SPE CER ET L'INC01"\XAlss.\nLE 107 (( Dè 101'5 les croyancc;:; religieuses qui, de Jnanièrc Iou d'autrC', ren1pli scnt cetto sphère de l'âme dont 10 I vide ne peut être comblé par l'interprétation ration- I nelle des chases. I11'ont, de plus en plus, inspiré uue YlTIpaihie. fondée sur Ie sentiment d'un he:,oin COln- , I mun. J'ai compris que ce qui m'éloi nait de ces croyance , c'étail. en n1ême ten1pS que l'jmilo:..: jbj]jté dO accepter les solutions reçues.. l'ÏIupérieux désir d pO;5 éder des solutions ,.él'itables. )) I f08 SC]E CE ET J1ELIGìt\"i III VALEUR DE LA DOCTRINE. Si tel est bien ]e sens de la doctrine de Herberl Spencer. flue dirons-nous de sa valeur? Selon plusieurs philosophes contemporains, appJ.r- tenant å l'école posiLiviste radicale. il est lrès certain que la philosophie de Herbert Spencer resle orienléc ,'ers la religion; il est parfaiternent conforme à la réalité historique de yoir dans son Inconnais::;able un équivalenl du Dieu créateur et Providence des reli- gíons positives. )Iais lå même cst Ie côté faible ct 11 partie caduque du système. partie que la critique a. précisément pour nlission de discerner el d'éli,niner. En réalité. discnt ces philosophes. I'Inconnai:,sablc de Herbert Spencer n'est pas un principe cientifique: c'esl un résidu. une dernière burvivance de cclte entité imaginaire qui. ous Ie nom de Dieu ou de canse première. a. de tout temps. fail Ie fond des religions et des mélaphysiques. Et ce nOf'st pas un ré::;idll négli- geable. Car. si ténu qu'il aPrarai:;.; e, il retient ce qu'il y avait d'essentiel dans le métaphysiques ct dans les religions: l'inaccessible. comme objet pour l'homme. de spéct.:lation et de posses ion. Au si les' réserves et les négations de Herbert Spencer sont- cUes, en réalilé, illusoires. Tant qu'est maintenuc l'erreur initiale, toute la philosophie est comprù- mise. Tant que subsiste Ie foyer d'infectiol1. Ja mab- die n'attend qu'une occasion pour se ré,-eiller. ct. de nouveau, envahir tout rurganisn1c. Done il n'est que trop ,-rai que Herbert Spencer demeure un théo- I logien. En ce sens il apparticnt au passé. Son Inco n -, JlERllFRT SPEXCI:H ET L'I CO:\ .\ISS.\nLE f09 nai able doil aller I'f'joindre dans Ie néant tou le falltùme qu'a cxorci é:-- la raison humaine. II n'y a pa ù'autre inconnai::5 able que l'inconnu, c'est-å- dire ce qu'aujourd'hui nous ne connais ons pa , Inai que pcut-ètre nous connaìtrons demain. Cette objection, qui a :-;a source dans la doctrine Inême de I"évolution. étaiL naturellernent, familière à I Ia. pensée de Herbert Spencer. l\'ul plus que lui n'était hahitu3 à voir la vérit{} d'hier devcnir ferrenI' d'au- jourd'hui. )Iais au changelnent possible dans les croyances dc:s homnles il adnlettait ùes limiteso Selon lui. lïmpo ibi(ité invincible de concevoir Ie contraire I de certaines propû itions ilnposail å l' esprit, nlalgré quïl en eût.. l'adhé:-:ion it ces propositions. (( A ce ignc. ùi ait-il, nous connai ::;ons qu'une propo ition présentc Ie plu::> haut degré de certitudc. que Ia. négalion en est incol1cevable )). Or, précisérncnt à propos de rlnconnai able. il se voit en présence d'une telle inconcevabilité. Dès 101'5. pour lui, I'Incon- nai5 able est d0I111é, il est donné a'oec notre consti- tution mentale elle-nlème. L'impossibilité qu'éprou\"e Herbert Spencer est-ell une illusion de son inlaöinatioll, une pares e de on r prit. un etTet de son ternpérament indiviùuel '? Il est remarquable que l'on trouye une attitude ::;em- blable, une 111ème ré istance insurmontable à la négation, non ::>eulcn1cnt chez un Lnt her au Ull I\ant, rnai chez nOJubre de penseurs contemporain'=. Yaiei. par exemplc, con1ment Ie profes:-::eur 'YilJiam Janlc termine son livre célèbre. The val ietics v/ religious experience: (( Je puis, dit-il. evidemment, me mettre dan:, l'atti- tude rlu scientiste seclaire, et fcindre qu'il n'y ait d'autre réalité que Ie nlonde des sen ations, des loi 10 110 SCIENCE ET RELIGIO:'i et objets scientifiques. Iais cha'l ne fois que je me forme celte imagination, j'entends Ie n1entor inté- . rieur dont a parlé Clifford lnurmurer à mon oreille : i bosh! c'est-à-dire: non-sens! Une blague est une blague (Humbug is htlrnbug), quanù bien Dlên1e elle serait décorée du nom de science. Or, l'exprf' ion totale de l'expérience humaine, quand je la considère dans sa réalité viyante, me pou:,se invinciblelnent à dépasser les élroites limiles de la science propren1ent dite. Nul doute que Ie monde réel ne soit autren1ent constitué, beaucoup plus compliqué que la science ne l'admet. Et ainsi. des raisons à la fois objectives et subjeclives me tiennent attaché à b. croyance que j'exprime ici. Qui sait bi la iìdéliLé de chacun de nous à ses pauvres petites croyances n'aide pas Dieu Jui-même à remplir plus efficacement ses grands devoirs? )) Herbert Spencer n'est certes pas Ie senl qui se senie dans l'impossibiJité d'admettre que la science se suffi!:'e et nons suffise. :\Iais, dira-t-on, c'est là un phénoll1ène qui s'explique psychologiquement, et de telle 50rte qu'il est impossible de lui attribuer aucune portée. C'est simplement rapplication d'une loi q1: régit les rapports de la raison et de I'imagination. Un célèbre moraliste anglais, Leslie Stephen, a ainsi énoncé cette loi; The imagination lags behind the 'rea- son. l'imagination retarde sur la raison. Alors que la raison a déjà démontré la fausseté d'ul1e opinion, lïmagination, Ie cæur, attachés à cette opinion, y persé\"èrent pendant un temps plus ou moins long. Leur é,.olution, en eITet, exige un travail intérieur qui ne pent s'accomplir d'un coup, qui néanmoins s'ac- complira nécessairement: car l'accord de la conscience avec elle-rnême est la loi suprêlne, et, des deux forces IIEnnERT SPEXCEß ET L'INCO X.\ISSABLE 111 en préscnce. celIe llui ne changera pas, c'est la rai on. Le non possumus de Kant ou de Herberl SpenCf'f u'a, prétcnd-on, d'autre cause que la loi énoncéc par Leslie lephen. Sans doute, il est très réel et tr :, incère; mais étant donné Ie progrès de la raison humaine. il e t destiné à ton1ber. Celte appréciation est-elle juslifiée ? On pourrait tout d'abord se demander si elle n'im- plique pas un cercle yicieux, si elle ne prend pas )ollr aCtordée. pour donnée, ]a solution négalive du problème même que soulève Herbert Spencer. Celui-ci se denlande si la condamnation de certains éléments traditionnels des religions entraÎne la I conLlamnation de leur principe. On lui répond: Con1me les religion:;; sont. du 50ll1111et it la base, et jusque ò:tns leurs premiers princi pc!==, des édifices ruineux. illes faut délruire de fonci en cOluble, il en faut faire d; paraLI\ les ruines même et jusqu.au souyenir. Et CJmme toute croyance religieuse est. de tout poio t, "ide et illusoire, la persistance å y trouver quelque chose de bon et de vrai De peut éyidenlluent venir que de la lenteur de l'imagination et du entimeIll å suivre Ie progrès de la raison. Une telle réponse n'est pas une délnonstration: ce n'est qu'une thèse Ini,e en présence (rUne autre thèse. E5t-il vrai d'ailleurs que l'impossibilité affirmée par Herbert Spencer procède exclusivenlenl du sen- timent. et ne se fonde en rien ßur la raison? Ii n'est pas douleux que Herbert Spencer n'ait fait, c an-; ses doctrines philosophiques, surtout dans ses doclrine pratiques. une large part au sentiment. Ave la. plupart des _\nglais, il voyait dans la rai50n propremenl dite un iustrument plus qu'un principe d'ac.tion, et ré ervait au sentiment Ie pouvoir de mettre l'åme en branle. Iais il nt s'ensuit pas que . i12 SCIEKCE ET REIIGIOX sa lhéorie de I'Inconnaissable repose cxclusiven1ent S11 r Ie sentiment. Le fond de la théorie de la connaissance que pro- fcs"e Herbert Spencer, c'e L I'identité radicale du savoir Ie plus epuré et df1 nolions les plus vulgaires. Comn1e la notion vulgaire est éviden1ment un luélallöe de entin1enL ef df' rai on, il n' est pas douleux flue tonte connai sance, pour Herbert Spencrr, ne ren- fernle nécessairement ces deux élénlents, lesquels ne e peuvent disjoindre que par une ab5traction de dialecticien. Et lorsqu'on pose la question ùu fondc- DlenL dernier de la certitude, il n'y a, pour lIerbrrl Spencer, qu'une réponse possible, tant dans I'ordre !'cientifique que dans l'ordre mélaphysique, c'esl que la certitude repose sur Ie sentiment, sur Ie entiment véritablemenL naturel et incoercihle. II n'est que juste. sen1ble-t-il, d'affirmer, avec Herbert Spencer, qu'une séparation radicale de la raison et du sentiI11cnt ne se soutient pas, à n10ins qu' on ne veuille réduire la raison au seul raisonne- ment dialectique, et rétablir Ie cloisonnenlent de l'àn1e hun1aine que la psychologie n10derne a eu tant de peine à dén101ir. La raison vivante, déter- minée. efficace, n'esL pas une chose donnée, un attri- but isolé, éternel el immuable ùe l'âme hun1aine. Elle devienl. elIe se fait, elle se fornle. elle s'élève. Elle se cultive en se nourrissant de vérités, con1me l'a vu Descartes. Sa doub1e éco]e est la science et la vie. Elle cOlnbine. ordonne, condense et fixe relativenlent ce qu'rngendre de plus solide, de plus utile, de plus h11lnain, de plus relevé, Ie dévcloppelnent de toutes le puissances de l'hon1me: expérience. .sentiment, in1agination, désir, yolonLé. Elle n1érite. par là, d'être notre guide suprên1e dans Ia pratique conlme dans la théorie. IIEnnrHT SPE:\CER ET L'I:XCO:\X,\I S,\nLE 113 C'esl cerLaincIllent it la rai:-:on ainsi cnlendue, plu- tÙt qu'au sentiment séparé, avengle el inerlc ima- Q"iné par un ralionalislne aostrait, que s'adres e lIt.'rbert Spencer, pour sayoir s'il est po sihlc à I l"hom me de nier I'Inconnaissable. Lors mèmc. csti me- t-it. qu'i! ne serait pas proprenlent illog-iql1c d'affir- mer que Ie phénolnène se surfit, que la science peu t ot doi t dissi per lous lès n1)"slères, cc serai t dérai.sonnaole, ce serait impensable. II faudrait que I'hon1lno se dépouillât de sos faculté les plus hautes, de cellos qui, plus' que toutes les autres. Ie font homme, pour qu'il consentit à admeltre que ce qu'il connait au peut connaitre épuise l'être et la per- fection. C'est done en vain que 1'on reproche à Herbert Spencer ùe s'ètre contredit en maintcnant une réalité suprasensible. objet Je la religion. en face Ju n10ntle clonné. objet de fa science, et que ran reCOUl't å la théorie des organcs résid llaire e1 des suryiyances biolof!'iques pour expJiquer eeUe prélendue contradic- tion. 11 sllfJìt qne Herbert Spencer 'appuie, nOIl sur la science pure et simple. Inais ur la science interprétée par la raison, pour que celte contradiction disparai:.-se. Car ùans la raison hUlnaine elle-lnèlne, tellc qu'cHe s'est faite au contact des ('hoses, est inscrite l'affirmation d'une réalité invisible, :;upé- rieure à tout ce qui peut nous êlre donné dans l'ex- périence. * * * Iais Ie uprasensiblc de Herbert Spencer a ce cararlèrc d 'ètrc, au pI us haut point, 1ran cendant et inaccc ible. Herbert Spencer l'appelle l'InconnaÌ::,- sahle. ]I nous illLcrùit de Ie conce, oil' d'une Inanière òélcrn1Ìnée (1'cali:ing it in thought). On lorn be. affirlne- to. 114 SCIE CE ET RELIGIO t-il, dans des contradictions insolubles, on ne s'en- tend plus soi-mème, òès que I'on dépasse la simple énollciation de l'existence et de l'inconnaissabililé de la cause pren1ière. LÙ. est peut-être Ie côté contestable de sa doctrine. En fait, comme on l'a maintes fois remarqué, Her- bert Spencer n'a pu maintenir cette absoiue trans- cendance et inconnaissabilité du premier principe, où ses déductions Ie conduisaient. Son absolu est force, puissance, énergie, infini, source de cons- cience, fonds commun du moi et du non-moi, supé- rietll' à l'intelligence et à la personnalité. Peut-on I'rétendre, dès 101'5, qu'il est entièreInenl inconnais- sa.ble; et si les prédicats que Herbert Spencer n'a pas craint de lui assigner sont légi ti mes, est-il certai n que ce rudiment de connaissance ne soit pas sus- ceptible d'un progrès et d'un développement '? Pour apprécie ' la valeur de l'agnosticisI11C de Her- bert Spencer, il en faut examiner Ie principe. Ce prin- cipc est l'objectivisme. Hcrbert. Spencer veut que l'emploi d\1I1e méthode exclusivelnent objective soit la condition de toute science de toutc connaissance effective. Les faits. voilà la seule source du savoir; el l'on ne doit appeler fait que ce qui est perçu ou per- ceptible con1me chose exlérieure, posée en face du sujet connaissant, ce qui est saisi-ssable comme entité complète, Jixe, détachée, ce qui est exacte- menl exprilllable par un concept et par un mot. CeUe doctrine de la connais:;ance une fois adnlise, il s'ensuit, en eITel, nécessairement, que Ie supra- sensi ble, s'il existe, est inconnaissable. Car il est évideut qu'il ne pent être une découpure d'êtr , à côté d'autres découpures: un objet, au sens que 1'00- jectivisme donne à ce mot. Entre lui et Ie monde de la science, ainsi coneu, nulle transition. Si Ie supra- liF.nnERT SPE;\CEP. ET L'Iì',CO :'\AIss.\nLE 113 \ sensible exisie. il faut qu'il plane dans Ie vide, I it une distance infinie e tous Ie o jet ccessibl: à nos noycns de connaltre. Pour 1 obJecl1vlste conse- quent rabsolu, ou nOest pas, ou est, å la lettre, en I dehors du n10nde et transcendant. La question est de savoir si l'objectivisme absolu I pst un point de vue possible et légitime. Sans doute.. I ' la possibilité du point de ue obJectiviste est Ie pos- lulat de la science: de ce point de ,.ue, eIle s'ap- I plique à décou per dans la nature des images neHes 'ct bien circonscritcs, qu'elle puisse ranger à côté l Ies unes des autres, com parer, superposer, opposer, assinliler. Mais, l' objectivitë com plète qu' elle pour- I suit. pent-on dire que la science y atteigne? e serait- clle pas pIutôt, elle-même. comme toutes les choses humaines, un conlpromis entre Ie possible et l'idéal? Obtient-elle jan1ais des données entièrement purg-ées d'éléments subjeclifs, des résuItals dont la signiHca- lion concrète n'implique aucun emprunt au senti- ment? Que si, dans les sciences mathématico-ph:r- ! siques. l'espril humain approche de l'objectivité : parfaite, au point d"avoir parfois l'illusioJ) qu'il la I réalise, s'ensuit.il que ce qui réussil dans un ordre I de connaissances soit possible et conyenable dans I lous les autres? Pourquoi toules les sciences seraient- , elles construites sur Ie même type, et pourquoi ce type serait-il celui de la nécessilë physique? Suffit.il done dOUD cas pour fonder une induction? Pourquoi la science ferait-elle exception å celle règle qu'iJ est du devoir de l'esprit humain de modeler ses con- ceptions sur les réalités, et non d'imposer aux réa- lités les caractères de ses conceptions? Pourquoi Ja mélhode, dans 130 science elle-même, De s'adaptcrait- elle pas à l' objet? II n'esl pas évident que, dans les sciences phy- 116 SCIEl'\'CE ET nELIGIO:\ siques, tout emploi de la mélhode subjective soit cffectiven1ent éIiminé ou élilninable. Iais on ,"oil clairement combien seraient appauvries et dénaturées les sciences qui se rapporteut aux choses Inorales, si I'on cherchait, en el1"rL it les traiter suivant une méthode purelnenlobjectiye. COlnment, en particulier. eonnaitrc ainsi, dans ee qu'ils ont de propre et de I earactéri tiquc: les phénonlènes religieux? A ne les considérer que du dehors. on les réduirail. chez l'individu. à certains phénolnènes nerveux; dans la sociélé, it une collection de dogn1cs. de rites et dïns- 1 titution . On tenterait de les expliquer par tel phéno- n1ène l;Iéu1cntaire, emprunt8 à Ia vic de chaque jour", Ia croyance naïve à la réalité st1b istante du Jouble. par exen1ple. Iais n'y a-l-il que des élén1ents de ce gcnre, dcs phénomènes extérieur , isoJables, repré- I entables ot mcsurables, dans les religioi1 réelles, I dans toute Ia suite des religions qui se sont dévelop- pées it travers les âges, dans la religion. toIle qu'ellc xiste au milieu de nous? 'est--ee rien que la vic intérieure, si intense, si profonde, si riche. du boud- I dhiste ou ÙU chrétien? Le n1yslicisme n'esl-il pas une forn1e de la ,'ie religieuse? Le proleslantisn1e cst-ill I sans iutérêt? Et ne scrait-ce pas ici Ie cas de repren- · I ùra Ie vel'S fameux de Shakespeare : There ate mrre things in heaz'en and ea1"lh lToratio, Tll'l1l are dream t of ill your philosophy? 1 I I La religion est, semb]e--t-il, par excellence, ]e trait. - d'union entre Ie rclatif et eet absolu, infini el parfait, que conccvait Herbert Spenl:er. C'esL en Inênlé lCIl1pS que l'eITorl pour développer el diriger ver leur per- l. IIamlet: II y a plus de d10ses dans Ie dcl ct sur Ia tcrre, Horatio, quc vous n'cn rèvcz dans you'e philosophic. I HERBERT SPE:'\CER ET LtI CO _\I S.\DLE 117 I fcclion la ,'ic et la connaissancc l1b.w('Li\"e:--. Ie senti- ment de la rOIluuunication òe l'êLre cxlérienr. parti- !rulier, lirnilé, incerlain, avec la source con1nHlnc de tuu les êlre .' Iaquelle, comme dit Herbert Spencer, aillil dircctcInent et se Iaisse en quclque fa on sur- .prendre daIl ce que nous appclolJs la const:lencc. I ous nc pouyons nous en Lenir it l'objcctivisme, Iparce que, dans Ia réalité, Ie sujct et I"objet nc !'=onl Bulle part efTectivement séparés. Pour sai:.;ir l'objet éparélnent. il faut se Ie donneI' artificiellcmc:1l, comnle Ie mathén131icieo se donne les conditions I d'lIn problèlI1c. Tels quïls nous sont ofTerts par la nature, teis quïls sont, l'objct et. Ie sujct nc I font qu'un. L'c prit hUD1ain elTectue, pour se meUre cn rapport ayec les choses, mainte aLstraction, f mainte réduction des êtres en concepts, dont, pour une forle part, il ne se rend pas compte. Or, la , religion est la conscience sccrète de la réalité de la vie. de ràme, et de son rapport avec ces êtres, qui, aperçu:; pal' notre entcndement, ont l'air de se pous- èr mécaniquemenl les uns les autres, comme les I alomes de Délnocrite. C'èst pourquoi la religion ne saurait consisler pure- mcnt et simplcment dans l'affirmation et l'adoration mnclle d'un i nconllaissable transcendant. lIerbert bponccr nous donne trop ou trop peu, con1nH Ie lui I reprúchcnt avec raison lcs naturalistes intransigeants. Si l'llumanilé u'_\ugustc Con1le est une conception , ineomplète et ilJ table, parce que l'homn1C est, p3r (' ellce, un ètrc qui se dépassc lui-Inême, à plus forte raison ne aurait-on, avec Herbert Spencer.. o1ellrc les honlInes en pré ence Je l'êtrc ù'où toul dérivc. pour IcuI' dire ensuite que de eet être ils ne J pcuvcnl ricn :-,avoir. ricn attendre. Qu'ou sc rappelíc 13. phra:;c citée plus haut : 118 SCIE CE ET TIELICIO:'l Is it not jzut possible that there is a ruode of being as rnuch tl>anscending il1telligence aud will as t!zpse t1 1 ons- cend rnechanical?notion ? (( Ne se pourrait-il pas qnïl ( y eÙt un mode d'existence dépassant autant i'inlel- ligence et la volonté que celles-ci dépassent Ie n10U- vement mécanique? )) Énoncer ceUe proposition, c'est aller au delå. Comment, si l'on conçoit qu'un tel n10de d'existence est possible, ne pas youloir qu'il soit, non seulelllent possible. mais réel? COlllment ne pas chercher Ie" moyens de transforiller celte possibilité en réalité? Qu'est-ce que la rai5on qu'est-ce que la volonté humaine.. sinon l'efTort pour donner une figure å l'idéal et pour Ie faire descendre dans notre monde et dans notre yie? Et le complérn.ent naturel et né- cessaire de la parole de Herbert Spencer n'est-il pas ccLte autre parole : 'E),a .û) . ß:lr;tìl.s r;o:J ïE'J.(le-;'7Û) ':ò e "\, .., '" - 1 ' t ' d . E^-(IP. C'j:) (I); E'J OJp '/<{) xa.t E7.t 'rrlç, c es -a- Ire : Prions et agissons pour que ce règne supérieur de yérilé, de beauté et de bonté qu'entrevoit la raison humaine ne soit pas un simple idéal, pour qu'il ,-ienne à nous, pour qu'il se réalisr , non seule- lllent dans l'Inconnaissable et dans la ïégion lrans- cendante de l'absolu mais dans Ie maude où nous yivon , oil nous ain1ons, où nous soutïrons, où nous travaillons; non seulement au ciel, 111ais sur la torTe: V,",I' t -' t "'.- r: " ? I.>A, I' I I". 1. Que ton rè 6 ne yieune! que ton vouloir, de 111 l11e qa'il cst fait au cieI, ainsi se réalise sur Ia terre 1 CIIAPITRE III H æ eke let Ie fn 0 n ism e. t . 1.\ ()OCTr:I E DE II t:CI\.EI. srr.. LA. r..ELIGIO D,ns I:S IL.\P;ORTS A., EC U SCIE"\CF.. - Les con flits de la reli;6on et dc la science. - Le Yooisme é\"olutioniste comme solution à la fois scicnti- I fique er ration lie lIe des énigmes fJui sont Ia raison .J'êtrc de'.; religion:,. - Le besoin religieux. Pa::' age progl'essir, de I'eli- I gi('lls e).Ístantes. dans ce qu'clles ont d'utilisable, au ì\Ionismc é\ olm;oniste comme religion. I. ,"ALEt:R liE LA DOcTRI E. - 1 0 L'idée d\m phi osophie scienti- fique = comment Hæckel passe-t-il de Ia science à la philo- sophie? - 2 0 I.a philosophie scientifique comme né[!atlOn et sub tit\1t des rcligions: comment Hæckel passe-t-il òu .Munisme comme ph:lo ophie au fonisme comme religion '! im. PHILOSOI'HIE F.T Or.AI E ScIE:'iTIF!QUES L 'ÉPOQlE ACTl'EI LEo - La Philosophie scientifique : obscurité ou vague de ce concept. - La moralc de Ia solidarité : ambi!;uìté de ce terme. - Pel.- si::-tal1ce du dualisme touch ant Ie rapport de l'honullc ct des chases. i Ie système d'Auguste COlnte ni celui de Herbert pencer ne peuvent être considérés comme procuranl r. l'esprit un état d'équilibre stable. L'honlIne, roi de I l nature, organe et support du Grand-Être, est å l'étroit lans l'uniyers purement humain d'Augusle Comte. ï nconnai sable de Herbert Spencer ne peut demeu- er dans les limbes OÙ ce]ui-ci ,.oudrait Ie confiner: ïl est, il ,'eut se déployer, et meltre sa n13.rq ue ,ur Ie mande réel. L'un et l'autre système étaicnt 1 O :-;CIE:\CE ET nELIGIO encure fortenlent dualistes. Chez Comle, l'hom me cst. de plus ell plus, ùistingué de la nature; chez Herbert Spencer, l'absolu cst posé cn face du relatif. S'il arri,-ait que Ie dualisme ftit, enHn, entièrenlcnl surnlonté. ct (lue fût établie, sur des bases inébran- lables, l'unité foncière de to utes choses, ne pour- rait-on, en partant de cette unité mêmc, résoullrc d'une façon (léfinitive l'obsédante question des rap- ports de fa religion et de In. science? Cptte attitude e!::>t celle d'Ernest Hæckcl. Lïllustre professeur de zoologic de l'Université d'Iéna nOest pas seulement Ie savant cl original auteur de Ja r;cJ1crelle .J10l'phologie del' Organismpll (1866), Ie créateur dl) la phylogénie. Dans des ou- vrages teIs que : ...Yatil1'/ichc SChÖp(ll Hgsgesch ichle 18(8). qui a été lraûuite en ùouze langues; /Jer I Jlonismus (t .'Î JJ(( ld =ll'iSC LCn Religi?ll U1U .nTissen- 1 schaft (18D3); Dle TVeltrdtsel (1890); Rell[JlOn 'lllld l 'voluliol1 (ID00), il a exposé des vnes philosophiques, j qui outre la yaleur que leur confère l'énlincnte I)er- , sonualité de rauteur. ont .cet iutérêt, de représenter I ayec éclat un (.tat d'esprit très répandu aujourd'hui, notamnlenL dalls Ie ll10nde ::,cicnti1ìquc. I , I II ECIiLL ET LE 1iû:\IS)IE 121 I LA DOCTFINE DE HÆCKEL SUR LA RELIGION DANS SES RAPPOATS AVë.C LA SCIENCE. II Caut en finir. e Lilne IIa ckcL avrc ertte nléL hode de nH nageIllents mutueis. de controYcr c abstraiLe rt métaphysique, grÙce à laquclle on arrive tonjours, Lant bien que mal. à aecommoder verbalelnent Ie concEpt de scienee et Ie coneépt de religion. Ii faut, une Donne fois. Iueltre en préscnce rune de l'autre. non la scicnce en soi ct la religion en soi, vaines entités d'école, mais 13 religion et la science tellcs qu'elles sonL en considérant, dans leur scn propre el leur réalité eoncrète, les conelusiol1S qu'ellr énoncent l'une et I'autre, les prineipes sur le qucls elle... s'appuicnt. C'est ce qu'a fail. par exemple. J. ,Yo Draper, dan:-i no livre célèbre. intitulé: Conflict 01 Science and Ileligion (1875); c'est ce que I1æckel va Caire à nn tOUI', en détern1Ïnant .ayec précision les conditions du eunflt et la n1éthode à suivre pour Ie résoudre. Laissons de eôté: dit-il au comn1eneelllcnt de ses Eniglìlcs de r [T ll Ù:ers, Ie papismc ultramontain. ainsi qur les seetc prote tante orthodoxes. qui ne lui cèdent gnère en ignorance el en luurdp superstition. Transportoll -nou-; dans l'église d'un rJasteur protes- tant libéral. qui a une bonne éducation Illoyenne, et qui. dan sa conscience éclairée: trouve une place pour Irs droits de la raison. lei même, parmi des en,-pigncmcnts morau\: et des sentilnent humaIli- taires CIl parfaitc harmonie avec nos idécs, nous 11 1 ",) ,.. -' SC!E:'--'CE El' RELIGIO'i entcndrons émeUre, sur Dieu, sur Ie lTIonde, sur I'h0I1101C. des proro itions direclen1ent opposées å l'cxpérience cienlifique 1. Y oici que(ques e enl pIes de ces contradictions: L'homme, pour notre pasteur, est Ie centre et Ie bu t de toute vie terrestre et, finalen1ent, de l'univers entier. L'existence et la conseryalion du n10nde sont expliquées par ce qu'on appelle la créalion et la providcnce divines. Cette création est Ulle opération analogue à celle dOun ingénieur, qui, ayant cons- cience de a capacité, songe à l'en1pJoi qu'il en fera, conçoit l'idée d'une machine plus ou J110ins C'on1pli- quée. en esquisse Ie plan, ella réaIise en en1ployant des n1atériaux convenables. Puis il ycille sur son fonclionnClllent, et la préserve de l'usure et des accidents. Ce Dicu ayant été fait à l'image Je l'homme, i1 cst tout simple de Ie considérer con1me ayanL lui-même, créé l'hoIllme Ù sa ressernblance. De là, un troisième dogme, qui achpve l'apothéosc de l'organisme IHlInain: la nature de l'homme est double; il est composé d'un corps Inatériel et d'une åme spirituelle. produit du souffle divino Et son âme, à qui appartient l'Ül1mor- tali té, n'est, en ce monde, que I'hòte temporaire de son corp::; périssable. Ces dogoles forment Ie fond de la cO::;lllogonie mosaïque. Ils Sp r<.,trouvent, quant à leurs éléments essentiels, òans Ie.:; difTérentes religions. Ils consi tent, en son1me, dans nne conception anthropomorphique de la nature, réduit ø à Il'être que l'æuvre arlificieJIe d'une puissance surnaturelle. Hien de ce qui est dans Ia nature ue vienl d' cUe. Comme il l'a créée et IJ. 1. Die TVell'l'iits l. ch. !. II.-I:CI{EL ET LE MO:'\ISJIE 123 conservc, Ie dieu transcendanL la domine, et se joue à son gré des Iois qui la régissent: ces lois ne sont elIe -mêmes que des yolontés arbitraires du créateur. Le fondcmcnt de ces dogmes est Ia tradition. ou tran mi sion, à trayers les åges, de notions rappor- tées à une révélation surnaturelle. TelIe:, sont les affirmations des religions: queUes sont. sur les mêmes objets, celles de la science? II importe de bien déterminer l'attiLude que doit prendre Ie savant pour répondre à ceUe question. Les Inétaphy iciens ont coutun1e de dire que les objets dont il s'agit ici ne concernent pas la science, qu'ils dépassent invinciblement la porlée de ses moyens de connaìlre. Et nombre de savants. contents de leurs traY::lUX de lahoratoire, se désintéressent eu'X-mêmes de problèmes qu'on ne résout pas avec des instrlJrnents et des calculs. Kous ne connai::isons que les faits, di lÜ-ils, et les arbres leur cachent la forêl. Lå est l'origne du malentendu qui se perpétue dan Ips esprits. A la faveur de l'abstention, timide, dédai ncuse Oll indiITérente, des savants de profes- sion. les théologirns et les métaphysiciens continuenë. it. dogmatisci impllnément. II semble que :science et religion ne se nleuyenl pas dans Ie mêlne Inonde nc se rencontrent jamais dans leurs assertions. Cette apparence subsistera tant que confinée dans la re- cherche empirique, la science négligera d'aborder les problèlnes philosophiques. La science a débuté par l'éLude des détails : c'était dans l'ordre et c cst ce qui rend définitifs les résuItats qu'elle a obtcnus. jlais it est temps qu'elle généralise. elle au., i, et qu'elle opposc, sur ces questions d'ori,::ine qui trol1blcnt l'e prit des hon1n1es. les démonsLrations de re pé- rience el de la raison aux do mes du srntirnent el de I l'imagination. Llleure est e fìn venue de constitucr 124 SCIEXCE E'l' RELIGION une philosophie scientifique, on inlerprétation ration- nelle des ré ulLats de la science, et d'y traiter les questions jusqu'ici laissées aux théologiens el aux métaphysiciens. C'est, selon llæckel, ce qui ressort de l'état géné- ral de la science moderne, telle que l'ont faite les travaux des Lamarck de Gæthe, de Danyin. Grâce au découverles et aux rél1exions de ees grands honl- Illes, nons voyons claircment. désoflnais quelles SOi1t les lois maîtresses de la nature, el ce qu' eIles f=:igni- fient. La philosophie qui se dégage de la science se résume en deux mots: loni5Ine et Évolutionisme. D'une part, l' être est un, et tous les êlres sont de Inème nature, en sorte que toute dHTércnce entre eu'\ n'cst que òe degré, ou quantitative. D'autre part. l\\tre n'est pac; iUlInobile, InaÏ::; pussède un principe ùe chant..rcmeIlL' ctJ cilanl.renH l1i ell i ui-IUér:ue P U 1 'e- o , 0' - menl mécanique et soun1is à des lois in1muables, cst l'origine dè la. ,'ariété ùes êtres, lesquels sont ain5i lr produit d'nne création entièremenl naturelle. C'e t du haut de ccUe philosophic que la science, désonllai . doÏl considérer les questions dont ::;'oc- cupe la religion. Or, de ce point de vue elle oppose aux dogmes reli ieux des conclusions dian1étralement contraires. L'hoIlUl1e, selon la philu:-,ophie scientifique, ne saurait être Ie centre et Ie but de l'univers. L'hOInme est un anneau de la chaine des êtres, annean qui lient aux autres exactemcnt cuffime les vcrs tien- nent aux prolistes ou les poissons aux vel'S. Sa supériorilé n'cst qu'un cas de l'avance extraordinaire que lcs vertébrés ont pri e sur leurs congénères, au cours de l' évo Intion n niyersclle. A 130 créalion arlindellc dn monde, la science ILJ:CI\EL ET LE l\1O:\'I 'IE 1 J oppose la création naturcllc. La nature conlient en elle-mênle ttJutes les forces requises pour la proJuc- tion de toutes les forInes d'cxi lence qui s'y ren- contrellt. Les c pòce:; ont née Ie:::; unes des autres. par lransfonnalion, :;uivant des lois et suivant un ordre qu'il est dé orlnais po sible de détern1Ïner. El ainsi, au my the de la créaLion, la cience ub titue l'hi toire naturelle du monde. Le dngnle ue l'inlmortalité de l'âme Ii'est pas moins contredit par la cience, pour qui l'indi, iùu humain n'est qu'un assemblage transiloire de parti- cules Ina.tériclle:-i. ana1ogl1c aux autres. Le principe général des Jogmes religieux est ranthropoIìlorphisme, la création arli1ìcielle, Ie sur- nature!. .A ces notions la science oppo e celle de Ilalurali me, de continuité, de création naturelle. Rien dans la nature qui ne :;'cxplique par la nature. Rien qui soit ayant eUe, rien qui la dépa :;e. Pour qui se rend cOlnpte de ce que signiCìent 8es lois, parliculiè- rement celles de la sélection naturclle et de l' é\'olution, la nature est, elle-mèlne, l'auteur ùe sa créalion et de son progr s. C' cst ainsi que la science est à Ia reli- gion ce que Dar\vin est it Moise. ..\. l'oppo ition des doctrines répond celle des fondemenls. Les religions reposent sur la rérélation: la science ne connaìt que l'expérience. Xulle idée, à scs yeux, n'a de yaleur, si elle n'e t, ou l'exprc sion immédiate ùes faits, ou Ie résullat ù'une inférence déterminée par les lois naturelles de l'association des idécs. Lïllu:;ion religieuse, désormais, n'est done plus possible, à moins qu' on ne se crrye les yeux pour ne pa:; yoir. Si I'on considère la science actuelle, telle que l'ont con tiluée les Lamarck et Ie...; Darwin. il y a contradiction Jirecte, incompatibilité absolue entre 11. 12() SCIEj\CE ET nELIGIO les affirmations de la science et celles de la religion, touchant les problèmes fondamcntaux Je l"ètre et de la connaissance. Il est done impossible it un e prit éclairé et conséquent de donner à la fois son adhé- sion à rune et à l'autre. Nécessnirernent, il lui raut opter. Or la philosophie moniste évolutionnisle, c'est-à- dire ci(\ntifique, qui fait éclatcr Ie conf1it, fournit en Hlên1l' ten1p:5 Ie D10yen de Ie résoudre. S lon cétte philosophie, sur tons les points oil ce ('onOit se 111anifeste, un esprit formé aux méthodes des sci nccs ne peut hésitcr. La. croyance qnïl y a, pour nOLls. dans la ré\.élation, dans Ll foi, c'cst-à- d ire, en òèrni' re analyse, dans rén10tion ot Ie senti- H1CIÜ, non seulement des états de conscience subjec- t i fs, n1aig des sources de connais.sance, représente un slade infél'ieur de l'intclligence, que l'hoInme désormais, a Jépa sé. L'hoffilne, au point OÙ il en cst de son dévcloppemenL sait que la connaissance nous est fournie cxclllsiyeInent par l'e:xpérience et Ie l'aiSOnneInent, dunt la réunion fOflne ce que nous appelons la raison. La raison, il est vrai, n'apparlient pHS égalemcnt à tous les hommes. Elle s'est déveIop- pée dans l'esprit humain par les progrès de la culture; et, aujou rd'hui n1ême, un -homn1e étranger it Ia. cul- ture moderne po ède juste autant de raison que nos plus proches parents parmi les mammifères : les sin- ges, les chien" ou les éléphants. Ces principes une fois admis, l'hoffilne ne peut manquer d'aJhérer aux conclusions de la philosophie scientifìque. Car ces conclusions, qui, jusqu'à Lamarck et Dar\yin étaient surtout des yues de resprit sont, depuis les trayaux de ces Favants, des vérités d'expé- rience. au mènle titre que les lois de la physique. Ce rut Ie grand progrès du XIX e siècle, progrès analogue II ECKEL ET LE IO:\ IS1fE 1 7 å cclui qu'avait accompli e\vton au XVll e , de raluencr (cs phénolnènes biologiques à des lois mécaniqucs et natllrelles, semblables à celles de la matière brute. .\ujonrd'hui, par l'observation ct l'expérienre elles- n1êmes, nons saxons. de science certainc, que les Il1êmes grandcs lois éternelles. les mt'mes lois d'ai- rain. agi sent ùans les manifestations vitales de animaux et des plantes, dans la croissance des cris- laux et dans la force d'expansion de la vapeur. Le nalurali nlC univer5cl que la science substitue à l'artiHcialisme snrnaturrl des religions n'est plus seulemcnt une hypothèse conforme à l'esprit scienti- fiquc, c'est une vérité de fait. Cette conclu ion, peut-être, paraitra téméraire à quelques-nns. De ce que nons expliquons n1aintenant mécaniqucmen 1. c' est-à-dire scientiHquen1ent, nOlnbre de phénomènc-; qui paraissaient jadis réclamer des . agents surnaturels, 5' ensuit-il que tautes chases soiput desormais expliquées on mèn1e explicables sui vant cette Inéthode? Est-il vrai que la science ait entière- I ment et à tout jamais exorcisé Ie mystère? Iais, si Ie m).stère subsiste, s'il est, en qnclque point de l'uni- vel'S, susceptible de subsister éternellement, ne reste. t-il pas une place pour la religion, pour ses .émotions l et ses révélalions? D'où procède-t-elle.. en définitiye, inon de ccUe opinion, que l' esprit humain est envi- , ronné' de mystères impénétrables? Pourquoi l'hommc : s'adresse-t-il à la révélation, sinon parce qu'elle lni \ ofTre une réponse à certaines questions qu'il ne peul , résoudre par la raison? I Or, remarqup lIæckel, récemment encore, à la séance de l'Académic des Sciences de Berlin tenuc ,en l'honncur de Leibnitz en 1880, Ie prúfe:-;seuI I Emile lJubois-Reymond déclarait que l'unh ers ren- 128 SCIEXCE ET RELIGION ferme sept éniglnes, dout quatrc au 11loins f";olll pour nOllS absoltllnent insolubles. 19norabimlls.' tet sOl'ail, sur ces points, Ie ùcrnier iTiot de Ia sciencc. Cc,; qualre énigmes transcendantcs'élaient, scion Dubois- Heymond : l'cssence de la lnatière et de ]a rorcc l'origine Ùll 111ouvclnent, l'origine de la sensation imrle, ct Ie libre arbitre (à lnuins toutefois qne l'on ne considère la libcrló subjective carnIne une illu- sion). Les trois autres énigolcs: rorigine de la yie, Ja finalité apparente de la nature, l'origine de la prnsée et du langage.. pouvaient, non sans une extrême difficuUé, ètre raIncnées au ulécanisnle :::icientifiquc. Une telle déclaration, ùit IIæckel, nc saurait être trop {'ncrgiquenlent cOIllbatlue; car rIle renlet tout en question. Si Ie n1ystère cst adn1is ður un point, rien n'cmpêche qu'i[ ne Ie soit sur d'autres. II raut main- tenir que la science est désornlais en droit de procla- lner, aosoltul1cnt: Le rrlonde, pour l'honlme, n'a plus de nlystères. Les difficu1tés que 1'on élève ici viennent de ce que l' on conllnence par po er, sous Ie HOITI de Ina- lière, un je nc sais quoi d'anlorphe et ù'incrte, et que ['Ull e drluande ensuite comment de cc néant ont pu urgir de puissances tcIles que la force, Ie mou- ven1cnt, la sensation. 'Iais l'hypothèse dont on part est arbitraire et imaginaire. Un tel substrat n'est, ni donné, ni concevable. La science, qui nc connaìt que Ie::, faits, ne peut admettre un pareil principe. Ce qui lui est donné irréductiblcnH!nt, et fIui, en consé- quence, est prenlier pour elIe, ce n'est pas unc I substance indétern1inée et passive. incapable d'enlrer en mouvement et en action si elle n'est mue el ani- mée du dehors; c'est une substance esselltic[Jeu1cnt animée, à la fois étcnùue, c'est-à-dire lnatièrc, ct I force. c'est-å-dirc es pri L II ECl\EL ET LE IO:\ IS'IE 129 (( OUS pcn50ns. dil IIæckel, avec G(cthc, que IIi la Inatière ne peut exisler et agir sans l'e'-prit, ni re pril :lll la IJlal.ière. Et nou:-; ad hérons au large nlolli Ine de pinoza: La Inatière, ùU ubsLanee infinin1cnt élenduc, ct l"csprit, ou ubstanee sentanle el pen- allte, :-;nnt les deux attributs fondarnentaux ou le:-; propriétés principales de l'essence divine fIlIi ('m- bra!:'se toutes cho es, ou de la substance univf'r:,ellf'1)). Ccs concepts n'ont rien de mystique. Us rcposcnt : i 0 Sllr les lois ùe la persistanee de la matière et de 13 persistance de la force, établies, la prernière par Lavoi- sicr, la seconde par )Iayer et Helmholtz; 2 0 sur l'unité de ees deux lois, unité que la science est conduite å al) lor , il ne unìt pas de déc1arer, en principe. e religion abolie . En f.1it. cllcs ont encore là, et I-lies ont. pour un certain temp:, encore, un rôle à 'emplir. II raut done que la science vive. en paix avec He:;, il fan t trouver un lien entre la religion et la -cirnct'. Or ce lien est fourni par la même philosophic qui raralltil, }lour l'a'-4'nir. l'empire excll1sif de la science, . Htxoir par Ie mouisn1e évolutianniste. C tte rhilo orhje. poursuiyie dans 8CS con éql1ences ratique:--. ahoutit au triple culLe du Yrai. du Don et 'Iu Beau. Trinilé réelle, subslituée it la Trinité imagi- .n aire des thélogiens 1. , (Jnelh\ cra. touch ant cette trinité, l'attitude du 'moni mr à l'égard de la religion que I'on tient con1mu- ,némcnt pour 13. plus haute de toutes: Ie christianisn1e? I En ce qui coneerne Ie Vrai, rien, selon Ie monislne. Il'est à couserver de la prétendue Révélalion religieuse. :Cclte ré,élalion en eigne un au-ùelà qui pour nOllS Il'a pas dc sense et elle rabaisse au rang de phé- nom ne an.s consistance ce qui pour nous est la :.;;cule réalité. I En ce qui concerne Ie Beau, Ia contradiction est p3rticulièl"cffi P nt violente entre Ie moni me et Ie fhrislianisme. Le chri tianisme en eigno Ie Inépris de a nature, Ia répugnance pour ses charmes, Ie I('\"oir de lutter contre ses inclinations, II préf'onise 'ascélisme, l'émaciation et l'enlaiJi:s ement du corps I III main. II ...0 défìe des arts, donl les créalions 'i qnellt toujour:-; de devenir pour l'hoIlllne ùe.;; dole:; uLslituécs à Dion. En fait, ce qu'on appelle 1. Del' Jlúnism (lis Band, etc.. s. f. r 136 SCIE CE ET RELIGIOX l'art chrélien n'a jamais été qu'une protestalion de l'imagination et des scns contre la spiritualité intransi- gean te du christianisn1e. Qu'ont à voir les spacicuses et splendides cathéJrales gothiques ayec Ia religion pour qui la terre n'est qu'une vallée de larmes? Ln art chrétien est nne contradiction. Le monisme, au contraire, est essentiellement naturaliste ct ami de la beauté, en qui il voit une fin en soi. II expulscra donr Ie christianisme du dO'maine de rart, con1me du èomaine ùe la science. Reste Ie culte du Bien. lci la religion moniste coïncide, pour la plus grande part, avec la religion chrétienne. On ne parle ici, naturellelnent, que du chrislianisme pur et primitif, tel qu'il apparaìt dans les évangiles et dans les épitres de Paul. La plupart des enseignements de ce chri lianisnle sont des pré- ceptes ùe charité et de tolérance, de pitié t d'assis- tance, auxquels nons adhérons fermement. Ces pré- ceptes, d'ailleurs, ne sont pas des découvertes du chri liani [nc, ils lui sont de beaucoup antérieurs. lIs ont élé pratiq ués par des incrédules, autant que violés par des croyants. De plus, chez les adeptes de la reli- gion ré\'élée, ils ne vont pas sans exagération, exaItant souvent l'altrui n1e au détrlment de régoïsIne. La phi- losophie moniste, au contraire tient la balance égale entre ces deux tendances l'une et l'autre également natureHes à I'hoIDlne. Iais, si cIle e borne à faire I valoir avec mesure es princi pes essentiels, la reli- gion chrétienne peut être un auxiliaire du monismc, et favoriser Ie progTès moral. Elle doit done ètre, en ce sens, actuelJenlent lnaintenue, au nom ùu mo- niSI11e Iui-mên1e. Celui-ci onstitue ainsi Ie trait {l'union cherché entre la religion et la science. La conduite it tenir consistera, en somn1c, it se I II1:CI\1:I. ET IE 11O:\'IS11E 137 crvir intclligernment des religions, de manière i!. rcnùrc peu à pell leur concours inutile, 1'01n010 on sc ('rL pour traver:,('r' un flClIVC, d'uno pas erelll' d,)r1t on n'aura plu que faire quand on sera sur rautre riye. La prcmière n1e ure à prendre, en ce en:-:, c'est (l'opércr la séparation con1plète de rt gli::,e e1 de rÉlat. afìn d'ò er à l'Église l'appui factice de rl taL l'l de la lllcltre en ùelneure de vivre sur es ::;eules rc:,sou rccs. De cette mesure négative Ie complément positif iv A òispensaLlc est la réforme de l'éducation. L'éducaEon est la grande affaire d'une société qui veut se llébar- ras:;:er des rcli3ions. Elle do it avoir pour objet de for- Iner l'hon1Juc, l'holnme tout entier, l'être sentant au- tant que l'ê1re intelligent, l'âme religieuse autant que l'esprit scienlifique. L'éducation publique n'adhère à aucune forn1ulo confe5sionnclle : elle exclut de l' école ces forn1ules, et lcs abanùonnc à l'éducation familialc. L'éùucalion publique 111et en æuvre et enseigne les princi pes de Ia moralr cientifìque, c'est-à-dire de Ia doctrine rratique résultant du monisme é,'olutioni-.:te. Elle Il'ignore pas les religions exi tantes, Inais elle en fait l"objet d'une science nouvelle : Ia religion com- paré . Lcs n1ylhes et légendes du christianisme y sont considérés, non commc des vérités, mais comme des fictions poétiqucs, analogues aux mythes grecs et latins. La valeur éLhique ou esthétique flue peuvent renfermer les mythes ne sera pas diminuée parce qu'ils seront ran1cnés à leur véritablc source, l'iIua- ginalion llllInainc : clle en sera accrue. Lïlonlme òe l"ayenir, possédant la science ct rart, par là. rnènle p05sédcra la religion: il n'aura donc pas hcsoin de s'enfCrrUCl" dans cettc portion mUfl'C de l"espace qu'on appelle une église. Partont dans Ie 1'') 138 SCIEjXCE E r TIELIGIO:'\ yaste monde.. à côté du féroce conlbat pour rexis- tence, il trouvera des marques du Bon, du Yrai et du Beau; et ainsi son église sera l'Univers. Iai , comme il y aura toujours des hommes qui aimeront à se retirer dans des temples richement décorés pour y pratiqueI' leur cuILe en cOInmun, on verra se pro- duire qnelque jour l'analogue de ce qui eut Jieu au XYl e siècle. lorsque nonlbre d'églises catholiques tom- bèrent aux mains des protestants: un no mbre encore plus con idérablc d' églises passeront des chrétiens aux soriété:; monistes 1. 1. Die 1relträtsel, chap. X\lII. II f-CKEL ET LE JUOXI511E f :{ ) 11 VALEUR DE LA DOCTRINE. I La dl)ctrine de Hæckel sur les rapports de 130 rcli- r..:;ion et ùe 130 science est très précise. Selon lui, l'illcer- ;tiLude qui. à ce l1jet. subsiste, aujourd'hui encore. :a sa cause dans 130 répugnance des sayant:; pour les ,'péculations qui dépas..;cnt leurs recherches irnnlé- dialr et particulières. Que la science,comme elle en b. dé ornlais la puissance se constitue en philosophic, :ct clle sera en nw:,ure, non seulement de réfuter, mais de rcml'lacer les religions. : D cclte doctrine se (légagent deux thèses essen- ItieBe:; : 1 0 l'idée d'une p hilosophie scientifique; 2 0 la jphilosophie scienlifique comme négation el sub litut des religions. * * * L'idée d'une combinaison de la philosophie et de la 'sciencr élait très simple dans Ie Inonde grec. .La science y était pénélrée des princi pes d'ordre, d'har'- jmonie, d'unité et de finalité qui élaient Ie fonds com- 1 Illlln de 130 rai on el des choses: eUe était ainsi n1éta- ph ..;ique dans son essence. Et la philo:,ophie étail resprit. reconnai 5ant ses propres principes esthé- Itiquc et rationnels dans ceux de la nature et de la vie . humaine. Il en est autren1ent pour Ies modernes. La science ,\'e t de plus en plus dégagée de tout rapport à la Iné- I taph) sique. Elle est ou yeut être enllèreUlen1 posi- Iliye, c't:::,l-å-dire flu'elIe entend n'ayoir d'autre contenll !.Íû SCIEXCE ET I\ELIGIûX que des faits, et des inductions exclusi,.en1ent ùéter- n1Ïnées par les fails. Une philosophie scienLifiquc, ce serait done une philosophie constituée en dehors de toute n1étaphysique, trouvant, dans les faits, son fondelnent nécessaire et suffisant. Une telle philo- sophie est-elle possible? La philosophie, selon lIæckel, esl essenliellement la recherche de la nature et de l'origine des chases. Elle se distingue de la science proprelnent dite en ce qu'elle ne se contente pas de rechercheI' la nature propre de tel Oll tel corps, ou la cau e prochaine áe teIle ou telle classe de phénomènes, Inais que, géné- ralisant les problèlnes, elle se demande s'il existe des principes communs et universels, capables de rendre compte de l'ensemble des lois de la nature et de l'origine de tous les êtres. Or, si, pendant longtemp , la science n'a pu fournir au philosophe des données suffisantes pour aborder ces problèmes, la que tion, selon IIæckel, a entièrement changé de- face depuis les trayaux de Laplace, Iayer et Helmholtz, Lamarck et Darwin. Aujourdthui, la science proprement dite, la connaissance des faits, a pénétré assez avant dans l'étude des problèmes d'essence et d'origine pour que Ie philosophe puisse acconlplir son æuvre en s' appuyant sur elIe seule. II ne stag-it que d'inter- préter, par la raison, les grandes découverles des savants modernes, ainsi qu 'un Lamarck, un Gæthe, un Dar,vin en ont, eux-mêmes, déjit donné rexemple. En quoi consiste, au juste, ce travail d'interpréta- tion, qui doit pefInettre it l'humanité de conserver la philosophie, tout en éliminant la métaphysique ? L'intention de lhcckel est, visibleluent, de conce- voir l'expérience scientifique et l'interprétation philo- sophique comme n'étant, au fond. qu'un seul et mên1e travail de l'intelligence. II cite les vel'S où Schiller I ß EChEI ET LE 10:\ IS IE 111 cxhorte savants et philosophes à unir leurs etTorL au lien de les divi er: et il affirmc que Ie XIX e siècle fini':). j sant est revenu å l'aUitude moniste que Ie grand poète réaliste Gæthe préconisait au comlnencement de ce mt'me siècle, eomme la seull qui fûl normale et féconde. On peut e demander s'il a eITectivement réalisé son dessein. · Traitant, au premier chapitre de 1'0u'Tage: /Jie , trelttätsel, des méthodes philosophiques qui pern1et- tent de résoudre les énigmes du monde. IIæckei dit que ces méthodes ne difTèrent pas, en somme. de relIes de l'invcstigation purement scientifique. Ce onl, comme dans la science, l'expérience et l'inférence. L'expérience se fait au moyen des sen , les infé- rences sont l'æuvre de la raison. II faut se gardeI' de coofondre ces deux modes de connaissance. cns el rai ol1 sont les foncLions de deux portions tout it fait dislioctcs du sy::;tème nerveux. Comme, d'ailleur , ces deux fonctions soot également naturelles à rhOlI1me, rc\":ercice de la seconde n' e t pas moins légi ti me que l'exercice de la première pourvu qu'il ait lieu conformément aux dictécs de la nature. Si les Inéta- physiciens ont tort d'isoler la raison des sens. le savants ne pêchcnt pas moins, lorsqu'ils preteodent éconduire la raison. Erreur de dire: l'âge de Ill. phi- losophie est passé, la science a pris sa place. Qu'est-ce que la théorie cellulaire la théorie òyna- mique de la chaleur. la théorie de l'évolution ct la loi ùe sub tance. sinon des doctrines rationnelles, c'est- à-dire philosophiqucs ? Le explications données par Ilæckel n'éclaircissent guère, semble-t-il, ce passage de la cience it la philosophie qui doit, selon lui, résoudre tou:;: l s pro- blènles. Pour justifier ce passage. llæckel invoque' la présence de la raison à cõté des sens chez les ani- LIBRARY ST. MARY'S COLLEGE 142 SCIEKCE ET REI IGIO maux inférienrs à l'homme. II onstate que Ia rai on difIère des sens, en tant qu'elle a son sirge dnns d'antrcs parties du système nervcux; et il demande pourqlloi l'emploi de la raison confonne à Ia natUl"0 ne serail pas aussi légitime que celui des sens. Iais rOIDlnent tout cela prouve-t-il que, dans la raison, il n'y ait pas d'autre principe d'interprétation que l'in- férence cienlifique proprenlent dile, et qu'à enyi... ager les choses d'un autre point de vue que celui du savant. I'esprit se trom pe illdubitablement? Il faudraiL pour motiyer une telle conclusion. no us donner. du eontenu de la raison, un aperçn, que nous cherchon vainpment chez Hæckel. Peut-être, il est yrai, une théorie précise de la raison, queUe qu'elle fùt, serait-elle ici embarras- sante. L philosophie scienlifique, teIle que la conçoit lIæckeL doit. être, en quelque manière, autre chose que la science; ::5es conclusions doiyent dépasser celles de Ia science pure et simple. tout en s'y reliant sui- vant un rapport de continuité. Or. si 1'0n pose qu'il n'y a, littéralement, rien de plus dans la raison que ce que Ie sayant en utilise. Ie philosophe, nlalgré tous ses efforts, ne pourra, en aucun sens et à ancun degré. dépas er la science. à moins qu'à Ia science correcte et yraie il ne superpose une science incor- recte et fausse. Seule, dans ceUe hyrothèse, la science est légilime; et toute la philosophie n'est que de Ia cience débaptisée, on un exercice de littératnrp,. Ð'autre part, s'il y a. dans la raison naturelle, d'autres principes que ceu"\: qu'ulilise Ia science, il fant renon- cer à établir une continuilé entrf' la science et ILl philosophic; il faut, entre rune et l'autre, admettrc une distinction, non de degré. nlais de nature. )Iais sans doute Ie système même qu'a construit fl.f.CIiEL FT I E MOXIS1n:: 1.í3 (I'eckel IllaIlifc tc-t-iL par 1'('ITet, la po sibilité de réalisúl' unt'" I,hilosophie purcIllcnt scientifique. Qu'importe que fon ne yoie pas bien en théoric COIll- mcnt de la science pent bC tireI' une phiIo-.;ophie que soiL e1 ne soit pas Ia science, si ceHe philosophi(,; existc, et i. par ses caractères, clIp prouve qu'elfec- , liycn1f'nt elle a, de la ience, la certitude, sans pour. tant s'expliquer par Ie travail scientifique pur ct . I 9 ::;lmp c . Cc systèmc e:;l Ie monisme évolutioniste. II nc Sp horne pas it adopter défcndre. préciscr, élcnùre à ùes cas nouvraux, aycc origillalité, avec profondeur. a\ ec harJicss(\ ou lén1érité, les Iois découyertes par un Xe\\ ton. nn Layoisier, un )Iayer, un Darwin, ce qui ne serait toujours qu'une æuvr proprerüent cicnlinf}lIc, l1jettc à contrôle, à rectification, à n10- , I malgré des cas de rétrogression vers des degrés infé- . rieurs, la marchc vcrs la perfection y est prédominanLe, I cc qui, égal6ment, est. plus qu'une généralisation. II résume son s)'slèlne i par l'expression de pan- théisme, signifiant par là que Dieu n'est pas hors uu , 1. Die \relträtsel, chap. XIV. II ECKEL ET LE :UO:\ISJIE 143 Jllondr. mais au scin Inême du monde, et qu'il Ie I IllcuL flu dcda1l5, it. titre de force on d'éneroie. l.,'in- lcrprétalion raliolll1elle des ch()ses <.lit-il. c l la I conception Inonistique de l"unilé de Dien el du monde. lei encore, la distinction du dehors et ùu dcda1l5, d'une force transccndante el d'une force imnlanente. fail penser à la Inélaphy if}ue hien plus qu'å la science. Enfin, après avoir prolnis de ranlener tout incon- Dai sable it I'inconnu, à un inconnu ::;embiable. dans son èssence au cOllnaissable, Uæckel aboutil it nne loi de sHb tance qui, dit-iI, nons apparaìt d'autant plus my téricusc qne nous pénétrons plu avant dans la connai :)ance de ses attribuls. II est dOBt' impossible de considérer sa philosophic comme un simplr prolongement de la science. 11 élait fondé å dire quïl n'userail pas seulell1ent des sens, mai de la rai on, qll'il ferail yrailncnt æU'Te de philosophe. et non pas seulenlent de savant. Son æuvre, tr s certainen1ent, est. philo ophique en 111ême temps que cienlin(llle; mais les éléments philoso- phi'Pll'::) qu'elle renferrne sonl visiblen1ent emprunlés à Ia mélaphysiqne (Iile uogmalique. * * * Telle qu'elle est, celle phiIo:-;ophic ren1rlil- lle l'offìce que Iui assigne lIa-ckel, et qui consistp å réfuler et å rem placer la religion "? Pour l'tre en me I1rp de fournir nne réfulalion com- plète ct définitivp ùes religions. lla"ckel s'attache à en òéöagrr Ie principe fondamcnta1. II lrouve ce principe dan", Ie ùualismc. Le religion:; voienl partout un connit de forces naturelles el ùe forces :,ul"naturelIes. I C()Il I ([ll("nce d'une uualité radicalc. Les luille appli- calions Ù" celle iùée se résllInent selon lIa'cke!. dans deux lhè es principales: la dualilé de Dieu et du 13 14G SCIEXCE FT nELIGION 010D(le, exprimée par la doclrine de la finalité, et Ia dualité de l'homme et de In. nature, expriInée par Ia doctrine de la liberté humaine. Dans sa philosophic. l1æckel trouve les ressources nécessaire pour réfuter ces deux erreurs, mères de toutes les autres. Lo tltéologi!:'nle, dit-il, a son point de départ dans l'hypothèse, née d'analogies superficielles, sui- vant ]aquelle Ie Blonde serait unc machine inerte. Unr machine suppo:-\e un ingénieur, et une machine incomparablelnent plus parfaitc que toutes les ma- chines humaines, un ingénieur infiniment supérieur aux ingéniel1r hun1ains. Ce raisonnemellt anthropomorphique tOlllbe. du moment où, comme l'en::,cigne Ie monisme, Ie monde n'e t pas une machine, mais un être essentiellement animé. Pareillement, l'illusion du libre arbitte vient de co que ignorants des obscures suggestions qui déter- minent nos actes, et, croyant agir parce que nous ne sentons pas les forces: qui nous poussent, nous iso- Ions. en pensée, nolre activité de ses conditions d'exercice. Ainsi mise å part. nolre acti\"Ïlé nous appa- rait corrime indétern1inée. )lais Ie monislne ùénlontre qu'une activité nue est une abstraction; que, (.lans la réalité, l'activité ne fait. qu'un avec la n1atière OÙ résident ses conditions d'exercice; et que. par suile, toute activilé donnée est entièrement déterminée. ..\insi s'écroulent, selon IIæckel, au cont1 ,plus grand génie ùe l' \llenwg'uP. C'c-,t Gælhe. en , dIet, qui a dit : JJ'er Jrissenschaft unci líunst besitzt, lint Quclt /{pligioH; 1fT el O jelle bciden nicht besit:t, Del' habe Religion 1 ! Or quel est Ie sens de celte parole '! L'arl, pour Gælhe, c'est l'idéal, en tant que I dégagë òu réel. Et eel idéal n'c l pas un sin1ple exlrailou renct ùu réel: il en cst Ie principe. C'e t à lui qu'il raut nuns 8u p('n(ire, c'e:,t de lui quïI nous raut recevoir lïns;piralion, si nous youlons nous I dépasser: /Jas Vollkolnmene 'U1USS uns eJ'st stimmen , lint! llns 'IIach llnd nach :,u sich hinaulh(jben : II faut que Ie parfait comn1e par une gràce prevenaute, nous donne d'abord la disposition, puis, peu à peu, nUllS élève yers Iui. C'c::;t ainsi qu'en superposant Gæthe à Spinoza, comn1e déjà il avail superposé Spinoza à Darwin, Hæct...el trouye Ie moyen de atisfaire. non plus seule- menllcs oesoins philo ophiques, n1ai les aspirations propren1cnt rcligieuses et idéales de l'htlInanité. Comnlent ('cUP nouvelle adù;tion est-elle incorporée au "'y t lne'? C' est ce que l' on nc voit pa;::, clairClllcnt. lIa'ckel se contente de dire : l'hon1me moderne, à còlé (lu féroce cOlnoal ponr l'exislence, voit parlout des In:trqucs du Yrai, du Beau el du Bien, Iai que} rapport y a-l-il entre cCoS deux aspect de la. réaliLé'! I Et comn1ent se fait-il qu'il suf1ìse d'apprendre de la. 1. Celui qni possl'de Ia science et rart pos ède au :,i la l"elj .n. \ c'lui qui ne possède ni l'une ni l"autre, la religion est nt. es" ail.!. 2. Eillc Rise ilL die Schzvei:;. 1797. 152 SCIEI'\CE ET REIlClON science que la loi de la lutte pour la vie est Ia loi fondan1entaIe de la nature pour être en état de conclure que Ie Yrai, Ie ll(ì(1u et Ie Bien sont partout pré5ents dans Ie monJe, et doivent êlrc l'objet de nos désirs et de nos ef1'orts? Yisiblen1cnt IIæckcl, pour se meltre en mesure de relnplacer les religions, a introduit ici des concepts nonnatifs à côté et au-òe sus ues concepts exprrimen- taux,ou, ce qui reyient au même, a prêté une yaleUf aux ilnpératifs donné subjectivement ùans notre conscience. Iais un commandelnent subjectif et inla- giBaire, érigé aiI1si en connaissance et en obligation réclles, n'est autre chose que ce qu'on appelle la réyélation. C'est done en in rant dans son systèn1e un principe étl'anger, analogne à la révélaLion rcli- gieuse, que IIæckel peut finalen1ent nous prescrirc, a"ec Gæthe, de tenùre vel'S Ie \Tai, Ie bon et Ie Leau. · Iais que ne rétablit-il pas, en réil1tégrant ainsi dans la philo: ophie, com me un idéal à poursui vre, Ie beau, Ie vrai et Ie bien? Le Dieu des religions est-il autre chose que la manière dont eUes se représentent Ie vrai, Ie beau et Ie bien? Ces objets ne sont pas des concepts fixes et sans profondeur, comlne I'iùée de triangle ou la notion de yertébré. Toutes les spécu- lations InéLaphysiques et religieuses des hOlnlnes ont été suscitées par la nature étrange de ces trois objets_ qui ne sont pas n1atériellement donnés, nlais dont l'e prit cherche à déterminer la notion, par un progrès infini, en se haussant au-dessus de soi, et en tâchant de s'unir à ce qu'il appelle Dieu. II serait difficile de dire a"ec précision à queUe mo- rale, à quelle religion conduisait Ie n10nisme de I1æckcL s'il n'eût été, après coup t du dphors, orjenté vers l'idéal de Gæthe. La philosophie do lIæckel, en IITrIiEL ET I E MO\ I IE 133 tant f)u'cllr c borllait à s'upposer au x rcliginn:-" in i - I tail snrtout llr runité fondanlcnlalc dc êlres, ::,ur Ie mécanisIllc uIlivcr cl, ur la falalité ÙP la lulle pour rc i4encc, sur Ie néant e uills de I I'holn01e. La religion de la ,cience, la' morale scienlifiq ue ,appe1:iicn1 une critique que ces systèmes ont olnisè : ,la critique des besoins intellec1uels et Illoraux de res- Ipril humain. Avant d chercher à satisraire ccs be- oin . il fallait se demander en quoi ils con i tent e1 I cc quïls valcnt. Si l'on pouvait dén10nlrer qu'il ne 'sonl cux-uÙ'nles que des fait , que tout ce qu'il senl- hlent contenir d'jdéal ou de supérieur au donné est 'illll::;oire. c'esL-à-dire se ranlène à ce nH 'mc tlonné I lli\"ant les Jois n3oturelIrs. alors vraiment il n'y aurait pour nous que des faits rédurlibles en droit à d'au1re faits. eL à des faits d'un caraclère scicntiliquc. Tou1 ce qui rappeIlf\ Ie sUI'naturel. l'absoill. Iïncl)nnai :-;able. l'idéa1. crait alors définili\"Cll1cnt éljIniné: la science proprt'lncnt ùile serait pour nOl1:,. de lnutes chose , , la. rrpréscntat ion rcla li vClnen 1 adéq II ate: pI:c sera it. elle-m0nlc. DoLre supr n1e bcsoin, nolrc absolu. nùtl e I idéa1. CIIAPITRE IV Psychologisme et Sociologisme. La nature et les ph{'noml>nes naturels : la considél'ation des phé- nornènes religil'ux snbstituée à celie des objcts ùe la religion, I. E\.I'Llc \'fIO'\ PS\CIIOLOGIQI'E nES I'II ':\O\JE FS nEUG)H \., - Lc phl\llnmi\nc l'cligicux COlIsidél'é sllhjf'ctiv('m, ntJ übjectin mCllt. - L'é, oilltioll histOl.iquf' dll scntinH'nt religieux. - Les pI1\'- 1l0mèlleS l'eligicnx eJ\.pliqllés par les lois générales de la vie psychiquc. II. E' PliCA flO't SOCIOLOG:QI'E nFS I'nÜ\O'IÌ:: ES REI.lGIEl;X. - L s :l\anta cs 'Iu pnint dc vuc sociologi(l'lC. - L'ess nce du phé>llo- Int'nc rcli icu x : doglllcs et l'it.es. - Insuffisuncc de I'explication p ycholo iquc ; la religion comme f(Jllction socialc. III. CI ITIQrE DC PSlCH"LOGIS'IE ET DU SOCIOLOG1S'IF. - L'ambition de ccs syst('>mps. - Lcs cxplications qu ï's fUUl'ni...scnt 50nt- cllc cfTcctivcmcnt scicntifiqups? - Lc u'ni humain et Ja soci,'.t( humaillc sont-ils a similabIcs à dcs CilU"-CS mécaniques? - Lf' psychologisme J impuissallt à <,xpliquf'l' Ic sentiment de l'ubligation rcligicuse. - Le 5ociologisl1lc, commc faisant appcl à Ia sûcidé, non sculement réelle, mais idéale. Dans les divers systèmes examinés jusqu'ici. scirnce et religio l sont mises en face l'une de l'autre comme deux choses données, et la que tion agitéc est de savoir dans queUe mesure et comment l'esprit, sans heurter Ie principe de contradiction. pen tIes laisser coexi5ter. Cette conception du pro- blèmc n'cst pas la senle possible. Lorsqu'aux. XYIl e et XYlIl e siècles la science se cons- titua défìniti,'ement sur la double base des Inalhén1a- PS\'CIlOLOr. I '1E ET sac IOLOG I:':\II: 1C7 'tiquc et de rexpérience, elle se denlanda queUe altitude ellt" devait prrndrr it l'égard ù'entités telles i quc la naturc. la vie, l'âme, couununélnelll admis(; ('OlnIue ùes réalilés donnl-cs, très difrércntcs pourtaut I des objet::; de l'expérience et de la ùémonstration mathématique. Après avoir hésité pendant un tenlps. ,elIe s'csl ayisée d'une di:-:lincLion qui semble a"oir I définit i remt'nt tranché la d i rJìcllllé. ..\ la consiù( ration i de la nature. de la vir, de l'åIlle, comme cnlilés la I cieace a !-'ub Litué celle des faits physiques, biolo- I öique . p ychiqncs, donnés dans l'expéricnce; et, I quant aux essences universcllcs dont cos phénomènes I sont la manifeslatiun. clle a pris Ie parti de les igno- I reI'. Les noms classiques de : physique, biologie. ; psychologic se ::;ont conservés, mais ils ne veulent I plu dire autrp chose qur: science des phénon1èncs physiques, biologiques, psychiques. ..\. ce changenlent : de point de vuc la science doil de s'être as':) milé des r( alit(;:-: qui, tdles que la tradition se le l"cpl'éscntail. :;clnblaient devoir lui demeureI' à tout jamais inacces- I ihles. I e prut-on concevoiI', à propos de la religion. un j r.hang-j"1ment ùe poinl de vue analogue '! Tandis q u'à con iJf'rer la religion et 8es ob.iets comnlC unc I entil( une et uni\"er ellc, la science paraìt conùaln- née à n'en fournir jamais qu'une explication illusoire, I qn'arriH rait-il i, it la religion. on sulJslilllait les phénoInènes religienx? Ces phénomènes sont, en j nnlIne, la eule chose qui nons soit dircclement elonnéc. Il peUYl\ut ètre ob:o..en-és, analy:-;és, cla :-:é:,. romme les autre::; phénumènes. On peut, å propo elt' ces phénolnène:::l comme à prop05 ùes autres, ('hercher -;'ils e lai:-: ('nt r:lInencr à des loi expéri- Illentalp . Pourquoi la religion, ainsi envisagée. no d \\"ienJrail-cllc pas objet de science. conlIne I'r.::-l 1u8 CIENCE ET RELIGION devenue Ia nature, dn jour Oil par ce mot, I'on a cnlenJu silliplen1cnt l'ensenlhle des phénomènes physiq ues ? Cctte réùucLÏon de Ia religion aux phénomènes reli- gienx en laisserait-elle échapper quelq ue élénlcnt c sentiel? Celui-là seul pourrait Ie soutenir qui croirait qu'en dehors des phénolnèncs naturels, ohjets de In physique. il y a quelque chose qui répond au Horn de nature, et qui, de queIque manière, est su certiLle dc tonlber sous nos prises. En fait, pour lout esprit libéré des préjugés Inétaphysiques, si les phénonlènes religieux peu\-ent êlre décrits avec préci- sian et réuuits ell Iois posili,"cs, analogues aux lois de la physiC}uc Ull de la physiologie, Ie problèlne des rapports de la religion ct de la science n 'existe plus: il reHtre dans Ie problènle général du rapport de la science et de la réalité. lequel. Iui-mêlne, r t plu verLal qU'efTectif, puisque la science. telle qu'elle tst (Jésormais consliluée, est précisément, pour nous, l'expression la plus adéquale possible de Ia réalité. Que deyiennent, dans celte Inanière de con id rer I les choses, ces in1périeux besoins, moraux et reIi- gieux, de la nature lnunainc, devant lesquels ont reculé, en définili\"c, un Auguste Comte, un Herbert: Spencer, un IIæckel? PS\ CIIOLOG IS'IE ET SOCIOLOG IS IE lü!) I EXPLICATION PSYCHOlOGIQUE DES PHÉNOMÈr:ES RELIGIEUX. Ccs hcsoins s'exprimcnt par des prindpes qui appa- rai:,scnt à la consdencc COInmc é\"idcnt ct néces- aire:5. Tcls Ie:, principes de Ia dépendance ùu fini à l'éöard de lïnlÌni. de l'ordrc n10ral de l'uni,ers, clu (Ic'.oir. de la rénlunération selon la justice, du I tri0l11phe néc :,aire dll hien. (II', un u btil philosophe du XYll1 e iècle. Dayid Burne, a nJunlré. à propos dll principe òc causalilé, comInenl lelle proposition qui paraìl 'inlposcr it. lïntclligeIlcc COl1l1l1C une yérlté absolue, pellt n'être, en réalité, fJuc la traductiun abslraitp etla projection intellectuelle de n10di fìcations intcrne:--: du sujet cOllscient. Lor qllc j'affìl'me une liaison causale en lre ..\ et B, ie crois appliq LIer un principe donné a priori. que j'appelle principe de au alité. 'Iais cc principe, si je \"iens à Ie fern1lllcr et à l"analyser. ::;oulè\"c des difficullés insolubles. En l'éatité. jc cède à line habitude, créée, dans mon imagination. par la perception répétée de Ia séqucnce 6\ ß. En vcrlu de celle habitude. chaquc fois qu'.A sc I présenle, je m 'allcnùs à yoir appan-lÎlre B. El c'cst celte hahitudc. l1ue mon cntenùcment cxprime, it sa manière, par Ie concept de causalité. Ii n'ya de réel, , dan ce que j'appel1e Ie principe de causalité, que 13 disposiLion psychique dont il cst la fllrmule. Déjà, d.une n1anière analogue. Spinoza, critif}uanllc senti- T}l du libre ariJilre, l'avail ramené å lïgnorancc où nous SQInn1CS des causes qui déternlinenl nos aclions, joinle à la conscience que nous ayons de ces actions él1e;;-Inr n C . t5 170 SCIENCE ET RElIGION En expliquant ainsi certaines idées, non plus pal des réalités distinctes de la pensée, mais par des phénoluènes enfermés òans la conscien e, ces philo- suphes inauguraient une vérilable révolution, la trans- forlnalion de ronlologic en psychologie. C'est suivant cette nléthode que de nombreux esprits cherchent, aujourd'hui même, à faire rentrer les choses religieuses dans Ie domaine des sciences I positives. Le problème. ainsi posé, consiste. en premier lieu, à observer et analyser les phénomènes religieux fournis par l"expérience, et, en seconù lieu, à chercher l'explic>ation de ces phénomèaes dans les lois géllé- rales des phénomènes psychiques. On ne peut aflìrlner que dès main tenant il existe des doctrines cOlnpli>tes que I'on puisse dire COffi- Illunes à tuns lcs spé ialisles, el qui aicnt définitive- Inent pri:-: place dan la science. Ces recherches encore nouvelles donnent lieu à de grandes diver- gences. _\ussi y a-t-il lieu de con idérer les nlé- t1;odes. les questions, les hypothèses proposées. plutùt que les résultats définitiven1enl acquis. * * * Le point de départ de ces rechprches est la consta- tation des faits, tels qu'ils se présentent à la cons- cience religieuse elle-mêole. Abstraction faile de toute idée préconçue. de toutc théorie, de tout sys- tème, on analyse les religions passées et présenles; et I'on dégage, tels qu'ils sont donnés, les élats psy- chiques, les praliques, les institutions qui les carac- Léri ent. On peut appeler subjective la conception des phénomènes religicux que 1'0n détermine en se pla- P YCI)OLOOIS JF ET OC)OLOCI : JE 17 i {'ant. ainsi au propre point ùe vue de la conscience reJjgjeu e. : Lc trait saillant tlu phénolnèue religicux en ce : sen , c'est que rhomme s'y considère com IHe éLant I en rapport avec un être supérieur et plu ou nloins 'nn'stérieux, dont il attend la satisfaction de ertai ns Idè ses désirs. Cette conviction initiale donne à tonLcs " es émotion , à toutes 8es expériences leur con leur et leu I' signification. . Chez cclui qui ne connait que la foi ct ignore Ie .;;entiInent n1ystiql1e, l'union aycc Dieu, est objeL de pensée. de rlésir et d'action, mais elle n'es1 pas dès maintenant réalisée, et elle ne peut se réaliser en ce I Blonde qU(\ très imparfaitement. Selon la ron eience I du my tiqnc, an contraire, run ion avec Dieu est natu- rellcIncnt innée à l'àlne humaine, et la tâche qui Sïfoll- po:,c it celle-cÏ c t d'en prendre conscience et d'y fon- der sa vie entière. Tandis que Ie si mple croyant va I de l'iùée et de l'acLion au scntinlent, pour tendre yers I ! l'union ayec Dieu, Ie mystique part dp ceU(' union mème. et la con idère comme détenninant, d'ahord I es entinlents, en uite ses idée et scs actions. L'union avec DiflU, clout Ie my:;;Lique jouit clès cctte ,-ie, se réalise d'une façon complète dans nn élal I spécial qn'on appelle ra.vis elllent ou extase. .AlaI's Il'àmc se sent expre:::; én1ent yi vre en Dieu et par Dictl. t\on qu'elle se croie anéantie. Selon la doctrine fir:;: grands Iny ti(llIe lle se sent être, au contraire, I dan:-: Loute la force du tern1e. Sa vie est d'autant plus inLcn e qu' eIle cst plus intimenlent unie à la ::;ource tle Loute vie. .\in i se préscnLcnt les phénomènes religieux quand on l(. ob::;cr\.c ùu point òe ,'ne de la con cience reli- gicu e cllc-nlême. II scrait an:, doute très difficilc, i - L, SCJE;\CE ET HELIGIO il pourrait même paraîLre inlpossiblc de disculcr la yaleur dc:-; a serliolls iln pliq ué dan ccs phénoln."nes, si 1'011 ne pouyail les considérer que òe ce point dp \"uc tout illtuitif. Comn1ent prouycr ã qui se ent liul"f qu'il ne c ellt pas librc? Comlnent contester à un hOInnle Ie òroit de dire qu'il se sent en cOlnmuniun a YCC Dieu ? Pour criLiquer Ie jugement spontané de lïntelli- gence, Hl1Ine on l'a vu, a eOllçu un mode d'obser- vatioll Ò u phénomènc psyehiq lll\ autre. que l'intuition subjecLiYc. Il obser\-c Ie phénomène du dehors, objcctiY nlent; et il se dcn1alldc si ce que rhomme croit êlrc cst, si l'objet flu'iI so représcnte COlllllle cause de SOil senti men t oxiste indéprndam Inent du sentin1ent que nous avons de son existence, un si eet objet lI"cst que la traduction et la projection ima- gÌllaliye du phénollll'ne psychique lui-nlême. C'est en éllldiant aiusi les phénon1ènr religieux. non plus seuIen1ent 3 u poi nl de vue subjecLif de la cOIl:,cicnce rcligieuse. mais du dehors et objerLivenlent, que Ic psycholl)gue pourra cspérer les òépouiller de lour5 apr r(\nCe5 surnatlll"cllcs elles ranger sous les lois dc Ia science. En ce ens. Ie psychologue yoit renselnble dC5 phénomèncs rcligieux se ralnener å trois catégories e sentÌcllcs : des croyances, des scnlilnenLs propre- Incnl dils. des rile!":. Les cloyances sent des représcnlalions d'objets. de réalité , conc:ucs COOlme extéricures it I'holnnlc. Vues uu dcbors elles apparaissent eOlnn1C 3yant un rapport élroit avec les idées.Ies connaissances les conditions inlellectuelIcs et Inorales de l'époque où elles sc pro- dui:,cnt, ainsi qu'avcc les opinions ou desirs proprer.; des indiyidus qui les profe ent. D'UT1C 111anière géné- rale, I'h0111111(1 fail ses dieux à SOil inlage, aillsi que PS\CIIOT Or.I 'IE 1:1' !'OCIOI.Or.I 'IE 173 )'avait observé Ie ,-ieux philo::;ophe grec Xénophane. Saintc-Thél't se cntelllile SeigllPur llli dicter ce ql1'elle doil ùire de sa part aux Pèrc:; Carmes déchaussés. Ol' Ic:; q lIalre recolllnlanuations très spéciales f} lie Dicn la 'charge de leur raire répundent trop exacLement aux préoccu palion de Sainte- Thérèse elle-même, pour qu'on Il'ait pas l'impression que Dieu n'est ici que l'écho de a propre conscience. L'élude du sentiment religieux, distingué des croyance5 donne lieu à une foule de problènles. Quels , sont les éléments de ce sentiment? On y démêle : la crainte, l' amour, Ie désir du bonheur, la tendance å I l'union avec Ic" aull'os hOInmes. Ces élémellts se mé- I langent d'ailleurs dans des proportions très divE!rses, t :5e colorent de mille teintes, selon les croyances auxqnelles il ont a..;:sociés. Lc puint culrrlinant de )a vie religieuse interne est l'exla e. ou senLilnellt d'une union inlmédiate avec bien. Yu du dehors, eet état consiste: 1 0 dans la concentration de l'attention sur une seule idée ou sur un groupe lin1Ïté d'idées; 2 0 dans Ie ravissement, c'e::;t- à-dire dans l'abolition ou la transforlnation de Ia personnalilé. En même temps, Ie systèlne nervenx est dans un état anormal, caractérisé par la suspen- sion plus ou Illoins complète de la sensibilité et du mouvcment. L'extase n'est d'ailleurs pas un' phéno- I nlène isolé. elle est Ie terme d 'une période d'exci La.. tion. qui alterne avec une période de dépre:-;sion. Lc seniinlent religieux intense est ainsi soumis à un rylhnle plus ou moins régulier. Dieu s'approche, puis s'éloigne; à des phases de ravissempnt succèùent úes phases de secheresse, et réciproquement. Et I'on observe que ces phénomènes coïncident avec des états d'e cilation el ùe dépression nerveuse. Les rites, qui sont Ie troisième éléJnent des reli- 15. 174 SCIEXCE ET nELrGIO gions, se présentent COlnme des phénomènes réa]i- sables par rhon1nle fit pos édant nne vertu dite surna- turelle, c'e::;t-å-ùire la propriété d'être, d'une manière inconnue et inconnaissable_ cause d'autres phéno- mènes, qui ne sont pas directement à la portée de l'homme. Chez les mystiques, Ie rite est, non un nloyen_ mais une conséquence. II a son point de départ dans un certain état de I'âme. Cel état, ressenti comme uneunion ayec la toute-puissance divine, epgendre et détermine, non seulement d'aulres phénomènes psychiques. leIs que la transformation des passions et du caraclère_ Inais encore des phénomènes physiques, des actions pratiques. D'une Inanière généralc, Ie rite religieux tradnit l'idée d'une relation de causalité entre Ie physique et Ie moral et entre Ie nloral el Ie physiquc,. relation dont Ie comnlent nous delneure impénétrable. Tel est Ie genre de résultats que I' on obtient en observant les phénomènes religieux au point de vue objectif. On peut, en se plaçant à ce même point de vue tenter de démrler I'évolution historique tlu sen- timent religieux 1 . 011 tronvcra, par exemple que Ie point de départ est Ia prédominance de la penr et de l'inlagination, d'où résulte la conception d'êtres divins surtout puis- sants et redoutables. Puis, peu à peu l'anlour et la joie se dé,'eloppent et acquièrent la prépondérance, en Inême temps que l'intclligcnce et la raison. rl glent les conceptions de I'inlagination. La divinité s'uoifie alors et, en mênle tenlps. devient aimabie et bonne : religion, métaphysique et morale se conlbinent en un tout riche et harmonieux. C'est l'apogée de l'é\"olution 1. Th. Hibot, La Psychologic des Sentiments. PSYCllOr 0(; 1:':\11' l'T SO( IOLOG I!' IE i73 rt\li if'use. Enfin, dans nne trni il'lne phase, l'élé- Blenl intellecLuel devient à son tour prépondé- Irant. I'équilibre se ronl pt. la relióion s'f'fi'ace peu à :pell dcvant la science, hHI nelle, préci:;éIuent, est faite Iponr JOllner satisfaction it l'intelligence. * * * ' A rnesure q n' elle:; s' étendent en largf'u I' et en profon- denr. il cst ,i ible que l"obser, alion et l'analyse !objectives de.;: taits religieux nous achenlÎnent 'ers I cetle explication psychologique immanente que yise .Ie psychologue positif. La question qui se pose ùevant Iui. c'est ùe sayoir si ,lc rait religienx òoiyent rtre expliqués. COll1 me Ie 'f'ut la cQnscience du croyant. par des interYention surnaturellf' et Inystérieu;::;es, ou si les lois générales de la nature humaine uffisent it. en rcndre C0l11pte. lOr. quclque phénomène 4ue I'on considère. quand une rois on l'a strictement réduit à son contenu objectif et donné. qnalld on a fait un départ préris I du fait que doit retenir la science et de !a manière dont ce rail e t représenté dans la conscience subjective du croyanL on trouye. elon Ie systèn1e ([ne rOIl peut apppler psycholo isme, que Ie phénol11ène ne . I contient l'ien qui ne soit explicable par les loi:; de Ila p ychologie ordinaire. Les sentiments' auxfJuel se réduit Ie entiment reli- I dcux. la peur. raUrait, l'égoïsme, la sociaùilité sont I de sentilnents nalurels de rhomnle. Le 111onoïdéisme et ((\ ra'iiS5Cnlcnt qui caractérisent l'extase. avcc Ie rytlllnc dont ils font partic, ne sont que r exagération dl' trails qui apparlicnnf'nt à la vie affective en géIlt-ral. C'e t Ie propre de la pa ion de conCf'utrcr ur un senl objet toutcs les énci'girs de rânlC. Et c'est 1'7G SCIEXCE ET RELlGIO la loi même de la vie affective que l'atternallcc de l'excilalion et de la dépression. Des phénomènes analogues ou mênle semblables aux n1anife taliollS mystiques s'oLbervent couralnment dans cerLaines atrections nerveuses. Les obsessions religieuses, Ie senlinlent d'une influence de Dieu, de la Sainle Yïerge au du diabl.e, Ie délire dll crupule, lïdée 1ìxe du ::.;acrilège, la manic du ren10rds et ùe rexpia- tion sont ùes concomitants naturels et des :;ymp- tôn1es fidèles d'élats hysLériques déterminés. Les phénolnènes inLellectuels ou i Inaginatifs : croyances, idées, yisions. révélations, b'expliquent de n1ên1e par de simples modifications psychiques dll sujet, sans qu'il soit nécessaire de supposer une réalité transccndante quelconque, dont ils seraient l'etIct et la représpnlalion. Les explications transcendanles ont leur source dans l'ignorance dll sujet, à laquelle s'eITorce de Sllp- pléer l'imagillation, guidée par la traùition et par l'!labilllde. Pour qui possède. ùn tempéran1ent, des I notions acquise , ùe l' expérience personnelle et de la condition du sujeL, une connaissance suffisante, les croyances de ce sujet, les révélations, les visions dont il a conscience ne présenlent plus rien qui soit I nouveau et miraculeux. C'est du seul fonds de sa mémoire qu'à son insu rhon1me tire taus les objels qui lui apparaissent comme surnaturels. Dieu, parlant å Sainte-Thérèse, lui dit ce qu'å son insu elle-même lui fait dire. Kos dé irs, nos craintes, nos préoccupa- lions, nos connaissances, nos ignorances, nos habi- tudes, nos affections, nos passions, nos besoins, no:; aspirations, sont la substance des êtres que nOllS fai- sons descendre 'd'en haul {:-our nous éclairer et DOUS yenir en aide. ous nous proje-lons hal's de nOllS. p!U5 forts plus grands, n1eillcurs. pour accroìtre IlO forces P YCIIOLOGIS'IE ET SOCIOI Or.I IE 1 T"i en nOlls uni.. ant à eel autre nous-mêlne. Dieu est ce Inni-objeL L'opéralion qui Ie erée est incon cientc. Lc nloi ne se reconnait donc pas dans sa création ; el s'il arri,"e qu'un élat anormal dn systèn1e ner\'eux (iétcrnline en lui un certain degré d'exa1talion, ceUe eréalion cra pour Ini objet. non sculement de croyancc, olais ù'hallucination, ùe vi jon ot d'appré- hcn5ion. comllle Ie dc\'icnllenL dans certaines condi- tions, les rtS idlls ùe nos perceptions. lll bcsoin, non plu , pour xplif}uer I'action mu- tuellt, ùu sentiment, de la croyance et des rites Ic nn sur lcs aulres, ùe faire appel à quelque interyen- tion surnaturelle. On peut a(lmetlre que, Ie sentinlent étant Ie eul plll non1l'ne fondamental, les idées nOen sont qu'une tradudion inlellecluelleo C'est une théorie aujourdÏllli forl répanduc que cellc qui réduit Ie ròIe de l"intel- ligence à transfol'lner en représentations les senti- I Inenls, iJnpensahles en eux-Inêlnes, dont nous ayons conscience. PenseI' unr chose, c'est I'expliquer, c'est- I it-dire Ia rapporter it nne cau:;e, à un nlodèle, it une fin, dont Ie concept préexiste en nou . otre intel- ligence, pour 'expliquer no entiments, cherche öinsi quelque principe cOllyenabIe, qui lui soit fami- lieI'. otre actiyilé étanl ce qui nous eslle plus fan1Ï- lieI', c'est une cause analogue à notre activité qu'elle suppose d'abord. Puis å mesure que no us connais- sons plus de chu es, elle puise curieusenlent dans ce tl"l;"OI" qu'est nolre Inðmoire, afin de nons présenter de objels et des causes au "i proportionnés que I,u::,siblc aux !--enlim()nts qui s'agittnt en nOllS. Si 1"on estinle 'Iue ce sont plutôl Ie" iùées qui, en nlatil'ro religi u e. déternlinent le sentilnenl . point Il'est besoin. conlme Ie croyait Pa cal, ù'une grflee ùiyjnc. pour faire ùescenùro dans Ie cæur une vérité 178 SCIEl'\CE ET ßELICION reconnue par l'intelligence. Lc spntimpnt hU111ain n' est pas éLranger à l'intelligcnce, il n'cst humain qu'en Lant que, mêlne sous ses fornles les plus hUlnble . il par- ticipe déjà de l'intelligence et de l'idée. L"elfort pour agir sur les sentinlcnts et sur la condnite de l"hon1me par les idées, par la raison, est ce qu'on nom me la phi- Io:;ophie. Le nl01 mênle de raison a. clans: :::;on accep- tion comn1une. une valeur à la fois théorique et pra- ti4ue. Or, qui youdrait affìrmer que tonte philo ophie. toute croyance :'1 r efficace de l'idéc, de la rai on. n' est qu'un préjugé d' école"! Nous expérimenton chaque jbur qu'une idée. une doctrine, un syslème Illodèle nos sentin1ents. nos affections, nos passions. "e t-il pas de l1otoriété historiqu , que la doctrine de Rous eau a changé la manière d'aiIner et de sentir d\lI grand Hombre d'hommcs? Nos sentilnents ne sont-ils pas liUéraires pour une forte part? Les exp( riences de su gestion montrent à quel point les id{,es peuvent être des forces. Et si ron voit dan" Ies rites Ie phénomène pre- mier, il est inutile pour en dériver les sentinlents et Ie:, croyances, de fairr appel à une vertu surnalurelle inhérente à ces praliques : il uffit dïnvoquer la natu- relle influence des actes sur les pcnsées, signalée avec tant de force par Pascal dans Ie mot fameux : Prenez de l'eau bénite. faites dire des mes es: (( naturelle- n1ent Inême, cela VOllS fera croire et vous abêtira. )) Enfin l'évolution réglée que manifeste à traVf1I'S les âges Ie phénon1ène rcligieux considéré dan l'en- semble òt' son dé, eloppcmcnt est, à elle seule, la preuve que 1'0n n'a pas affaire ici à la nlanife..;tation d'inf1uences surnaturclles. La rlécouyprte d'une loi générale d'évolution présidant à l'histoirc òe la nature a ðté l'éliminalion des dOètrines théologiques de la création et de la conservation de runiYer .. Gne 1 , PS\TllúIOGIS'1E I:T f'OCIOLOGIS'IE i 79 conclusion analogue s'inlpo e . en ce qui concerne la rt\ligion. i sun d.;ycloppcmcnt est tel que chaque m(llllcnt. nouveau se relie lléce::;saireUlcnt au précé- opul UiYallt une loi. El c'est précisément cr qui ré lI Itf> (Ill tableau de l' éyolution religiense que les p:-;ychologuc::; Ollt déjà réussi à e::;f}ui ::;er. En ré umé, rhypothè e véler. QueUe que soil la valeur de {'objection du my - tique, il e:-;l certain que lïdée d'une obser,.ation pure- lnent extérieure, en psychologi est loin d'être claire, surtout drpni qne les psycholo6rue ont subslitué comme donnéc première de la conscience, l'actiyilé psychique synthétique aux phénoP1ènes ou états de conscience, cxtérieurs les lIns aux autres, que se Jon- nait l'école a uciationniste. Par là même, l'appli- I PS\fIlOIOr.IS'IE FT SOCI()f ()r.I \lE 18:3 cation å la psycholog-ie du délcl'minismc scicnlifiqup, CIl yne dc laquelle l\'ail élé inwginép Ia I héorie a!o':-,ocia- lionlli lc, c l rcdevcnllc arlJitrairt., vagut l (\t inccrtainc. La ol'iologie échappe it C'(IS difHcullé::,. Elle con iùère Ip lail cfun biai:-; flui rcnd 'pn:, ible l'appli('alioll (funp n1t'lhod rigoureu:;;cmcnt ubjrclive ct déter- Inilli lr. En cITel, dans Ics phénomènes sociaux, rélt'lncnt yi ible ct nhjpclivcIJlcnt sai i:-,sahle n'cst plu5 un implp cùnLu nitant, un igne plus ou moin tìdèle ùe la réalité qu'il s'au-il d'atlcindre: il e t lui- 111('nU I cello f('alilé, On i ( Y e 1 lié d 'unr façon cxacte- l11f1nl a i!!"nable. Ce qn'on arrclle l'àme J'un individu (':..:t une réalilc', lIui dil1'èrc, quai qu'on fas.;;e, des phéIlCllnène qui la Tnani fe lent. [ais l'iun(1 d 'nne socit-té n'est qu'une Inétaphore, dont la. signification ne va pas au delà de I'cuscmLlc des fait sncial1 , Ip:..:qu('l :,onl ('xtérienrs et yi:..:ible:,. Ayant atfairr it drs rra1ilés qui ne fnnt qu'un aycc leurs manifesta- tions phénolnénale , la sociologie cOll1porte une ohjpd ivilé pré('i:-,c ct rigourcu e qui. de longtemps pcuf-êLre. ne pourl'a êLre alteinLe par la p ychologje. En nlêlne tenlp . il pst rIair quc Ie chalnp où clIe "'l' ment c' t bien pln étendu. Sans (Ioule. tous les caraclbre que fait paraìtre l'humanité dans la ,'ie sOt..:ial(\. tloivent se trou,'cr déjà, en acte ou en puis- ancr. chez le individus. '[ais cr qui, chez ccux-ci, n' e:,l peul-ètrc q u 'u ne pù:..: ibili té int!éterminée et indis- ccrnahle, e déploie dan les sociétés, agit, éyolue, et c manifc ll") par des phénomène considéraùles. La richr se incroyable (Ie Ja nature humaine. sa pui anrp Iner\"rillpuo.:c rl'adaptation, sa féconditt.' en lout l'n::; n' cst ,'i i bit" n' ("1'\i :-,Le eITectivemen t q uc dan:-- la ,-ie cxtéricnre cl collcctive. ..\ rohjet pré("i ({u'elle con:--itli'rc la sociologic doit de }ll'lIvoir, Dcaucoup m ieux (jue la ps cholo ie. 18-! SCIE'XCE Ef nELIGIO oumettre les fails hun1ainc;; au détenninislne scienti.. flque. Ce u'est pas en vain que les métaphy iciens avaiellt, pour pouyoir réduire les faib en l()i , ÏIna- giné. derrière ces faits, des entité qui les dominaient. Quelle garantie aVOIlR-nous que les faits so tiennent, rentrent le UllS dan Ies 3.utrcs, formcnt des sys- tèmc , i un principe conllnUIl H'en fait pas Ie fonù? L'ontologisIl1C no fut autre chose qu'une interprélation fictive de eettc réductibilité des phénoJnènes Ies uns aux autre!'. fluC postule la science. II expl'ÌIllait par un0 hiérarchie de concepts les monlcnts suppo és de la réJuclion. L'ontologismc ne aurait être écarté pUrelllCnt et ilnplelnent : il doit être remplacé par une nléthode qui réalise, au moyen de I'expérience, la systématisation qu'il construisait plus au nloins a ]71'i01'i. Or]e psychologisnle manque df' ce principe expérimental de cohésion et de y lélllatisation, qui est nécessaire pour assurer Ie détcrInini llle des phé- nomène:-,. L'ånlc, Ie moi, con cienl ou subcon!'cient, sont Jes notion... confuses qui no pcuyent guc>re fonder que la relation vague de substance à accident. Au contraire. tIne société donnée est un fait précis. et Ie dl-termini nle qui relie à cette société tous les faits dont elle se compose, comme au conditionné ses condi- tion::;, n'est pa ll10ins scientifique que celui qui relie entre eux les phénomènes d'un système donné dans Ie nlondp Jnatðriel, tel que Ie système solaire. Sciel1ce d'obseryation, la s0cioIogic est en mesure de dépassèr l'obseryation. Elle occupe, entre rhistoire, sur laquclle elle 'appuie, et rontologie, dont elle s'approprie la raison d'être, une situation intermédiaire, par ille en I cela à toute science complèLe, qui outre des fait:" lesqueIs. en eux-mêlnes, ne sont que òes lnatériaux, possède un principe propre à légitilner et à orienter i la systélnatisation de ces fails. r:-;YCIiOLOr.I:,"E ET SOfIOLOGIS IE lð:J C'cst ùone de la sociologic qu'il faut attt!ndre la parfaite ( xplicatioll ou ré olutioIJ scientiHque òes fait religicux, COlnn1e de tout fait hUlnain. * :;: 1t II suit de la définition même de la :,ociologie comme science qu'ellc He c donne pa comnlC objl't d'étuùe la religion, mais les phénomèncs reliS"ieux et non pas mème l'ensenlble confus de ces phénu- nl nf'S, Inai les ditTérentes classes de mallife:station:s dan le quelles on peut les répartir. Comine toute science, eUe ya des parlie:5 au tout, de l'analyse à la ynthèse. Encore à peine con;-;tituée, elle est plus bolide dans ses éludes de détail. ses monographies, e;:; recherches historif1ues, que dans ses théories et t"}::; yue:, d'en eInble. J.\yant cependant anal) sé aussi conlplètcment que po:,:;ible quelques-uns de::; éléments I.e plus caracl{>risliques des religions, tels que la notion de acré. de acrifice, de rile. de dogmc. de mylhe. la sociologic est, Jès main tenant, en mesure d'indiqucl' la direction dans laquelle il conyienl de ß1archer si l'on yeut obtenir des résultats scicntifi- quclnent valables. Et d'abord, par sos immenscs enquêtes, études historiques. exaIncns cOInparatif et analyses. la ::,ociologir pense ponvoir tlétcrminer ù'une manière sÙre l'c:,:,ence véritable des phènomènf's religieux. Cette e"PBce est ce qui se rctrouve dans tontes les manife tation:; religieu8cs ce que l'analy e y démèle cumnle rélénlent preinicr dont taus les autres tiennenl lellr cxi tf'nc() et lrur caractères. C)r il suit des travallX d'éminents sociologues que eel éléInenL premier n'est pa:"! ce qu'on appelle Ie 16. 1Rß SCIF'\CL Er TIEl IGIO sentinlent religieu , lcquel souyent, fait défaut, et, In Oll il existc, se présentc COllllIlC un enscIllhle très cOlnplexe et contingent de I'hènomène dérivés. Ce n'est pas non plus la croyance, considéréc dans son objet. i Dieu, ni Ie surnaturcl conçus comnle réalités lIb tanliclles ne sont des élénlcnts cssenticls de la religion, car ils sont souvent absents }à où Ie phéno- Inène religieux c-\.iste certainenlcnt. Ce qui se rclrouvt', inYariablcnlent dans toutes les Inanife talions religieuses, ce sont, et ce sont unique- nlent dcs doglnes et ùes rites: Jes doglnes c'e t-à- dire I' obligation sacrée de professer certaines croyancrs ùéternlÌnées; des rites, c'e t-à-dire un ensclnble de pratique:o;. pareilleIllent obligatoircs, se rapportant au\: objcts de ces croyances. L'cssentiel, ici, est cellc notion de sacré, attachée à certains objets, el enlraÎnant certaines prohibitions ou prescriptions. La cho e tenne pour sacrée est unc forc , qui agit inévitablcment dans un sens funeste ou alutaire, elon qu' eUe est violée ou respectée. De cette notion naisscnt lcs dogmes et les mythes, ou théories ct hi:,toires relatives :) la nature et aux pro- priétés des choses sacréé . Dc cetLe même notion suivent les rites, ou pratiques destinées à maìtriser les forces ennemies et à se concilier les forces bi nfaisantes. Ces dogmes et ces rites sont la cause des sentiments et de croyances q 1 1Ì se produisent dans les åmes. Le caractère sacré dp l'objet, avec l'autorité quïl impli- I que, est une raison de croire devant Jaquelle s'incline naturellement l'intelligence. Et l'ensemble d'émotions, de tendances, d'actes et d'idées que provoque la rela- tion avec la chose :,acrée développe et détern1Ïne ce sentiment intense et en apparence spéciaI, qu'on I appelle Ie bentilnent religieux. PS\CnOIO( I UE Ef SOrJOTOCI 'IE i87 En l'éalité. it n'y a pas de sentiment pécifiquemenl relig;cllx.non rlus que Ù(' croyance spécifiquenlPul reI;- gicusc. Senlilnent ct Croyancc ont, pn soi, idcnlique , ùan ta. yip religieuse ct dans la vic ordinaire. lIs sont I :-.enlcnlcnt autremcnt détcrminés. lis ont, dans Ia \ric religietl e. rcyðtus d'unc forme particulière : robli- I f!atillTl, uile du caractt"I.C bacré qui est attribué à l'objf't. Cclte idée pénètre de tontes parts la croyance pi Ip rntilnent du 1ìdèle. ]I a Ie dcvoir de croire ; el l'objel de a croyance est l'obligalion même de rcndre å la chosc sacréc Ie cultc qui lui e t dû. Son sen- lilnenl (' t Ulle coml>inaison dc la crainle ou de l'amonr a' ec lïdée de qucique Chû5C d'inviolable, et avec Ips I imprcssions que détermine dans l'ânle la pratifJue des rites ohli atoircs. C' est la piété, c' est Ie respect, c' e t I It.) scrupule. c'est l'adoration. ou la posse::,sion. ou Ic ravj sPlnent. En tous ces phénomène psychiques, ce I qu ïl a de religicllx, c' cst la forme eule. ct non Ia matièrc. enlilnenls et cro) ances religieuses sont des cro ances et des sentimcnts cOlnnluns nlodifiés du dehors par I'idée du :;acré ou de l'obligatoire. Sïl en est ainsi, on ,oit c1airClnent pourquoi la p yehologie ne saurait réu:,:,ir à trouver dans les Iois g{'nérales de la vie psychique l'explication, sans ré,idu, de tous les éléluenls de la religion. Soil. par exenlplc, Ie concept d'obligation, dont lïn1portance prépondérante ressort des analyses de Ia sociolorric. Selon Ie p ychologue. ce concept se ramène : 1 0 à une abstraction. par laquelle la ten- ùance naturellc et néccssai re de }' actiyité humaine '.er:, ccrtain objets c..,l con idérée dan sa forlne c;:eulf'. c'cst-à-tlire isolée, tant du sujet agissant que de I'objet poursuivi; ,:!o à nne élaboration de ceUp abs- trdf'tion. opérée par I"rntendClnent, au Inoycll de ps iS8 SC[E CE ET RELIGION catégories, en vue de Ia pratique. D'où il suit que l'ohligation n'est qu'une illusion. Iais Kant a très justement restitué Ie caractère spécial e1 l' origine su pra-psychologique de l' obligation morale. C'est là une réaliLé qui, inexplicable par la psychologie, u'cst pas, pour cela, illu oire. mais doit êlre rapportée à un ordre de choses upérieur à la con cience indivit1ucIle. Ce que Kant a dénlontré par I'analy:"e des concepts, la sociologie Ie prouve par l'cxpo ition dos fails. Kon seulement l'obligation est Ie phénonlène constant, londalnental. de toute reli- gion; mais partont, si ron considére les religions éta- Llies, et non Ic compron1is artificiels ou les itnagi- nation des philo ophcs ot de::, rêvcur . elle apparait conune éLrangère 011 même opposèe aux tendanccs I nalurclles de l'individu. II n'es1 pas de folie qui n'ait été érigéc en dpvoir par les religions; et les plus I nobles et aIutaircs d'cntre eUes fif) lai ellt pas de I soumetlre l'individu à des règlcs que de lui-mème. il ne se ùonnerait pas. de lui imposcr des actes qui, plus ou n1oin , violenlent sa nature. I Sans doutt', Ie phénomène rdigi{)ux se produit dans ràme de I'individu, mais ilIa dépasse, il ne peut I s'expliqucr par scs seules facultés. : Es1-ce it dire qu'il n'y ait qu'å accepter Ie système de transcendance qUf' profe sent Ies religions elles- IDêmes au suj et de leur origine? Ce sY8tèlne. à coup J sùr, est supéricur aux explications purement psycho- logiques, puisquïl rcspecte au moins Ie fait à expli- I quer, au lieu de l'écarter a }Jriol'i et arbitrairement. Et. pou r qui n'est pas initié aux recher hes de la I sociologie, ce système, en quclque Inanière, repré- sente provisoirement la vérité. II vaut Inieux. après tout, croire à queIque explication hypothétique on erronée d'une Ioi exjstante, que de uier Ia Ioi SOliS I I PSlf"IOLOGIS m ET SOCIOI OGI IE j D prélcxte qu'on ne réu:-: it pas à l'explif}uer. Qu'im- porte, pratif}uement, que je voie Jans Ie Jevoir un COlnmandclllcnt ùe Jéhovah, si, du filoins: je crois au devoir et i je Ie praLique? tai à l'explication de l'obligation par une cause transcendante, Ie sociologue, lui, et lui seuL n'est pa tenu; car, de cette cause transcendante, il peut fournir un équivalent naturel, raison à la fois néces- saire et :;uftìsante du phénomène. Cet équivalent, c' est l'action de Ia société sur ses membres. Une sociétë donnée impose naturellemenL à ses membres certaines obligations ou certaines défenses, dont l'observation est considérée comnle Ia condition de son e istence et de sa durée. Sans doute, cette sociélé n'est qu'une coll ction d'individlls. '[ais, ainsi reunis, ces individus se proposent des fins que, comlne individus, ils ignorent ou repoussent. Une volonté collectiye est sans rapport avec la somme aIgé.. brique des voIontés individuelles. Une société est une entité. nouvelle; l'expression: tlme sociale exprime mðtaphorifJurnlcnt une vérité positive. EL comme tout ce qui est véritablemenl une société donnée tend à persévérer dans son être. Ce n'est pas tout. L'activité collective une fois excitée, ne se Iimitera pas à l'objet parliculier auquel elle tend: elle 5' exercera Iibrement, sans but défini. seion I !a loi générale de l'activité, Iaquel1e, par elle-même, ponrsuit nOll eulenlent Ie nécessaire ou nl me l'utile, mai Ie pos ible. De là, pour les individus, nlainte aLligation dont l'objet pourra être malaisément sai- si ahle, ou mème qui n'aura d'autre objet que de favoriser, d'unr Inanièrc intlétermin{;e, lp jeu de I'activité sociale. L'observation montre que la religion n'est antre !f)0 SCIE,CE E1' RELIGIO, chose que :a sociélé elle-n1ême, imposant å es InClnbres les croyances et les actions que requiert f\on existence cl son dé\-eloppement. La religion est une fonrlion sociale. Le caraclère esscnlielle cnt social du fait religieux explique, non 1110ins clairement que la transcendance di,-ine ùes théologicIlS ou que l'univer::;alité de la rai on kantienne, l'élénlelÜ ([obligation inhérent à I tout phénon1ène religieux; car la société est, elIe aus i, extérieure et su périeure à l'individu. Iais la I I soriété est, en outre, une réalité observable et tan- giLle; et ainsi, c'est par un fait, et non par un concept ou un êlre d'irnagination, qne la sociologie explique Ie fait de l'obJigation. I Quant au senLÏll1ent et à la croY[lI Ce, ils sont, au j ro . int de vue sociologiquc, Ie retellti sement, dans la j conscience individnelle, de la cOlltrainte exercée par la société bur scs 111clnbres. Cetto contrainte, dont lïnùividu, conUDe teL ne peut saisir Ie principe, est' pOll I' 11li, très logiq ur 111ent, un objet.de foi, d' espé- i ranee ou d'amour, et Jétermine I'infinie variété del 8es émotions rcli dcuses. Chez celui-Ià mêU1e qui I se rend comptc deVrorigine sociale des phénolnènes: rrligieux, ees phénolnène , pour devenir purelncnt. naturrls. ne perùent rien ùe leur valeur; car il reste vrai, pour Ie sociologue con1111e pour Ie yulgaire. qUfI l'individu, par lui-1l1ême.. nc peut ni in1poser l a voJonté à la société, ni òrvinrr Ies fins et Ja marchc de ceUe société. A 111CSUl'C qu'il apprend. par fob:--ervation, à conjecturer Ie sens dans lcquel évoluc Ie groupe social dont il fait partie, il se fait, doeilcnlcnt et sans retour sur lui-Inèlne, lïnstru- mellt Je la conservation et de la prospérité de ce grau pe. PSYCHOI OGI )IE ET orlOJ üt;IS)IE 19J III CRITIQUE DU PSYCHOLOGISME ET DU SOCIOLOGISME. La portée du psychologbme et du sociolo!!ismr. l ccs systènlCs ont fOIHlé , est consiùérable. lls tralb- fonnent radicalement Ie proLlème des rapport5 de la ci(lnce et df' la religion. Au lieu de poser la religion en face de la science ot de chcrcher si cclle-ci est ayec celie-lit en accord on en dr accord. ce s'ystènle font rentrer la religion elle-Inênlc "lans la matière dcs sciences: ils substitucnt, à la religion. la science des reliöion:-:. La religion exi le. clle e t un fait donné. Pourquoi traiter ce fail autrement que les autre '! De quel droit Ie conlr"ter, et pour(!uoi Ie redouter .! La véritable attitude f'ienlifìqup ne consbte pas it supro cr a p1'iori que quelque fait est étrange. peut- Nre urnaturcl, et it rhercher les moycn de s'en rléharra:, er : elle con islp à ranalyser comme on fail des autre". et à l' enp-Iober dans Ie système général dc-- fail naturels. Il e t. 111ênle à remarquer que, dans Ie domaine rrligicux, cctte opéraLion i elle réussit, aboulira. tôt ou tartI, à I'abolition du fait lui-lllPme. tandis que la critique dogmatiquc des Teli ions s'évertue en vain depuis des siècles pour obtenir ce résuItat. En eITet, daB-- Ie fait religieux est inlpliquée l'idée d'objets de forcrs, de sentiment . d'ét tts, qui ne se peuyent ramener aux phénomène ordinaires, qui ne e peuyrnl expliqllcr lliYallt Ie:' prot:édé de la rienc('. C' e')l en tant qu'ils ignorent ou rejcttent I' ex plicaLi- lité scicntifiquc des élén1ent ùe la religion, que le homlue..; ont religiellx; ct la religion u'a pu exi t('r 192 SCIE}\jCE ET RELIGIO:'J que parce que In science des cause naturelles du phé- nomène religieux n'existait pas. A la difTérence donc des autres sciences, qui laisscnt subsister les cho es f}u'clles cxpliquent, celle-ci a ceUe propriélé relnar- quable, de dl truire son objet en en rendant compte, ùe se sulJ'.,tituer aux faits, à mesure qu'ello les analyse. I Etablie dans le intelligences ot ùans les âmes, la c:;cience dl}:; religions ne traitcra plus que du pa sé. Est-il cm'Lain toutefois que la psychologie ou la sociologic fournissent à la science des religions to utes les données qui lui seraient néce saires pour se con ti- tuer CUlnlne science propremenl dite ? * * * II ilnporte de distinguer entrt'. ia forn1e scienlifique et la science. La scolasLique possédait. Je la science. la fornle, non Ie cùntenu. Les sciences morales, si on les réduisait à des statistiques et à des calculs, auraienl, d'une science mathématique, l'al'parence, nun la yaleur réelle. Pour qu'une science exisle yéri- tablen1elll, il faut que la forme scientifique y soit appli. quée à un contenu qui, puisé dans la réalité, se prête, sans altération, à recevoir ceUe fOrIne. Est-ce Ie cas des systèmes que nous avons considérés? La théorie de la science réelle a été faite par Descartes en des termes qui, d'une Inanière gèné- rale, conviennent encore à la science actuelle. La science est une r duction de l'inconnu au connu, de l'inexpliqué à I'expliqué, de robscur à I'évident. La pren1ière délnarche de Ia science, c'est de Jéter- miner, en quelque manière, I'évident ou l'intelligible. Or, on obtient Ie type de l'évidence en distinguant, dans nos représentaLions, deux élélnents, et COlnme I deux pôles: Ie sujet et l'objet. Du còlé du sujel, rien PSIUIOI OGI :\lE 1'1' SOCIOLOGIS11E lU3 (rautJ.c ClUl' l'acti, ité intellecLuellc, laquclle construil la bcirnce, nlais buppose donné Ie type de l'inLelli- gihilité scicntiHqlle, loin de Ie fournir. C'esl du cûlr de l'objet. dépouillé de lout élémcnt subjectif, que se troll \'C la connaissance prClnière, à laq uelle toutc lcs antrcs devrullt êtrc assiIuilées uu reliéc , i I'on \"('ut qu'ellùs devienncnt rigoureusement scientifique:;. Cette connais ance cst ceHe de l'étellùue ou de la mesure avec toutes les manières ù'èlre qui s'y ratta- chent, c'esl-à-dire des objets mathéIuatiques en géné- ral. Là Ee trouve Ie premier connn, auq uel il appar- tient å la science dt' ramener ou de raU lcher tou Ie reste, s'il e t po ible. La tåche de la cicnce s 'énonce cncore de ceUe mani re: détern1Ïl1cr les fails et les lois. Pour êtrr comprise, cette formule doit être rappl'ochée de la préct'dcllte. Ce ne sont pas dc fails Hi des lois f}uel- conqne... 'lue cherche la :,cience, ce sont de faits et des lois scientifiques, c'est-Ù-ùire précis. Inesurables. objectifs, réelIeIl1ent intelligibles, en d'autre lerme5. mathémati'lues, ou réùucLibles, soit directemenL boiL indirecLen1ent el de proche. en proche, aux faiLs malhémaliques. La p ychologie etla sociologie religieuses sont-el1es cn me..,ure ù'exhiber de tels faits et de telles lois? La méthodr psychologique qui e t ici en cal1 e est ('clle qu'a délerruinée David Hurne, dans sa faIneusc rédudiun du principe de causalité à une habitudf' de lïmaginalioll. Or, ceLLe Inéthode con:-;iste à tenir l'nhjet pour inintelligible, tant qu'on Ie consiùère en lui-même, abstraction faite du sujet qui se Ie repré::;ente.ll ne devient intelligible que ramené å une illusion du slIjet, lequel, incon;;;ciemInent. projeLte hors de lui ce qui c passe en lui. Peu inl(lûrle que 17 1D.í SCIE:\CE ET nELIGI0 ("objet soit clairement aperçu. Cette clarté qui, tl'ail- leu rs. n' est qu'app::tren tf'. résu He d'une trans forma- tion artificielle que l'esprit fait subir à ses moùifica- tions internes pour pouvoir le considérer du dehors, ce qui est Ia condition d'une connais ance claire. En somnle, IIUl11e change Ie en8 du mot cxpliquer. Il ne s'agit pius ici de ramener I'obscur au clair, rne est la pre(Gl re à déclarer qu'un Dieu transcenùant, en ce sens, est un CO!lt pt facLice et purement imaginatif. C'cst précisénlent à propos de Dieu que lcs mots de transcendance, extériorilé, objectivité veulent être pris pour de sim- ples Inétaphores. Le progrès de la religion a con:-:i té à tran porler Ie divin du dehors au dedans des cllu es, tIu ciel danb l'åme humaine. << Le royaume de lJicu est au tledans de VOllS )). dil fÉ\-angile. De même Sén qlle : (( ..tYOh 'llllt ad c {'lum e!cva1Jdæ manlls...: pI:ope est a te Deus, teclon est, intus esti )). En d'autres termes, lJien cst conçu, non COlnme extérieur au phénolnène rr isiellx, conlme Ie produisant ou y réponJant du dehur , toutcs représentations qui feraient de lui un être curpure! seluLIablc aux aulrcs, mais \)n1me in- tðrienr à ce phénolnène, ct comma se J stiDguant de rêtre lllunain d'une rllanière unique, sans analogue dans Ia nature, en tout cas ans rap )ort à la di:-:tinc- Lion Epatiale que l'imagination filet :30:.13 le Blot de transcenùance. C'est ce que ron ent nd par la spiri- tualité, dont les religions 8up rièurc5 fùilt Ie carac- tère du <.liyin. Beste à savoir ce qu'est en lui-même le phénoluène religicux. Scion Ie psychùfogismë, riea ne s'y trouye qUI ie disLingue elIecti "èluent des phénomènes ordi- llaires. Lcs lûis COlnn1 unes de la psychvlot;ie suffisent à en rendre conlvte. L'expériInentaLIO!1 IJsycho-phy- -in!o;iqt:,,, peut su::;citer Ies phénornèncs religieox, I1otaniG-.tI t chez cerLains ujeLs névrosés.. COllllne elle I'ru\.oque le autre,; rnanifcstatioES p ychiqucs. XOInDreu et important:; sùnt Ies travaux conçus Jans cc 0ns: il Ih.' semble pas. cependant, que. ser Ie puillt pr0ci::; qui cst it:i en q uc:stion, ib réus=,i êD.t 1 LC\"f'r le mains au ciel est inutile: Dieu est près de túi, it e,.,t a Vt:C toi, il cst cn toi. PS\CnOLOGIS'lE ET OrIOI.OGISUE 10,) à faire la lumi rc. Ce n'cst pas seulelncnt que la. d(;lenninalioll lte fait et de lois, en ce Inati re . comportt dif1ìcilement la préci ion et la rig-ueur. On c dcnlande si la Iuélho(te :"ui\ ie est hien de Ilalure it pénétrer l'(ìS CIlCC eL la caractérisLiquc du phénn- mène rei igieux. CeUe nll;thodc c t ou veut {}lre objectiyc eHe visp à l'Lre Ie plu objective po:-; ible, a1in de parvcnir à déS résuItats vrainlcnt scientitìqucs. Qu'est-ce it dire, inoll qu.elle n'envi agera le fails que dans ceu dt> leurs èlélnents qui c ranlènent à ùes fait géllé- raux.? Objectif bignitìe rcpré entable ; et, pour I' c:,pri 1 hUluaiu. c rcprésenter une cho e. c'est la faire ren- lrer ùans un caùrc qui lui f'st falnilier. C'est pourquoi la psychologic objectivc considércra exclusivelnent Ic matériaux, Ies Inaniff\:,tations, Ie terrain ou les circonstances physiologiqnc , en un mot. lous le dehors du phénomène religieux. Ce sont. en eifet, ces i'lémf'nts qui lui sont C0I1ll11UnS avec d'aulres phéno- mèuts. Mais, par lit même, elIe se condamnera à lais er échappcr ce que Ie phénolllène religieux pour- rait conlellir de spécial. El il est cerlain que Ie croyanl ne saurait recon- naìtrp ce qu'il éprouvc, ce qui. pour Iui, cOIl titue la religion, dans les descriptions du phénunlène reli- gieux faites å ce point de vue. Il répondra au sa, ant qui e flatle d'ayoir, par 8es observations objectives, saisi les élémenls de la vie religieuse. ce que, dans Ie Faust de Gæthe, l'Espl"it de la Terre répond à Faust: /J1l gl,)ichst dem f;eist, den du beql'ei{st, .I.' icht mil' t . La rrligiolL c'e t, it vrai dire, ce contenu foncièrc- 1. T:l l'... regal dp re prit flue tu comprenùs, non Ie mien 200 SCIEKCE E r J\ELIGIO menl intérieur. subj clif, de la conscience, que Ia psy- chologie cientifique écart pour ne considérer que l s phénolnèncs objcctifs concomitants. Sa caractéristique cst de don1Ìner iníininlcnt lous ccs phénorn0ne::, El'fitll' davoll dein lIe?':, so 91'OSS es ist, Und wel1n du gan: in dent r;efÜhle selig hist, íVenn'es dann wie du lcillst, JVeun's G lÜck! lIe]":.! Liebe! Gott ! lch habe kpinell lYamen Da(Ül'! (ie(Ühl ist alies; lVarne ist Schall und /lauch, (Tmnebelnd lJirnmelsgIIII t. N'y aurait-il pa là, toutefois, une illu ion, et ne se pourrait-il pas que cel élément subjectif se lais àt tradnire par un phénonlène objecLif, comnlC la rIl:-;ation de chalf'ur s'exprime par la hauteur d'une colonne d'alcool'! En ce qui concerne les conditions psycho-physiolo- giqne du phénoInène rcligieux, il est reIuarquable que nOlubre de ocioloöues sont d'accord avcc Ie cro ant pour nier qu'ellc!o' pui:-; ent rendre un compte xact du contenu de la conscience religieuse. Les ex- plications qu'elles fournissent laissent un résiùu. on ({uC' ron pni r signal r un phénomène, indépcnJant et i:-;olable, qui re terait au fond de la con cÍence reli- gieuse. comme une 3ubstance réfractaire au fond d'un creuset. lais la conscience religieuse a une cerlaine teÍnte. un caractère, une fOrIne spéciale, que néglige 1. Gæthe, FrlUsl: Emplis de lÏnvisible ton cæur, si grand soit-il. Et quand il débordera de félicité, dis alors lcs mots que tu YOU- dras: Bonheur, Cæur, Amour! Dieu! Je n 'ai pas dc nom à te proposel'. Le sentiment cst tout: lc nom n'est que bruit et fumée, un brouillal'd qui nous cache la splendeUl' des cieux. PS\CIHH Or.I 'IE ET OCIOI.OGI 1IE 201 Ie psychologi me. ou qu'il DC consi(lèrf\ que pour la I traiter d'illu ion et la nier. Ellc renfermp lïdét' de sacré. d'obligat()ire, de chose ,'oulue par un être plus grand que IÏndividu. dont celui-ci ùépend. C'esl lit. it \-rai dire. l'élénH'nt religicux, lequel, comme du (]('l1ors marque les phénolnrnes concon1Ïlants lrUIl' caractère que, par eux-mênles, ccux-ci n'aCí]lIPITe- raient pa . Si l'exaltation. si la mélancolir reyètent, chez tcl ujets, la forme religieuse, ce n'est pas fIU'il y ait une nltQancolie, unc f'xaltation religieu:se : c'pst qn'il existc, par Ie monde. des idées reliöieuses, donl Ie ujet a été informé, et qui se sont inlpri- luécs dans on imagination. Chez un non1hre con idérable de personnes, la reli- gion n'est l{llÏmitée, eUe n'esl pas intérieure å leurs scntinlcllt ct it ICllr croyancrs. Ces per5onne ren - tent Ie milieu dans lequel elles "Ívcnt, le int1uences qu'elles :subis ent. Placées dans ù'alltres conditions, ellcs pourraient avoir des scnLilnents, des ras ion p:-;ychologiquemenl sen1blable . la même n1anière de croire. d' ailllcl" de YOltloir. sans que ces phéllO- mi'ne cussellt un caractère religielIx. La religion, dans les åmes en qui clle réside \"éritablelnenl. e l. peut-on dire, une valeur ingulière, infinie, atlriouée, non par l'ilnagiuation, Inais par la con cience propl'c- melll dite, à certaines idées. à certains eDtimenl5. à cerlaillc::; action;:" en ,'ue de fins qui dépassent rhuma- nité. Celtr COrIne <-Ip la con cience déborde tous les spnooles objectifs psycho-physiologiques. L'indh-idu 4"]ont l'horizon intérieur sCI'ait limité it ccs sym 1)01es nc pourrait considérer lïdét' religieuse que conlme unc chill1l'rc et un néant. Peut-t.trc, toutcfoi , y aurail-il. au point de ,ne (,sychologique llli-n1ême. une nlünil're d'aLlribuer unc valeur récllc à l'iJéc religieusc: ce serail ùe 202 SCIE CE ET REL1GI0:'i considt;rcr la conscience comme une communication. con ciente par une e tréIllÌlé, confuse et quasi inconsciente par ['autre, òe ],individu avec la yie et l'êlre u niverscls. Le sentimcnt religieux serait alors lïnstiuct et COlnme la. perception :;ourùe de Ia dépen- di! nee de la parLie à l' éc;arù du lout. Iais il cst bir qu'une telle ùoctrine, non seulc- ment dépasserait toute psychologie objective, mais crailla réhabiiilation ct la glorifkation de la psycho- IO !'Ìe "ubjective, a ìaquelle serait concédé Ie pouvoir de sonder. par delà la partie objectivable de rãme, Ies prorondeurs de l'êlre infini. La psychologie objecliyc ne peut voir, dans l'obli- gation religieuse, et dans Ie cortège d'idées qui l'ac- conlpagnt), autre chù r que des ilLu:::,ion . :\lais ses argunlcnls ne sont p3.S convainc,-lnt:-;, et iout ce qu'il.s (:tablisscnt, c'est que. pour l'ilh.iividu, la croyance it. l'obligation. au devoir. au sa ré, est une fúi, une adhésiun contingente ct dé intéress e. Cne foi. ccpen- dant. pour être approuvée de la raison, veut être fondée ;:,ur des mùtifs intelli,zibJes. Où peuyent se trouyer Ie;,; Inotif de la foi tU devoir? La sociolooie se croit en rnesure de les fournir. L'activÌté socialc. qui est une réalité donnée, a òes conditions ù'existence et ùe fonctionnenlent. II y a lit, femarque Ie ociolc)glle, ùes néce ilés qui ont lrur . siège hors de rindiyiùu el qui s'imposent à lui. Le sentiment de l'obligation n'cst autre chose que la eons- cicnce que preud l'inùividu de ces néce jtés supé- rieure:,. ScIon cettt- conception, l'inùiviùu est rðgi, conlraint. oressé par la religiùn comme par une puis- ance enlièremcnt è)Ltérieure. L'honlIne ocial et reli- I öieux c t. à I)égard de l'honuue naturpL COllune uue surnaturè qu vient refouler sa nature pren1Íère. PS1 CHOI or. I 'IE FT SOCIOLOG IS'IE 20:; Est-il .iu te, cependant, df} reU'guer ain i an sccf)nd. plan. de tcnir, en définilive. pour négligcablc I' élélnent u bjectif ct individuel de la religion? Sans dou le, Ie mysticisme, la vie intérieure dn croyant n'oITre pas it l'ob:--ervalion :xternc du ociologue "Ine matière ap- propriée, comme Ie::; institutions politique ou ecclé- siastique . S'ensuit-il ql1'ils :5oient san importance? Peut-ètre, si l'on considère les manifestations reli- gicuses les plus rudiln('ntaire . y trouvera-t-on forl peu aillant ct important eet plément intéricur. Iais sufHt-il, pour aYoir ce qa'est la religion, cI'en rechercher Ie point de départ historique, et d'y relier tant bien que mal, par nne continuité de fail, les phénomène:-: po::::térieurs? Comment, en ces mati8res, conclure, de la continuité historique,.å l'identilé logiqllc? Tel élément de la religion, qui était d'abord ill1perccplible. a pu Jevenir considérable, essentiel. Gne conscience qui se cherche finit par se reconnaitre dan des idécs et des sentin1ents al1xqueb d'abord elle ne prêtait qu'une attention di traile. Un eITet peut se détacher de sa cause matérielle, et se dé, elopper pour lui-nlrme. Ur, c'e t un fait d'expérience que la religion, queUe qu'ait été sa forme prilnitive, est, chez les nations civili:-;ées, devennc de plus en plus personnelle et intérieure. Déjà les Grecs, avec leur prorond sentiment de la valeur et de la puissance de l'homme, avaient transportr dans la con cience hl1maine les combats nloraux et religicux qui, selon les vieilles légendes, e livraient hors de l'homlne, et décidaient, sans lui, de sa dcstinée. Les prophètes d'}sraël et l'enseignement du Chri t ont à cc point mis en relief la préponrlérance de Ia dispo ition intérieure. que les âmes religieuse ten- llèut de piu::; en pIu::; à cl'uire que, Ià où ce::; ùis{Jo i- 20-i SCIE;\CE ET RELlGIO tions font d( fauL il n'y a point de religion du tout. La tÙche difficile, aujourJ'hui, pour les autorités rcligieu e , est de mainh'nir la troyance à I'ut ilité des parties cxtérieures de la religion, chez de e prib pour qui la religion est, avant tout, une atfaire de conscience. Loin ù 'iIB pI iqu r I' efTacellH'Ilt de rindi,-ill u. la r li- gion. telle flu'en général elIe s'otTrr à 1l0U aujollI'lI'hui, en e:--t l'exaltation, du moins si l'on considère rette fornle 5upérieure de lïndividualité qui, proprenlent, 'appcllc la personnalitl . L'individu, en ::;'uni sant à I' objet de son culte, sou ree de ton t être, (.roi t devenir yrailnenl lui-même. Telles, dans la Trinitð chré- tienne, les trois hypostases sont de;:, per onncs véri- tables cL di:-:Linctes, par crla InênlC qu'étant unies intéricurCInent eUes ne forn1cnt qu'un eul Dieu. C't"\st ce rapport spécial ct com IIIC surnaturel que òéjà òési.. gnait radage antique: n "'" , r l ", " "" r' w; OE p.Ol E'V 'Lt 'LCX "'7X.'V"'C' E':i7tXt X t ZWptç EX:l'j''t'OV; (( COlnment toutcs chases pourront-elles, à la foi , former un tout qui soit un. et cxisLer chacune ::,épa- rémenl? )) La religion con iste à croire qu'il y a un être, Dieu, qui réali.,c ce miracle dalJ les êtres qui ,'ivent en lui. l\lab, dira-l-on, rien n'cmpêche que ce développe- mcnt lllênle d'UD individualisme supérieur, spontané- ment orienté ver:5 Ie bien généraL n'ait on origine, en dernière analyse.. dans les nécessités et dans l'activité socialcs? Que si la personnalité est, par la conscience, prise, non pour un moyen. Inais pour une fin. c'e l là p.n cas, entre tant d'autres. de ceUe lran::,formation des moyens en fins qu'opère naturel- lement la conscience humaine. Rien de plus certain que la yaleur et lïnflucnce rSYCfIOLOGIS'IE ET SOCIOLO(;IS'IE 20::> reli!!ien...ps attribuées ainsi par la sociologic au lien o('ial. Et il est relnarquable (lu'clle se I"pncontre, à tt'll'garJ. a,.ee les iùées chrétiennes elle -Inênle . On lit. en etl"cl, dan la première épitre de saint Jean: (( PerSOllnè n'a jamai Yll Dieu. Si nous nous ailHolls les UItS les antr(> . Dietl demeure en nou et ::ion muou!' cst cntièrClnent réalisé en nous )). Toute la qlle tioll est dp savoir (Ie quelle snciété ron parle, lorsque I'on cÅpliqur par l'intluence sociale la protlnc- tion, chez l"homlne, dcs idécs et ;:,enliments religicux. Parle-t-on f!'une sociétf quelconqne, pri e dans sa réalité actuelle et oLsen'able? Suffit-il qu'une société t'xiste pour que :--es condition:, d'existence, de conser- yation et de dévelnpPclllent se tradui5ent, dan la con cience de ses membres, par des obligations Ino- rale ct rclig-icuses? On pent fort bien concevoir que, dan leur igno- rallce et leur parc:--se, Ie.... hommes se lais:-:ent imposer comlne obligatoires catégoriquclnent ùes néces5ités qui, en réaliLé. ne ont t!u'hypolhétitlues ou problé- matiques. :\Iais il é4 clair que. Ie jour Oll, in:;:truits par le sociologuc .. ils b'apercevront de la mystifi- cation dont ib sont l"objet, iis cesserout d'ayoir pour les inc;;titutions ucialcs. Ie respect uperstitieux dont il:-ò étaient pénélrés. II:; pourront continuer à. Ies appréeier conllne relatiyenlent stables et utiIe .: ils ne les liendront plus pour acrécs. Souvcnt Int'HIe lïdée que les in titution;:; poliLirlues déri\"cnt ulliqllement de COIHliLiÙll ù'exi lence dè la :O:uèÏété Jonnée détern1Ìnc chez 1('.... hommes l'f'nvie de lcs nlodifìer, plus encore que Ie ùésir de les nlain- lenir. Car cc condilioll elll 1 :-,-nll\lnes ne ont pas imnHlable . Elles ont changé, donc elles peuvent ('hanger encorc. Or, l'holumc c t ain..i fait lIne, pour lui, croirc à la pOb ibilité (rUn changcment. C'(lst déjà IS 206 !CIE CE F.T RELIGIO presque Ie désirer. Chosp. rClnarquahIe : C'{1 t notam- ment l'esprit religieux qui di pose I'indiyidn à jU3cr de haul les institutions, å les tenir pour purement accidcntelles ou hUlnaines. à se révoHer contre elles. Les grandes c(Hl ciences religiellscs e sont posées. en fé:lce de la société, comme repré ntant, å elles senles, Ie droit et la vérité, parcc que derrière eIies il y avail Dicu, tandis que, derrière les sociélés don- nées, iJ n'y a que l"homme, la nature et les circons- tances. Loin que la conscience religieu-,e consente à s'identifier avec Ia conscience sociale, elle incline rhomme å opposer les droits de Dieu à ceux d César. la dignilé de la personne à Ia contrainte publique. Com menl la société réelle pourrait-ellc prétendre suffire å la conscience du croyanl? OITre-t-elle done, actuellement réalisés, Ia ju tice, l'amour.. Ia bonté, la science, Ie bonheur, teb que, pour la foi, ils sont réalisés en Dieu? ÉYidemment, ce n "est pas de la société réelle et donnée que ron parle, lorsque l' on explique par la senle action de la société les parties religieuse de l'âme humaine; c'esl df' la société idéaIe, c'est de la société, en tant qu'elle poursuit cette justice" ce bonheur, ceHc vérité. cette harmonie supérieure, dont la religion e t l'expression. C'est en tant que les socié tés réelIes participent déjà, en queIque mesure, de celte société invisiòle et tendent à s'y adapter.. qu)elles inspirent Ie respect, qu 'elles justifient les obligations dont eUes chan 'ent les individus. '-' La société idéale, a, certes, un rapport étroit avec les aspirations reli ieuses de l'hom me. La conscience religieuse se consid re elle-nlênle comme un instru- ment, dont Ie rõlp est de trasailler à sa rél;tlisation. Iais la société idéale nOest plus quelque chose de PSICl OI OCI 'IE ET SOCHH ()r.IS 1E 207 défini et de donné qui pui:, e être a similé à un fait rhysiqup: cxpli(lUer la rdigioll par Ie:; exigences de cctte ociété, ce n'est plus la résouure en phénun1ènes polil;ques ou collcctif empiriquclIH_nt observaoles. La société idéale cst con "ue, rêyée par des ìndividJs, p r le:-i plus hautes cOllscieucc n10rales et reJigieuscs d'une nation. Elle tend à doter l'inui\-iùu, que :;acrifie Ia nature, de on nUlxinlllm Je développenlcllt ct de valeur. en I1îêlne tcmp qu'à fonner, de l'unioll ùes individuc::. un tout plu::; un, plus harn10nicux, plus beau que les aS èlnblages créés par le:-; forces nlécaniqnes 011 par l'in tinct et la tradition purs et bin1plc::;. Elle tenù à pou cr au plus haut def!ré que cOInporte la nature hunlaine Ie culte de ce cho e:; de I'esprit qui pcut-êlrc ne servcnt it ricn : justice. vérjté, beauté. Dc ce:, objeLs de la pensée qui n 'ont pas de place dans la pure Ilalure on qui la ßên..:ut, elle fait l'utilitÖ uprêlne. 1 n un mot. elh suppu;:;c l:.t reli.;iu3, elle s'iu=,pire de la religion. Lien loin qu'ede la fabrique. COlnlue une machine donl la de tillatioll serait d plier l'individu à de:-: fìll qui lui r('iiH nent. A r()ri i!1e de tout progrès social se trouve une idLc uIgie ùes profondeur òe l'àmo hnnlaine et eIn- l:ra éc comnle vraie, bonne, réall:-:abIe, alors qu'dle fC 1 ré cnte une chose' nouvelle, une chimère pcut- i.re, ct non uno c1105e d(.jà éprou rée ct reconnue viaLle. Cette iùée cst pri e pour objet, parco que l'homme y yoil 011 croit y voir une expres ion JP, lïJé l. .\ rorip-ine ùe tout r rO 1 ès social se trouvcnt la foi, r(' pérancc ct l'amour. La con cicnce et la ociété hunlaines fJurni:3sent à la ciencp 12s principes Ic=:; plus féconds qu'elle pui':se trouver poo I' e q,liqht ' les religions. parce qUè c 'est dan" Cf\5 deux !'phère qUi; se manife ic Ie plu:, ùin c- tChtl'ut Ie principe rcligicux. SECO DE PARTIE LA TENDANCE SPIRITUALISTE CIIAPITnE I Ritschl et Ie dualisme radical. ,\écc,sité reconnue, pour la religion, de comptcl' avec la science. L LF. HnsclIl.I.\ \lS fE. - Hitschl : Ie scntiment religieux et. rhistoire ,'cligil'llSl'. - \\ ilh"lm IIcrmanu: cli tinction du fondement et du contcnu de la foi. - _\.ug. Sabatier: distinction de la foi et de ia cl'Oyance. H. rAI.HR ()J.j RIT CHI.I \XIS IE. - Lc dé,'cloppemcnt de rl'lément spécitiqnement rcligicu .- L'écucil de ranti-intellcctualisme: un subjcctirisme sans contenu. - Poursllitc chimérique d'Ull monde intérieur sans I'apport arcc Ie monde cxtérieur. En face des systènlCs où do mine ridée de science et où la religion n'est admi:-:e que dans la mesure et dan..... Ie ens oÌl elle peut se relier à la hcience, I'his- toire philosophique de notre tplnps nous otTre d'autres sr4èrnes, oÌ1 prévaut, au contraire, l'i(lée de religion, c1 pour qui Ie proLlème consiste à maintenir Ie plus po siblc Ja religion (laIlS son ihlégrilé. en face d'l1n dl Y(\loppCnlcnl de la :,cience quïl c t désûrmais impo silJlc d'jgnorer. elon ces systèmes. la religion 18. 2tO SCIE:\CE ET RELIC IO:'J se pose par elle-n1ên1e, appuyée sur les principes QU1 lui Ollt propres. Or, élanL dJI111é la preh.'ut;oll de h\ cicncc .rnoùrrne it l'en1pire. non seulunCLit sur le choses, mai:-; ur lcs esprits et les Ùlnes, la rdigioH nc peul plus ::;e contenler de dress i' entr elie ct sa riyale une cloison qui les isole l'une de l'autre. Le iècle oÌl nous yi yons est celui de l' exanlen et de la confront ltion unÌ,-ersels. C'est Janc en cherchant à e'oncilier ses droils avec ccux de la scienc exaclelnent ùéterIniné!': au besoin en s'adaptaut, sans ùltérer son principe, aux exigences de la sciencè reconnues légitin1es, que la religion Inanifcstera sa vita!ité et ù. puissance de développeluent. A s'enfenner dan Sè.:5 fonnnle!':. dans sa ccrlill:ùe et dans ses dl\) ls ::;ans prend.re garde aux attaques du ièclè, elle pourrait se faire illusion pendant un ternps, nlais elle se coud lln- Derait, n1al o ré qu'elle en eÙt, à l'éliolelnent qui est Ie súrl des plalltes privécs J'air. Ces préoccupaliol1;-'; soul déjà sensibles dans un sy tème dont Ies oriöinc hi torjqu s renlonLeul à Kant et it Schleiennacher, nlais qui, par l'iniìuence considéraLle qu'il a cue it la fin du siècle dernier et dont il jouit aujourd'hui encore, rentre dans le ccrdc dt's idées conternporaincs: Ie systèrne dont Ie théolùgien allemallù ..\Ibrecht Ritschl 1 fut Ie pro- Illoteur. 1. Sun principal ouvrage : Die cltl'lsLlich" Ll'hl'c VOlt del' J?tc1d- (e1'li:;n Ig und Vel'sæltllllng \3 voL), a paru de 1870 à 1874. & I\ITSCIIL ET LE DL.\L' m IL\DIC.\L 211 LE RITSCHLIANISME. L'idéc maîtresse du HiL chlianisme, qu'iI con,'ienl ici Je con:-:idércr dans on esprit ct Sè3 granJes lig-r.e:;: plutÙl que dalls scs doctrine;; spéeiales. sen i- hlenlent div r:,es chcz es rliITérents repré:-5eniú.nts. c'e5l qti(' la rciigiou, pour êlre inyulnèrable et pour e réali:;er yéritaulement. doit èlr0 sévèreUlenl puri{; v J(a tout ce qui n est pas elIo; Jnais que. d'autr-c part, cHe ..-toil con Lenir i ntf\!ralemCll t lout ce dOllt HOUS di:-:po- In pour 10. déveJopper rl'une manière rJu ili'è, dans tctute son originalilé ot toute son an1plcur. Telle qu'elle est prures:-:ée c )JnlnullélllcuL la reii- gion cst rnélangéc d'élélnent qui lui sont étrang('r et qui la corron1 pent. Lc prenlÏer de ces él{'Jncuts e t la philosophie, ld. mflaphysique, la lhéologie naturelle. II imporle, avant tout, de rOlnpre définitivcll1cnt ayee l'inLelIeelualisu!e, avec la !'cotaslique, qui, xpulsée par Luther ùe la ('on cieI1ce religieuse, s'y e t fraudlllellscment réins- talléc. La philosophic, qui n'opère que Sllr l'abstrait et ne di pose que des phénnI11ènes Ilalnrel . no peut, par détìnition, atteinJre l'élémenl religicux, lèquel e4 vie. être. aetiviLó urllaturellc. TouLe eunnai - sauro lhl ori<1ue. quellc <{u'elle soit, èst impuissallle it saisir l'ohjet de la religion; car la faeulLé de connaìlrC'. tel!c qu'elle cxisLe èa 1'ho111111e. cst Lornéc it l'illtel- liSl'w'p cll' lois de la nlatière. et il s'aöit lei J choses pllrcmcnl :-:pirituelles. La rûlj iun nc pen L ètre qu'aifaire dp rroyancc. non de c(JIInaissanee ; c'est io. vicicr que dc' !a mélangcr J't\lénH:nb philusujJhitJucs ÛU seienlilì II ues. 212 SCIE CE Er nELIGIO Le second élément parasite 1>m'lnn ct le vroblème 1>eligieu:r acluel, par faurice Gogncl. Paris, 1 05. - Sur Ia notion de valeur est fondéc ta doctrine que soutient lIæffding dans son récent Oll\Tage: Reli- [JionsTJhilosovltie : La religion. y est-il dit, dans son essencc la plus intime, a affaire, non au contpnl1. mais à l't"yail1ation de l'ètre. Ci. Titiw : Religion und jValU1"wissclisclw{l. lÐ04. J1ITsrnr. FT IE Dt: \1 IS31E n \DICAL 213 Inétaphysiqucs et dc:, jngcnlcIlls rcligicu à celIe lie" jugClllcnts d'exislcncp cl dcs jllgcnlcllt de valeur, ct à aÙIIlI'Urc fJue, i I'Evangilt> e t vrai, c'rsl qu'au ein dr la con èicnce il est jugé digne J'êlre t{)I: wert, wain' ;u seine lais ell Inên1e telnp"', dflns la I3iblr ct dans rhi5- . t('lire t!énérale, Je l'nlin1cnt trouvc et reconnaìL I s lon ìÜtschl.. Ie contenu concret dont il ne peut se pa5 rr cL qu'il ne anrait se donneI' à lui seul. Par exeßlple, Ie cæur épl'ouve Ie scntiment du péché et Ie clésir de la béatit u e. Or, à ces sentiment corre - {'ondclll. dan la BévélaLÏon, d'unc part. un Dien justc et irrité, ù'autre part, un Dieu miséricordicux. Dans ce Dieu la con cience religiclI e trou\'o la cause d'jn\pn_':-- ion:, quo les objets nalurel::; HC lui e pliqn(>llt pas. En Chcl'chant ainsi dans les Livres aints sa. ignincalion ct son fondement. Ie sentilnrnl ùc\'icnt òe plus en plus clair richc et fcrme; il dépasso Ie moi individucl et peul conlIllunicl' avec Ie sentiment d'autrlli dall une éöli ('; il réalise etrcctiven1ellt l'idép de la religion. Sur ce prin('ipe Hilbchl édifia son :::iystème, complet et UIl, de thi>ologie, leqllcJ, en Illrlne l('nlp qu'il maintcnait III dogmatiquc dans toutcs ses parties ('..;scntiellcs et dans taus :oiCS droils, la séparait òe toutc science nalnl'cllr, de toute philosophie, de toute institution pnren1ent humaine. Ce sy tènH) con isl:lit cxprcssélnellt en un exposé précis et Iogiquement conrdunné de tontes lc idées inclu::.:es dans Ill. Hévé- lation chrétiennc p ri miLi \"e; c' étai l. c ('nt ie lIen1ent, Ie contenu spiriluel el élernel ùe l'E\-angile. * * * La manièrc dont ltitschl a ..:urait, au srin de l'àmc hun1ainc, Ie ùl>yeIoppcmcnl tic Ja vie propreIncnl reli- 214 SCIEXCE ET nELIGION gieuse, tout en mett[lnt colle ,'ie à l'abri des incursions tIe la science, répondait à l'ét[lt ùe Lcaucoup d'e prits. Le kalltisme avail habitué les inteliirrences it I:ì superpo er, au monde de la science, Oil à Ia. nature proprenlent oite, un autre nlonde, celui de la libcl'lé et ùe la ,.ie spirituelle, cOII idéré comme n'interférant à aucun oegl'é avec Ie monde sensible. Et, précisé- nlcnt, Ie progrès des sciences pû itives, les allures matérialistcs "et ùéterrninistes qu'elles atTectaient chez non1bl'e de leurs réprésentant , faisaient SOUh[llter aux e prits rét1échis de trouver, pour les objets de leurs croyanees, un refuge silué hors de la portée de ces sciences. UP plus, rhi toire, à laquellp s'attachait Rit chl, était, durant Ie XIX e 8iccle, deyenue une science de pren1Ïer ordl'e, t'ai:-.;ant en quelque sorlc pendant aux cicnèè::; de Ia nature; et elle se donnait onln1ð tache, en conf()rmité ayec I'e::prit rOlllantique, qui lui- fl1ême ayail favorisé ses progrès, de rechercher, non plus principalen1ent ce quïl y a de communén1enl hUlnain ct dïdent que, au fond, dans les phënomènes des diirér lltes poques, rnai ce quïl y a, au conlraire, de diYer , dè péeiaL de caractéristique et d'individuel. El ce n1êIl1e romanlisme représcntait une exalta- tion du sentiinent et de la vie intérieure, exprimait et dévelopJl:1it nne di posiLion ù'espril, qui étaient par- ticulièrenlent en Ì1armoiÜe avec la forme spirituclle ct mystique de Ia religion. Déjà Ie e h ri:;;tiarJ.islne inlérieur d' A lexar.!dre Yin2t, avec son double fondeulent. substantiellelnent un: la conscience humaine et la personne du Christ, était orienté dans la direction que Ritschl deyai t suivre; et les traces profondes qu'[t lais te l'eIlseignenH'l1t de Yinet ont yisiblcs anjourd'hui encore. II est done naturel que la tendance de Rit chl7 IUTSCUL ET LE DUALIS11E R.\DICAL :Z13 .bns se trails généranx, e rctrouve. de no jours, chez bcaucoup d'esprits religicux. En AJIcmagne, notam ment.. toute une école de théoloëien "it de la. penséc de llitschl, qu'elle maintient dan son principe, lout en la modifiant dans se5 déterminations particulières. L'nnr des difficultés les plus grave4o., qu'ait soule- ,.éc Ie Hitschlianisme est celIe qne relè'-e 'Yilhelm. Ilerrn1ann. distingué disciple du maitre. ScIon Hitschl, la conscience religicuse doit se rctrouycl' ou se sai- sir ùans les formules des Livres Saints. Iais les formules tbéologiques quc l'on rencontre dans aint Paul, par exemple. représentcnt des expérience:-; rcli- gieuses qui lui sont particulières, et que nous-mêmes, vraisemblablen1ent, n'avons pas faites. ConlIllcnt, dès 101'5, pourrion -nous adopter ces formules? Dans notre bouche elles ne seront plus nn acte de foi, mais une pratique machinale ou hypocrile. II semhle que, sons cette objection, nous retrou- vions la dirficulté que la Réforme elle-même a Iéguée à ses disciple:;. La Héforme a consisté, hisloriquen1ent, .:ans Ie rapproL'hement contingent de ces deux phé- nomènes: l' exaltation de la foi intérieure. :suile du .léveloppeInenl du mysticisme au loyen Age, et Ie r lour au textrs et monuments antiques, considérés dans leur pureté primitive, æuvre des humanistes de la Renaissance. De ces deux principes dbparates faire une doctrinc qui fûl nne, a été Ie tourment de l'ânle protestante. La olution que propose Herrmann consisle à sépa- rer deux cho es qui sont étroitement unie chez Ribchl : Ie fondement et Ie cOntenu de la foi. Le fondement, la foi proprement dite, est absolu- ment néce.... aire, et est identique dans tou1es Irs con- sciences. C'est celie part de Ia Ré,.élation qu'il suffit 216 SCIE:\'CE ET nELlGIO d'expo!':er fidèlement pour qu'clle oit immédia- ten1ent expérin1entép par toutc àme sincèfe. )Iais Ie contenu spécial de Ia foi, la forme définie du dogIne, représente une expérience plus détern1i- née, qui peut varier avec les individus. Ce contenu I pourra done, légitimement, être exprilné de ditfé- rentes manières, correspond ant à ces expériences I I diverses. Par exempIe, la considération de la yie intérieure de Jésus produit dans l'âme humaine une impression leBe que, nécessairelnent, de néeessité n1orale, elIe croil à J ésus. Iais l'idée spéciale d'une e pialion sub titutivc réalisée par la mort du Christ i n'esL de I'action réparatrice du Christ en nous. qu'une expression contingente, et peut ne pas coincideI' éga- le'11ent avec l'expérience religieuse de toutes les conscience:,. * * * En France, un éminent théologien, Auguste Saba-' tier s'est placé it un point de vue qui rappelle celui I de Hitsrhl. Préoccu pé d' échapper it touts ingérence des I sciences physiques ef d'assurer rabsolue jndl pcn-: dance et autonomie de la religion, tout en se gar- dant de sollieiLer de la science la moindre complai- sance. Auguste Sabatier cherche, pour la religion. Ie I sanctnaire Ie plus inLime, Ie plus éloigné des eho es I yisibles et tangibles qui relèvent de la science. La I religion naìt, cstilne-t-il, du sentiment de détre:sse qui I cnvahit Ie cæur de I'hon1me, lorsqu"il ronsidère la dou- I ble nature, basse et sublime, qui cst en lui, et l'a cen- danl que la pife partie (1c Jui-même a 'Our la meilleure. Dr cette délresse la religion nous sauve, non en nous procurant des connaissances nouvelles, n1ais en nOllS rél1nissant, p'ar un acle òe confiance ou de foi, au IUTSCllL ET LE DU.\LJSMC ß,\DIL\L 17 principe tout-puissant et lout bon où notre tre puise on eti tence. Qu'esl-ce donc qne la religion? C'est la prière du erellI'. et c'est la délivrance. Celle déli vrance est un nlÎracle, c'cst Ie miracle. Conlment se produit-iI? Le chrétipn n'a pas be::,oin de Ie savoir. Les Iois de la nature, dans leur iUln1uta- biIité, telle que Ia science nous I'cnscigne, devicn- nent, pour Ia conscience chrétipnne, l'expression de la yolonté divine. Pour pou\"oir ,'ivre Ia vie religieuse j'ai besoin de trois choses. (\t de trois cuJcrncnt: Ia réelle et active préscnce de Dieu en moi, l'exaucement de la prière, et la liberlé de respérance. Ces trois cho es ne sont pas touchécs par Ia science actuelle, et ne sauraient 1'être, sembIe-l-iI, par aucune science. Si maintenanl je veux - et cOUlment, écoutant les suggestions de mon cæUï, pourrais-je ne pas Ie vouloir? - développer ces idées premières, et réali- ser en moi la religion autant qu'il n1"cst pos ible. je ne saurais, comme beaucoup m'y engagent, m'aJres- ser à la philosophie Oil à l'autorité. La philosophie, architecture d'abstraclions, n'est pour ricn dans Ie sentiment intense qui, spontanément, a jailli en moL Elle ne saurait n1'otTrir que des systèmes tout inlellec- tuels, qui ne me toucheraient pas, et qui, yrai- semblablement, me metlraient aux prises avec la science. D'aut..e part, l'autorité d'un pouyoir quel- eonque, rût-ce celui d'une imposante égli:-:e, ne saurait créer en mon åme ce qu'elle demanùe: unt; conversion interne, libre et personnelle. Ce qu'il me faut pour développer en moi la religion, c'est l'e emple et IÏnfluence de Ia religion dé à réaIisée. Or, je trouve l'un ct l'autre dans Ia personne du Christ, teile qu'elle s'olIre à moi dans l'Évangile. 1 218 SCIE:\'CE E r nELIGIO Jésus se sentait, à l'égartl de Dieu, dans une relation lìliale. Homme. il nou apprenù. il HOllS monlre que les homInes sont fils ùe Dieu et capables de s'unir à lui. Sa conscience est un lieu oil nous pouyons. par lui, cOffilnunirr avec Ie Père universel. Le chri tia- ni::-,n1e est ain i Ia religion absolue et définiti\"e de l'humanité. Faut-il aIleI' au-delft, et déterminer. d'une 11lanière précise et obligatoire, les dogmes qui traduiront, pour l'inw.gination et les seils. ces mystères incxpri- mables 1 Le catholicisme 'y applique, et, it sa suite, Ie protestantiSJlle scolastique. Iais ces additions n1atérielles créent les conflits que ron yoit s'élever chaque jour entre la science et la religion; e1. par ail- leurs, eUes sont inutiles à la piété, qu'elles risquent même d'égarer. La religion catholique comprend trois élénlents : la foi, Ie dogIne, l'autorité. Le protestantisme, cherchant â restÏtuer Ie chri tianisme dans sa pureté rrin1itive. a supprimé l'autorité, conlme un principe pureInent Iuatériel et politique, mais a laissé subsister Ie dogme. L'heure est venue de laisser tOlnber Ie dogme lui- mème, en tant qu'objct òe croyance obligatoire. L' éIément religieux par excellence, c' est la foi. Là OÙ est la foi, là est la religion. Ce qu' on appelle Ie dogIl1e n' est qu'une interprétation synlbolique, toujours inadéquate et toujours modifiable, des données inef- fables de la conscience religieuse. Toute ronnaissance religieuse est nécessairement et purement symbolique, Ie n1ystère ne pouvant, par définition. s' exprimer que par des symbole . La foi et son obj et: voilà ce qu'il im porte de dis- tinguer. La première seule est essentielle, Ia seconde est une suite et une expression contingente de la première. IUTSCIIL ET LE DL\LIS:\IE R.\DICAL 21D II VALEUR DU RITSCHLIANISIIIE" Soil sous leur forme précise, dans les écoles lhéo- IOëiql1(\ , soil, ùans la socié é. CUlnlnc attitude de la prn ée religieuse, les idérs de Ritschl et de ses di cirlcs sonl très répandues aujourd'hui InêJne. olnhreux ont les e:,prils qui tendenl it placer 13. rc1i;!!ion, exclusiyemcllt on principalemenL dans Ie scnlilnent. dans la yie intériellrf', dans la conlIIluni- cation piriluelle des ân1es en Diell el à rclégurr au second plan, ou Inême à écarter toul à fait Ic::; doc- trincs qui viscnt it en faire un objet de connaissance lhéoriquc ct qui. par là-lnên1c, risqnenl tIe l'enga- ('r dans des confIils avec les conlw.Ïssances d'un aulre erùrf', ayec lc::; connai:.; ances scientinque . La flislinctioll ùe la foi et des credos, assirnilée à celIe de l'esprit et de la lellre, ùc I'åme ct du corps, de la penséc pt de la parole. de lïdée et de la fonne, c.st aujonrd'hui en grande fi.lycur. Elle permet à nomln'c d'esprits, qui rcjetteraient la religion si elle était idcnlifiéc avec ùes d03mcs qui les choquent, ù.y rester attarhés par un côté qui, estimcnt-ils, est Ie vrinci pal. Et 1'01l ne pent nier que Ie point de vue de RitschI ne pré:-:ente dr frrands avantages. Ecartant a priori lout C(' 4. ui e t science. théoric. ('unnaÎssance. comme élrangcr à lit religion, Ie. thl'O- logiell De redoutc plus qUf' jallw.is Ia science y:enne gêner sa liberté. II s'e l ÌIl:,laHé dans un r,.omaine qui, par ùé(ìnition, n'a ricn de comnlun a,-cc Ie 220 SCIESCE ET I\ELIGIO dOlnaine scientifique: con1ment pourrait-il jamais rencontrer la science sur ::;on chemin? La sdcnce ob:5erve ei, relie entre elles les apparences extérieures des choses: l'homme pieux vit en Dieu et dans l'àlne de ses irères. II sent l'aclion de Dieu en lui ; sous eeUe action Inèrne, il prie, il aime iI espère. La science n'a pas tie I;rise sur ces phénolnènes ; iis sont d'un autre ordre 4ue ceux qu'elle étudie. La science cherche des connais:-5ances, et ces phéno- n1ènec;: sont Jes réalités. Commrnt des connaissances en1 pl'cheraient-elles des r afilé::; d' exister? Si la religion, entendue en ce scns rigoureuse- mf:nt spiritualisle, évite toute rencontre avecla science, il serait injuste. seion les théoIogiens dont nous par.. Ions: de pr tendre que c'est en se diminuant, en se fai ant infìnilnent petite, de Inanière å n'olTrir auculle prise à radYer aire. Pour Ie savant, qui n'a afTaire f}u'aux réalités matérielles, peut-être Ie spirituel pur e t-il un néant; mais dans ce néant I'hon1n1e reli- gicux trouve Ie tout: J n deinem, lYichts hoffïch da$ All zu finden i, dit Faust à Iéphistophélès. Et d'abord il y trouve l'autonomie, l'indépendance, la liberté. Le divin n'est qu'un mot s'il est condi- tionné pdr Ia nature et par la science. II faut, s'iI Joit être. qu il soit véritableulent comn1encelnent ini- tiatiye, création. La doctrine de la. grâcc gratuite et en apparence arbitraire signifie précisément que l'action diyine ne peut êlre détermillée par les chases lJuisque celles-ci n' existent que par elle, l11ais qu' eUe nc relève que d'elle-même, c'est-å dire est parfaite- Inent libre. II n'esl pas juste de dire que ]a religion, 1. Dans ton néant j'cspère trou\'er Ie tout. HIT::;CIIL ET IE Dl.\LlSl1E R.\DICAL 221 bannie du monde sensible. cst reIéguée dans Ie c(cur, bornée aux objets qui intéressent Ie eænr. ItLablie à la ource Inême de Ia ,'ie conscientr et morale de l'homme, elle est toute puissante pour animer et détcrIniner sa vie entière. El l'cxpéricncl. montre qu'en efTet Ia vie religiense intérieure, ce qu'on ap.pelle Ie myslicislne, est une réalité d'une richcsse ct d'un'e puissance singulières. La communion avec Dieu n'est pas seulement une source ù'émotions fortes ou tendres, secrète5 ou expansi,-es. Elle fait les hommes de foi et de volonlé, incapables de prosti luer ]eur conscience, prêts à tout afTronter pour accomplir ce que Dieu com- mande. Avoir con fiance en Dieu, c'est avoir confiance en 501. Le mystique., pour qui les choses telles qu'elles sont données n'enchaìnent que la science, se tourne résolument vel's la pratique e1 vel's l'avenir. Le reploiement de I'àme sur elle-même, l'effort pour ll'ouver Dieu au-dedans de soi, n'esL en eIfeL que Ie premier moment de la vie mystique. Dietl n'est pas une abstraction: il est Ie principe des choses comme dc:o' âme . Celui que Dieu possède ,oudra changer Ie monde, tie nlanière à Ie rapprocher de son prin- cipe; et SOlIS Ie mystique se découvrira un homme d'aclion. A la vue ùe sa déci ion, de son énergie, de son abnégation. de son enthousiasme. de ::ia persé- vérance indomptable, qui voudrait nier que ..:es sen- timents ne soient des réalités, et tenir a. vie inlé- rieure pour un rêve négligeable? * * * .\in:,i la religion, entcnduc dans Ie sens du Rilschlia- nisme, non sculen1ent ne sc heurtera pas à l'opposi- 19. 222 SCIE ,(,E ET :nELIGIO tion dr la science, ll1ais pourra Sf' déyelopper seion son génie propre, librcI11cnt et efficacemcnt. Est-cr it dire que Ie point de vue de nit chl donne à l' espril pleine satisfaction? D'abord, il est impossible de fermer les yeux sur les lnodifications que Ie pl'ogrès des connaiss3nces et de la réflexion a dÙ faire subir à ce point de vue dans récole luème de Hilschl. Le principe po.;;é, cn l'éalité, étaÏl double. C'était. (rUne part. Ie sentiment l'expé- ricnce interne, la conscience de la relation de I'homme avec Dieu: d'autre part, c'était rhistoire, la Bible, la Héyélation. Sans donte, les vérités réyélée n 'étaient pas reçucs en tant que connai sances rationneIles: elle n'étaient pas. eIles ne pouyaient devenir des connaissances, au sens propre du nlot. Si eIles pou- yaient et devaient être réunie en un sy tème, c'était à un point de vue purement formel, par un travail tout logique, qui définit, qui ordonne, mais qui, à lui seul, ne démontre pas, La raison d'admettre les vérités révélées demeurait entièreI1lent pratique: c'était raccord de ces yérités avec les be oins de la conscience religieuse, 1a yalcur qu'elles préselltent pour rhonlme, la puissance et lajoie qu'elles confèrent à I'àlne humaine. II n'en restait pas moins que ccUe Réyélation était et devait demeureI' un principe objectif, propre à guider et réunir les consciences indiyiduellcs. . Or, ainsi entendue. comment se ju tifiait-elle? Si, objecte Herrmann, mon expérience personnelle doit être pour moi l'unique critérium de la vérité. puis-je être tenu de croire à des faits qui ont pu être yécus par ù'autres. un saint Paul, un saint Augustin, un Luther, mais que moi-n1ême je n "ai pas expéri- mentés l nlTSCIIL ET IE Dl.\LI:,'IE R \DIL\L 2 3 Co n'cst pas tout. A l'époque où Hit:o:chi comlncn- çait à méditer, Ie principe du Canon lies Saintcs- l critures était encore soutenablc: drpuis, il a été ruiné par les progrès de la critique. Les livre n'oITrcnt plus å la foi la base certaine que I'on avait cru trouver en eux. Et _\ugusLe Sabatier en vient à dire que, si I'on a besoin d'une autorilé infaillible, ce n'est plus, avec les protestants, dans Ia Iettre, dou- teuse ct figée, de la Bible, c'est, à la manière des catholiques. dans la souple et libre inteLJigence d'une personne vivante, quïl la faut chercher. Cette solution répugnant au principe du Ritschlia- nisnlc, l'école fut amenée à sacrifier de plus en plus l'élément objectif à l'élément subjectif, la Révéla- tion à la foi. Herrmann ne veut plus d'autre fonde- Inent de la foi que l'ilnpression ressentie par lïndi- vidn tandis qu'i) contenlple la vie intérieure de Jésus. Le Dicu courroucé et Ie Dieu miséricordieux de la Bible, répondant à notre double sentiment ùu péché et de la délivrance, ne sont plus, pour lui, à aucnn degré, des réalités en soi cause des états de notre âme: nos états d'âlne sont les seules réalilés certaines; la justice et la miséricorde divines n'en sont que des traductions plus ou nloins ::;ub- jectivcs. Tout ce qui n'est pas Ia foi individucIle pure et simple n'est qu'une expression synlbolique de celte foi. Plus de dognles, plus d'églises, au sens traditionnel de ces n10ts. LÏndividu ne peut plus sortir de lui-même. 11 voit dans Ips dogme::; de méla- phores, qu'il intcrprète selon son expérience indivi- duellc ; une église est, pour lui, un groupe d'honlmes unis dans la pensée de rejcter tout c'redo obligatoire. L'écueil de ce svstème est visible, c'est un subjec- li\"islne sans conténu. 224 SCIE CE ET TIELIGION Pfleiderer reproche à Herrmann de rendre l'objet de la religion purement iI11aginaire. Placer Dieu, dit-il, tout à fait en dehors du champ de la connais- sance, c'est en faire un pur objet d'aspiralion. C'est prélendre que Dieu soit, pour cette seule raison que la croyance èn Dieu est bienfaisante, consolante, eneourageante, sans se demander si cetle croyance n'est pas contredile par les enseignements de la science. Vne telle foi cst incapable de prouver qu'elle n'est pas une simple illusion subjective. Et 11 est certain qu'en appliquant de plus en plus radicalement la n1éthode d'épuralion préconi éo par Hitschl, en s'éludiant à retranchcr de la conscience religieuse tout ce qui ne jaiUit pas imnléJiatement du sujet lui-mêlne, on ne peut nlanquer d'aboutir à en ôlcr tout ce qui justifierait ses croyances à ses propres yeux, puisqu'une justification, c'est une raison qui Jépasse Ie fait subjectif ct brut par un caractère d'universalité el de nécessi té, c' <.'st- à-dire d' objeclivité. Qll'est-ce, du mains, que eeUo foi. qui. se dressant en îace des dogmes et des insLitutions. dont eUe ùédaigne I'appui, s'écrie: Ioi seule, et c'est assez! C'est, par défìnition, la foi toule Due, sans aucunc ùéternlination assignable. Toute expression de ceUe foi tODlbant sous I'intelligence e t Ie la ogage n' est, ùans ce système, qu'une tentative de I ÏnlL yiJll pour se représenter el s'expliquer å lui-n1êlne ce qu'il éprouye en Ie re1i::lut aux objets existant en dehors de Ini. laís COll1lnent yoir dans la foi, ainsi :,éparée de tout contenu intellectucl, autre chose qu'une abstrac- tion, une forDle "ide, un mot, un néant? 11 n'est que trop facile de faire remarquer que l' on pent croin3, aycc la même interisilé et la mème conviction, à es choses excellentes et à des choses détestables, et RITSCJII ET I E DU_\LI5 IE R. DIC \L 223 que, si Ia foi pure rl simple suffisait it caractériscr la religion, tout fanatiflue serait un homlne religieux, au même titre qu'un saint Paul ou un saint Augus- tin. Aussi, en fait, ne se contcnte-t-on pas de la foi. On suppose, plus ou moins taciten1enL que cette foi sera nécessairement la foi en Jésus-Christ. On invoque la conscience, mais on ajou le ou l'on sous- entend qu'il s'aöil de Ia. consciencr chrétienne. Malgré qu'on ert ail, on incorporc à la foi un élémcnt I objeclif ou intellcctuel, dont, en eITel, on ne peut se passer, si ron ,'eut obtenir un principe positif qui ail quelque signification, En réalité, si I'on Yeut assurer loule sa valeur I à la conscience religieuse, à 13. foi, à l'amonr, sans glisser à un subjecti,-isme abstrait et vide, ce n'est pas une épuratio'n négative, une mutilation et une dissolution sans bornes, qu'il faullui faire subir. II convient, au contraire, d'cnrichir Ie sujet, de I'agrandir, de Ie hausser Ie plus possible vers l'être et l'universe!. La méthode à suivre, POUI' dépasser Ie point de vue purement théorique de l'intelli- gence abstraile, consiste à user de tontes les res- sources de I'intelligence unie à la vie, et non à cher- cher un point de vue situé hors de l'intelligence. Plu- tõl que de se ménager, toujour5 plus loin, un refuge contre les altaques de la science et de la rai- son, il conyirnl de s'assimiler cette ::5cience Ie plus Iar- gement po sible. d'assurer à sa raison tout Ie déve- . loppcmenl qu'clle comporle, et de composer, avec toutes ces donnécs, des instruments pour Ia réalisa- tion des fin::; idéales. Est-il bien sûr, d'ailleurs, qu'en se relranchant, commc ils Ie font, dans If\ for intérieur de la con- : cience, du cæur, de I'élnolion religicuse, fiibehl et 226 SCIEl\'CE ET RELIG IO ses disciples se mettent efTectivement à I'abri de incursions de la science? lIs raisonnent dans l'hypothèse d'une science qui ne s'occuperait que des phénomènes physiques, et qui ne songerait pas à établir un lien entre ces phéno- mt\nes et les phénonlènes moraux. A tout Ie moins I ils admettcnt qu'il y a une classe de phénomènes, de I mouvelnents, d'inlpressions de l'âme, qui ne tombent I pas, qui ne peuvent pas tomber SOliS les prises de la I science. lIs parlent couramment, comme de deux' domaines séparés, de lnonde extérieur et de monde I intérieur, de choses et de conscience. Là se trollve, I en définitive, Ie fondement de leurs doctrines. lIs S8 représenlent la conscience comme une sphère, au-: dedans de laquelle nulle force naturelle l1e peut pénétrer, et que la science, exclusivement tournée I vel'S Ie dehors des choses, ne songe pas plus à scruter qu'elle n'en possède Ie moyen. Iais ceUe opposition du dehors et du dedans, cette conception d'une sphère de I'àlne inlpénétrable à la I science ne son I que des métaphores et des méta- phores qui ne répondent plus à l'étal des connais-I sances. I La science, il est vrai, pendant longtemps, n'a; prételldu s'assimiler que les phénomèncs du monde matériel. Elle laissait à la métaþhysique, ou à Ia j littérature, les phénomènes de l'ordre moral. Mais I il u'en est plus de n1ême aujourd'hui. Ayant de plu j en plus expérinlenté, depnis Descartes, l'effìcacih I ùe l' ordre et de la méthode dans Ie travail scienti- I fique et les rapports des difTérentes connaissances I les uues avec les autres, ]a science, désornlais, se . croit en mesure d'aborder l'élude de tuus les genres I de phénomènes sans exception. Si reculée que paraissc nne én10tion de l'àlne, si illtilne, si ca hée, si mysté- IHTSCllL rT IE nr\IIS:\IE n\DIC'.\L 227 ! ricll (' qu'ellc s0il pour Ie lhéologirn, c'est chose I n"rllr. dOlllH e. oL crYaLle : done c'est Ull phénornène, ! lié IH'.t:es airenlcnt. suivant ùe:; loi , aux autre phé- nOlnène . En vain Ie croyant proteste-t-il que :-oou I actc de foi, a prit\re. Ie senlinlf\nt quïl a de ,,'unir it DicLI ont des manières d'être toutcs spiritricllcs. : an rapport aucun avec les choses Inatériclle::;. II unit qu'ils lonlbent sous la conscience pour f'oncer- ner 130 ::,cience; car ccHe-ci, dé'-úrrnais, s' occupe pré- j cisément d'expliquer. enlre autre choses, la genèse des états de con cience.. que Is qu'ils soient; ('t elle I po ède des méthodes qui lui permettent de rame- ner. de proche cn IJroche. l"interne à l'externe. Ie I myslérieux au connai saLle, Ie subjectif à l'oLjectif. En un mot il cst impo sible dl' trouy-cr un abri où , I'on oit stir dr n'être pa rejoint par la science, si I'on ne s'est, au préalable. denlandé ce qu'e l la scicnce, queUe est sa portée et si eUe a des Ii mites. II y a là un problème qu'il ne suffit pas d'effleurer et de trancheI' par quclqu(' généralités philosophique . mai:-: qui vcut ètre exa':"'iué pour lui-n1êIne, et du point de vue de la scicnce elle-n1êulC. CIIAPITRE II La Religion et les Limites de la Science. La conception dogmatique de la science et la concept.ion critique. I. ApOI.OGIE DE L-\ RF.LlGIO:'t FO:'iDÉE SUR LES Lll\IfTFS DE L.t SCIEXcE. - I L'expérience comme principe unique de la connai sance scien-i tifique.- Conséquences: limites dans l'ordl'e théOl'ique, limites dans l'ordre pratique. - Les Iois scientitïques, simpl s. méthodes de recherche. - Jjmites et 5ignification de Ia cor- rcspondance des connaissances scientifiques avec Ies faiB. - Latitude que Ia science, ainsi entendue, laisse à la religion pour se développer. - L'esprit et Ia lettre: caractère contin- gent at relatif des formules religieuses. II. LES DIFtïCULTÉS lYE LA Pr.ECÉDEXTE DOCTRI:'iE. - La polémique suscitée par Ie mot (( faiUite de la science )). - En quel sens la science se reconnatt des Jimites. - Situation précaire de la religion dans ce s)'stème. Ill. L\ SCIE:-,;cF co slDÉntE CO:.\IlIE ORIENTÉE YERS LA. RELlGIO . - I Les doctrines religieuses comme ébauchrcs dans la' science elle-même; difficulté de maintenir ce point de vue. - La nature des Iimites de Ia science: elles ne sont pas simplement négatiyes, mais impJiquent un au delà supra-scientifique comme condition de I' obj et mème de Ia science. IV. DIFFlcULTÉS t;BSJSTA TES. - L'autonomie de la science et ceUe de Ia religiOI. demeurent compromises. - Insuffisance d'une méthode purement critique. Ceux qui cherchent, pour en faire Ie sanctuaire de la religion, un coin infiniment éloigné des réalités visibles, caché au plus profond des retraites de la conscience, obéissent notamment à la crainte de se rencontrer avec la science sur un terrain commun, oil L\ RELIGION ET'LES LnllTES DE LA SCIENCE 220 celle-ci. peut-être, leur disput rait Ie droit à l'exis- tence. lIs aiment mieux se dérober å la lutte que de ri quer d'être vaincus. Or, bcaucoup d'esprits, parmi h}s savants mêmes. se demandent si cette crainte n 'esl pas exagérée, si la science, considérée de près et dans sa forme concrète, n'est pas, en réalité, plus favorable à 13 liberté du développement religieux que ne l'affir- ß1ent certaines théories, d'inspiration plus philoso- phique que scicntifique. II importe, à cet égard, de considérer Ie change- ment qui s'es1, de nos jours, opéré dans l'idée de science. aguère encore, la science était Ia con nais- sance ab olue de la nature des choses. ElIe était Ie savoir, certain et définitif, par opposition à la croyance, variable et individuelle; et, forte des con- quêtes qu'elle devait à la découverte de ses yrais principes, elle ne voyait pas de limites à sa portée e1 à se droits. C'était, en sOlnme, la métaphysique antique, avec son ambition de connaissance parfaite, tran portée dans Ie monde de l'expérience. lais, à la difTérence des sy!'tèmes esthético-rationnels des Platon el des Aristote,c'élait une métaphysique qui élilninait du principe des chases tout ce qui rappelle lïntelli- gence et la liberté humaines, pour n'y admettre que des élélnents Inatériels et mécaniques. Devanl une telle science, il était naturel que la religion, si elIe voulail re ter inattaquable, se repliål sur un terrain où toute rencontre ftit impossible. Iai n'est-il pas juste de dire que cette conception de Ia science, comme savoir absolu et sans bornes, ne s'est pas maintenue, et que la science d'aujourd'hui se fait, de sa signification, une idée tout autre? Dès lars, n'y a-t-il pas lieu de se demander à nouveau dan queUe mesure la science s'oppose, en réalité, à l'cxistence de la religion? 20 230 SCIE CE ET RELIGIO:'i I APOLOGIE DE LA RELIGION FONDEE SUR LES LlMITES DE LA SCIENCE. Après df\ longs tåtonnement . la science a eufin détern1Ïné a lnéthode par une sorte de sélection natu- relle. Elle a prb Ie parti de se fonder ur I' cxpérience, ct sur l'expérience seule. Sans clonte. il s'agit. après avoir ron latð les fait . ùe les ré:.;umer. dr les das- ser, de les ramener les uns aux autre,; et (Ic les sy té- mati er. Iais ce travail logique lui-1l1ême doit avoir l'expérience pour guide et pour contrôle. En adoptant ce nIode dïn"t"\ tigation, la science s' cst as"uré des avantages infìniment précicux. Elle ::;aisit enHn Ie réel. qu' elle u' ptait jamais sûre (]' atteindre, alors qu' elle se hornait à analyseI' et combiner les concepts qui représentent les choses dans resprit ùes homnles. Elle obtient des connaissances es:--:en- tièllement utilisables dans la pratique, l'expf.. rience fOllrnis anl à I'hOJ1lnIe Ie llIoyen d' mener la nature à S8 répéter. ElIe échap pe à l' éte!"nelle -incertitude et à l'infinie variété des opinions; elle s'impose à toutes les intelligences, et toutes ses acquisitions, en un sens sont définitiyes. lai8 ces bénéfices onto remarque-t-on, comme contre- partie. une limitation de son étendue et de sa valeur philosophiqtie. qui.a des conséquences très Ï1npor- tanles. Le fameux discours de Dubois-Reymond, qui se termine par Igno1>abim'Us, n'a cessé, depuis 1880, de hanter les esprits. Des sept énigmes qu'il signalait, quatre au moins, disait-il, étaient å tout jamais inso- I.A RELlGIO:\' ET LES LnlITFS HE LA gCIE ('E 231 Il1b1es : l' e cncc Jc la nlatière et ùe la force, l' ori- p"inf\ du Inouvcnlent l'originc de Ia sen ation sinlple, ct la lioprté de la yolonté. . C'cst que ccs quatrc problèmes sont hors de la porlée de l'expérience. Si prolongée. cn etfet, qu'oll la sup- pC) r. l'expèricnce ne peut atteintlre ni les prcmières orL.ines. ni lcs Hns dernières. on seulenlcnt cIlc liP peut ni nc pourra janulÏs sai ir, dans Ie teIllps) un pren1Ïer ou un dernier phénomène, qui n'c t. sans dOHte. qu'une fiction, nlaÍ;, c'esl toujours une ques- tion de aYoir dan:; quelle' nlC lIre Ips succession con taIltrs qu'elle relève suffi ellt à expliquer l'appa- riLion (l(' phénomènes. L'être ne se déroule suiyant des loi:-; que parce qu'il y a en lui une certaine nature. (Juelle est eette naturc? E t-elle imllluable? Pourquoi est-elle détcnninée de teIle Inanière el non df' telh autre '? .\ q lIel ant6cédeIit Ia rattacher pour en donneI' une c:\.plication expérimentale? Ces ques- tions iIllpliquent, pour la science, un cercle vicieux, et, par con éq lIent Ia dépa scnl in,.incibleInent. L'ex- périence constate les lois. ou relations relativement constanles entre les phéllon1ènes ; InatS cIle u'a aucun Illoyen òe 5avuir si ccs Iuis ne sont elles-nlèmcs que úcs fail:,. ou i cIles tiennent à quelque nature imnllw.hlc qui don1Ïne le faits. Bornee dans son étenùue. la bcience est également linlilée en profondeur. Le phénomènc. tel qu'elle Ie sai it He saurait être identiIié avec l'êtrc. EUe ne par- vient à Ie dépouiller de ses eléments :,ubjectifs ct indiyiducl qu'en Ie résolvant en rapports, en mesures. en lois. Iais, tanòis quP la notion de la loi COlllnH"\ Ij( n de deux phénonlènes, si bizarre qu'elle soil au (luint de yue fit' la raison, cst ùu moins claire pour I'ilna!!inalion. qui ::)û représentr aisénlcllt deux objel:-, rclié run à rauLre par un HI, l'hypolhèse de rapporb 232 SCIENCE ET RELJGIO préexistant à leurs termes cst une conception irrepré- sentable, où l'intelligence humaine ne peut yoir que Ie symbole d'une chose qu'elle n'entend pas. Et si la science oblient d'autant nlieux radhésion unanime des intelligences qu'elle fait davantagp abstraction de la notion de sujet et d'élément pour s'en tenir à celIe de rapport, c'est, du même coup, un sentiment qui s'impose à tous les esprits, que ceUe science n'est pas la représentation adéquate de l'être, mais une certaine manière de I'appréhender, et qu'il doit y avoir quelque principe de réalité dans les formés mêmes qu'elle a dû élinliner pour parvenir au genre d'objectivité qu'elle avait en vue. )Ianifestes dans l'ordre théorique, les limites de la science sont, dans l' ordre pratique, plus éyidentes encore. La vie pratique de I'homme, animal raisonnable, a pour condition des fins que l'homme se propose parce qu'illes juge désirables, bonnes, obligatoires. Or, il est impossible à la science de fournir à l'homme, au sujet d'une fin quelconque, des raisons suffisantes pour la lui faire rechercher. La science enseigne que I'emploi de tels moyens conduit à tel résultat. Ceci ne m'intéresse que si j'ai déciclé de pour5uiyre ce résul- tat. La science m'informe que beaucoup d'hOlumes considèrent telle fin comme désirable, bonne ou obli- gatoire. S'ensuit-il que je doive penseI' cOlnme eux? N'a-t-on jamais vu pn homme fail e bien de penser autrement que les autres? Et ceux qu'on adnlire comme supérieurs doivent-ils cette supériorité à l'ac- c ptation pure et silnple des opinions reçues? La science constate des faits, nous présente comme fait tout ce qu'elle nous enseigne. Or, il faut, pour que j'agisse selon ma raison, que je me repré ente un objet, non comnle un fait. mais COlnmc une fin, c'est- L.\ n EI IG IO ET I L I. nIl rES DE L,\ ;r IE C 2 J;J å-dirr comme une chose qui peut ne pa"'\ être, Inais I qui luérite d'êlre. \.gir bUIllaincmcnt, c'cst done lIpposer que la cience n'est pas tout, c.e....l ùonner ,:lUX lootS: bien, utile, désirable, Leau obligaloire, un eIlS pratique que la science He COBBan pa:-,. .All(\gurra-t-on que la science e pliquc Ce:; t:oncert mL'nH; , en les réduisant à des sentiInents. à des habitudes. à des traditioH:-'. ct, Hnal(ln1ent, it des illn- !:;ions de l'imagination? One teIle explication, si clIe est juste, n'cst autre chose que l"anéanti:,::;en1ent de ce que BOllS appelons yie pratique rai onnable et humainc. Tant que la vie hun1aine bub:-,i:;tera. elle impliq uera la négalion de cette explication. La pra- tique. si elle est, pas:,-;e les lin1ites de la science. La yie ociale. en particulier, ne peut se c0ntenter des données de la science. Elle a besoin, pour être haute ct fécollde. du dévOllel)l(\nt de l'individu, ùe sa foi dan les loi humaines, dans l'intérêt général et dans la justice, de sa fidélité au passé et de son zèle pour Ie bien des géuérations futures. Elle réclame :,OB oLéissance, bon abnégation, au bcsoin sa vie. Or, jamais la scicnce, quoi qu'en di:-:rnt ceux q ni la con- Condent avec Ie savant, ne :;aurait fournir it I'individu des raison probantes pour se sllbordonner et se sacrificr. L'exenlple 111êlnc des anilnaux, dout plu- "icurs ::;e dévouent, mais dont bcaucoup au:-- i :::;'eo- trenlangcnt, ne peut suffire à convaincre rhOlume qui rai onno, parco que, gràce à on intelligence mèmc, il discute la légililnilé de la règle qu'on lui impose, et ne réussit que trop it empêchrr que Ie tort qu'il fait à la société n(l rejaill!..;:-:e :-;ur lui- nlêlnc. COlnment la cienee, qui ne connail que Ie fait, persuadel'a-t-elle à un individu chez qui l'égoÏ 111e domine Ie dé\ ouement, qu'il Joit renvcrser Ie rap- pOl t, et se s crifier à un bien qui ne Ie tuuche pas-? o. LIBRARY 51. MARY'S COLLEGE 234 SCIEl'\CE El' TIELIGIOX Essayera-t-eIIe de démontr r que la disposition au dévoueJuenl existe, en réalité, dans la conscience de chaque individu, comme un retentissement inconscient de l'influence de la société sur ses membres? :t\lais Ie dévouement, pour se produire, a besoin de se croire spontané. Et, tant que les hommes se dévoueront à la sociélé, ils Ie feront parce qu'ils se considèreront comme des personnes, et non pas conlme des produits I mécaniques de l' organisation sociale. C'est ainsi que la science expérimentale moderne, par cela mênle qu'elle se fonde uniquement sur l'ex- périence, apparaìt COlllIDe limitée dans sa portée, soit du côlé de la théorie, soit du côté de la pratique. La science peut-elIe, du moins, là où elle est compé- tenle, fournir à l'esprit une yéritable certitude? Cela mênlp est conte té; et plusieurs estiment qu'il con- vient de liluiter, jusque dans son domaine propre, la valeur de la science. II iUlporte d'insister sur Ie changement qui s'est produit de nos jours dans l,'attitude proprement scien- tifique. La science, jusqu'à ces derniers temps, était ou voulait être dogmatique. Dans ses parties les plus rigoureuses, elle se considérait comme faite défi- nitiveUlent; dans les autres, elle aspirait à cette même perfection. Elle visait, en toute matière, à se présenter sous la forme d'un système qui, de prin- cipes universels, djduit l'explication des choses par- ticulières. La scolastique, comme forme, était son idéal. Or, nulle science, aujourd'hui, non pas même les nlathénlatiques, ne consent à être une scolastique. La :5cience, quelque forme qu'elIe revête pour la com- modité de l'exposition on de l'enseignement, est et demeure, en soi, une induction indéfiniment perfec- I .\ REI IGIOX ET LES Ll\IITES DE L \ SCIL\CF. 233 tiblc. La quc tion c:-,1 ùe savoir comnlelll :;c fait cclle inc lurlioll. Ii y a liru rle distinguer, à cel égard. les Iois e1 prin- cipe . qui sont les résultats de l'inùuction, et les faits, qui cn ont la ba e. Selon 13 philu uphic baconienne, qui. pendant long- tmBp:"'. a régnó panni les avanL:;, les lois de la naLurr sÏnscrivaicn1 ù'elles-Inêlnes dans l'espril hUlllain, pourvn que celui-ci se purifiât de ses préjugés, el se livràt docilement à l'inf]ucnce des choses. ulle par- ticipation active du ujet dan:; la connai sancc propre- Inent dite. Le sujet ne se manifestait comme LeI que dan., ses sentiments, dont la science, précisément, s'appliquait à fairc abstraction. L'étude de l'histoire des sciences., jointe à l'analyse psychologique de la fornlation des concepts scienti- fiques dans l'esprit hUlllain, a détern1Ìné une théol'ie toute dilférente i. Les lois et les princi pes scientifiq nes ont l'air d'être directement extraits de la nature, en raison de Ia fonne so us IaqueUe nous les énon('ons : (( Ie phosphorè fond à 44 0 )); (( l'action est égale à la réaction)). Iais cette fOrIne dogmatique, pour COllllllode quO eUe puissc être, ne représellte pas Ie résuILat précis du travail scientifique. En réalité, ce qu'a cherché et trouvé la science, co sont des définitions hypothétiques qui Iui permeUcnl d'intprrogcr la nature. La propriété de fondre à 44 0 est une p:.trtie de la définilion du phosphore; Ie pré- tendu principe de raction égale à la réaction est une parlie de la définition de fa force. Xul des éléJllcnts oont sc eomposenl ce formules n' est réellement donné, ui ne peut être exaclement donné" Leur assem- 1. ,. Duhcm, La T"l 01'Ù' ph.lJsi?lIe. l OO. E. T...e Roy. en Posili- t'isllu: 1LOUl'(al , Hc\'ue de InL.taph. et de mOl"., HJ01. 236 SCIE fE ET nELIr.IO blage n'esl pas donné non plus. Iais l'esprit, ayant besoin. pour chercher, de savoir ce qu'il cherche, forme, en choisissant et déterminant convenablenlent les données de l'ex.périence des définitions qui lui permettront de poser à la nature des questions pré- oCises et méthodiques. Ces définitions. d'ailleurs, ne sont pas toutes ur Ie mème plan. II en est de particulières et déri\"ées, il .en est de générale et fondamenlales, condition des précédentes. Les définitions les plus générales sont, . {)aturellement les plus stables: d' où la forme de prin- eipe qu'elles reyêtent dans notre di cours., et qui, facilement, les fail prendre pour des connaissances absolues. Enfin, il y a une notion qui paraît plus nécessaire .que toute , parce qu'elle est nécessaire à toutes, c'est la notion 1I1ême de science. Cette notion est encore une définition, fabriquée cOlnme toutes les autres. J'appelle science l'hypothèse de relations constantes entre les phénomènes. Le travail scientifique consiste à interroger la nature d'après cette hypothèse. Tel, un juge se forme une conjecture, avant de questionner Ie prévenu. Les affirmations impliquées dans ces définitions étant imaginées pour rendre l'interrogation possible -et utile, ne sont et ne peuvent être que des hypothèses, puisqu'il s'agit de questionner, non plus un indi- vidu détern1Ïné, lequel peut sembler un tout fini, Blais la nature, infinie en tout sens, dont les nlani- festations à venir, notamment, ne peuvent nous être données. Iais, tant que l'étude critique de leur origine et de leur rôle n'a pas été faite, nous confon- dons ces hypothèses avec des principes absolus, d'abord parce que nous leur en avons donné la forme, efque nous sommes enclins à transporter les carac- 1..\ HEr IGIO" ET Irs I I'll rrs DB L.\ SCIF , E 237 tèrrs de la forme au contcnu lui-mêlne, ensuite parco que certains de ces principe::> :sunl présupposés par tOllS les autres, et que ce qui est néce::5::5aire à nos systl'nle;:, nous parait néce saire en soi. Cette théorie, que suggère l'étude de 130 formaLion de:-; concepts cientifiques. s'imposc à I'esprit. si ron \ onge que, l'expérience étant notre seule 11lanièrc de con1muniquer avec la nature, des formules exactes telles que nos principes ;:,eraient une absu rdité, s'il devaient être con iùéré:-; cornlne extraÏls teis qucls de la nature. De l'expérience seule, toujour::; changeantc et imprécise, nc pcuvcnt dériver que des inlprc:,sions mouvanles el1e -lnêmes. nne interyentiun systéma- tiquc ùe resprit peut seule expliquer la transllllltaLion que la science fait subir å l'expériellce. EL re:,prit, dans cctte opération, a si bien con::5cience dïn tituer, par se:, Jéfìnitions e1 :;es théorie , de sinlples méthodes de recherche, qu'il np se fail pas fante d'adlueLtre, à titre egat, des théories diITérentes et même contradictoires dans leurs hYPoLhèses fonda- mentales, lorsque ces théories fOllrnissent de conclu- sions équiyalentes, et sont utile .les unes et les autres, pour étudier des classes diver5es de phénomènes -t. II n'en pourrait ètre ainsi. si l'esprit devait yoir, dan le idées d ireclrices ùe ses. théories, l' e:\ plication absolue des choses. Iais. dira-t-on, quelle que soit Ia manière dont so fonne la science. c'esl un fait qu'elle s'accorde avec les choses, et qu'elle nou permet de nOlIS en servir. . !-'ouyoir agir sur lcs chu5e , c'est possédcr quelqu(;s- I lIue, de leurs proprcs méthodes d'actioll. Sans ùoute, notre connai anco ne parYÎcl1(lra yraisclublablcmenl 1. Voir: H. Poillcal'è, La Science et l'll!JJiulhèse ' La ralell1' dt! 1ft 8cience. 38 SCIEXCE ET nr:I.'GIO jan1ais à égaler les choses; Jnais elle serrc de plus en pIns élroitement la réalité; ses invcntions mêmes, ses conventions et scs fictions n"ont d"aulre objet que de s'y adapter; et l'approxin1ation. toujours croissante d'ailleurs, à laquelle elle par,-ient, ne sau- rait être contondue avec unc radicale incapacité J'at- teindre å la vérité. II importe d'ailleurs de s'entendre sur Ie mot vél'ité. La science ne songe plus à doter l' esprit d'une copie resselnblante de choses exté- rieures, qui, apparemment, tclles qu'on les suppose, n' existent pas. Elle découvre des rapports que l' expé- rience vérifie sensiblement. C'en est assez pour qu'elle puisse et doive être dite vraie, au sens humain du mot. Que prouvc, répondent nos auteurs, ceUe vérifi- cabilité? II est naturel que les lois scientifiques réus- sissent dans l'expérience, puiEqll'elles ont été inven- tées précisément pour nous permettre de pré\ oir Ie cours naturel des choses. Nous avons d'ailleurs un artifice commode pour les concevoir comme réus- sissant, lit même où, en fait, elles ne réussissent pas. Nous ÏInaginons, dans ce cas, d'autres lois, comme contrariant l'action des lois admises. Et nous multiplions ain i les additions et corrections pour sauver Ie principe auquel nous son1mes habitués, jusqu'à ce qu'cn fin, Ie système devenant d'une com- plication inextricable, nous abandonnons un principe qui n'est plus qu'un sujet de difficultés, pour essayer de quelque autre, auquel, sans. doute, l'avenir réserve un destin selnblable. C'est que la correspondance qu'on allègue entre nos concepts et l'expérience est quelque chose de mal défini. On confond la correspondance des objets 111athématiques ou scientifiques entre eux, laquelle est susceptible d' être très précise, avec la correspondance r..\ ßELlG)O' ET LES I nllTES DE L \ srIEl\CE 23a d(' ces objels avec l'expérience. Or l'expérience, si on lïsole des concepts scicntifiqucs qu'on y InNe, Jl'e t plus qu'un entiment très vague. En définitive, nous ne S3.\"ons qu tune chose c'est que teIle théorie réu ::'\it s('n ibl(,Inent dans la pratique. Mais comment déter- miner Ie degré de vérité que doit po",séder une hypo- thèsc pour être pratiquement utilisable? C'est un fait reconnu en logique. que de prénlÏsses fau ses on peut lirer une conclusion jusle. ous cxpérimenton::'\ chaquc jour qu'une méthode peut réus ir en perfection ans n\"oir 3ncnn rapport inlrin èque avec la réalilé. Tel les ptocédés mnémotechniques. C'est ce qu'on appelle des recette cmpiriques. Qui prouve que noire scicnce_ dont reJnpiri n1e est Ie point de départ, ne demeurp pas cmpirique dans 8es résuItats? Tellp qu'elle nous e t donnée, Ia réussite sciëntifique ...;up- pose. entre notre science et les choses, une ('erlaine corre"pondance_ non une idcnlité, et une correspon- dance qui, elle-même, n'e t finalement qu'une nution pratique. Avec quoL préci émcnt nos théories scientifiques présentent-clles ceHe correspondance mal définie qui démontrerait leur vðri té? ..\. vec lOexp rience. avcc le faits. On admet que les faits sont là hors de l'esprit, el que celui-ci trouye Ie n10yen d'y conformer scs conceptions; et on dil la science vraie, parce que ron suppose qu'clle représcnte de plus en plu exacte- menl celle réalité extérieure qui ne dépend pa dOcile. Iais tou te cette construction i maginative e t arli- ficieHe. En réalité, Ie fail avec lequel Ie :;avant se met d'accorù n'est pas quelque chose de brut et d'indépendant de l'e:5prit : c'est Ie fail scientifique; et celui-ci, f;i 1'0n en crute la formation. apparait comme ayant été façonné déjà_ arrangé, fabriqué l'n quelque orle, de manière à pouvoir se rapporter aux ?-í0 SCIE:\CE ET r.EJ.lGIO lois hypolhétiques que la science a enchâssées dans ses définition . II importe de rlistinguer Ie fait scientifique du fail brut. Cclui-ci, d'oÜ qu'il vienne, n'est que l'étofTe oil la science découpe à sa mallière, ce qu'elle appellera les fails. Un fait cientifique est, lui-même, ]a réponse it un que:,tionnaire; et ce questiùnnairc n'est autre que la sérir des lois ou hypolhèses déjà imaginées par l'esprit pour rendre compte de phénomèl1es du même genre. C'efo't au moyen de nos théories, de nos défini- lions, de la science dðjà existante, que nous énonçons, que nous (!élerminons, qne nous percevons les faits qui prendront Ie nom de scientifiques. Ces faits ne ont pas 11loins travaillés de Illanière à s'adapter aux théories que les théories ne sont composées de I:lanièrc à s'adapter aux fai ts. L 'accord des théories avec les fails est, pour une part f]u'il est impossible de délilniter l'accord ùe ces théorics avec elles-mêlnes. . C' est q u' en défiuiti vc l'intelligence humaine ne peul agir qu'intellectuellement. Et son mode d'action consiste, étant donné certaines formes et catégories. à se demander si elle y peut assimiler les chose:; qui lui sont otfertes. Elle ne connaH, elle ne perçoit qu'å condition de pos éder préalablement des lllouies de connaissance, de perception. Quelle est l'origine pre mière de ces connaissances antérieures ? Que repré- sentent-elIes? Que yalent-elIes '! Par :o5es tennes mênles. Ie problème dépasse Ie domaine des faits scienli- fiques. Tout ce que nous savons, c'e t que notre connaissance, noire perception, ne peut jamais être q u'une traduction, dans notre langage, des réalités qui nous sont ofTertes. II en est, à cet égard, des faits comme ùes lois; et même, il faut certainement dire que les faits ne nous sont donnés qu'en fonction de certaines lois, puisqu'ils ne peuvent être aperçus L\ REI f( IO:\' ET Lt"S I DIITES DE L\ S('JEXLE 2-Í 1 que s'il ..,onl rapportés par la conscience à des t) pes préexi tant en pIle. A cettf\ condition générale de. la connaissance, Ia science nc saurait e sC'lbtraire. Elle aU5-si, clle est ct nc pcut étre qu'ull langage. grâce auquel l'esprit c rend rl'lativen1cnt intelligible. c'cst-å-dirf> rcconnai:"sablc et maniable. Ie plus grand nonlbre possible des objets qui lui sont otTerts. Comment s'est fait ce langage? Quelle porLion de la réalitp est-il ::;uscepLible d'exprimer '? .\ ,.cc qupl degré de fidéIiLé? Ces questions sont évi- Ilelunlent elnbarra :,ante5. puisque l'csprit ne peut les abortlrr qu'à l'aide et au nonl de IH't;jugés fit'mes '1uïl s'ag-it de contrôler. En tout cas. elles ne dépas- ent pa l11nin Ie clolnaine de l'expérience scienti- lìque qUf' celui ùe l'e\.périence \"ulgaire. Ce qui re::, ùrt de res èonsidérations. c'est que la science n'e t pas une in1pre:,sion produite par les c'hosc5 lIr une intclligence passive. Inais un ensenl- hie de signes imaginé par l'esprit pour interpréter le choses au l110yen de notions préexistanLes dont I"origine première lui échappe, et pour acquérir, par t'e 11loyen. la puissance de les faire servir à la réali, ation de ses de5seins. * * * Une telle doctrine est. scmble-t-il, bien plus proprc que Ie duali Ine ritschlien å résoudre rationnellement Ie prublème des rapports de la science et de la religion. En etI"et. belon ceUe doclrine, la partie vivante dl' la cipnce, la somnle de connai.::,sances elTectives :-:ymbolisées par scs fornuIles, ne ditTère pas fonciè- ft'mf'nt du genre de croyancf\s sur lesquelles repose notre vie pr ltique. La science ne saurait. fl prim'i, c.lécréter que la irllpIc croyancc doit êtrf' hannie de :?l 242 CIF:-.rE ET RELIGIO:'J. l'esprit humain, puisqu'elle-même la suppose et la retient dans ::;es notions fondamentales. La crovanre religieuse, donc, la foi, ne peut être écartée " pour ceUe seule raison qu' elle est une croyance. II suffit, pour qu'elle puisse coexister avec la science dans une même intelligence, qu'elle ne heurte pas les croyances I véritablement revêtues de l'autorité de la science. [ais, à cet égard, la science ITlodcrne lai se à Ja religion une grande latitude. Elle ne prétend pas I avoir droit sur toutes le formes de l'être. Elle consi- dère les côtés de l'être auxquels peut s'appliquer Ja I catégorie scientifique, sans songer à nier que des catégories tout autres puissent rencontrer, dans Ie réel ou dans Ie possible_ une matière qui leur corres- ponde. Le savant denlande : Y a-t-il dans les choses des relations constantes? 5' ensuit-il qu'il interdise à la conscience religicuse lIe demander? Existe-t-il une pubsance capable de rendre Ie monde Ineilleur '! Non que la religion, désornlais, puisse ignorer les en- seignements de la science. Se réclanler d'eIle, C,est s'en- gager à la connaìtre et à la respecter. On ne peut nier que la science ne vive aujourd Ïlui d'un certain nombre d'idées. qui intéres ent le religions, du moins telIe" qu'elles se pré entent à nous dans leur réalité concrète. La plus importante peut-être est la notion d'évolution. II est très difficile_ et c'est sans doute un problèn1e plus Inétaphysique que cientifique, de savoir ce qu'est au juste cette évolùtion_ ce qu' elle implique et signifie_ quant à son origine et à sa nature. Iais elle a un sens phénoménal et scientifique sur lequel lout Ie monde s'accorde_ c'est que Ie:; êtres vivants et peut-être les choses en général, changent, ou peuvent changer, non seulement dans certaines de leurs manifestations, n1ais dans l'ensemble de leurs manières d'être, et que l'on ne peut, a priori, limiter la profondeur de r \ nrJ IGIO," ET LES [I\IlTFS DE L \ (,IE\Cr:: 2 3 co changement. Soil que lcs transformations 'orèrenl dans l gernles, oit qu'elles résulten1 de l'influcncc du n1ilicu, oit qur ces deux causes concourent, toujours est-il qu'il n'y a plus de différcnce tranchée entre la nature cJ'un être et scs modificatiOn , el que co qu'on appelle les caractères essentiels d'unc espèce peut désornlais être COllÇU comme une sÜnple pha e d'évoluticHl, devenue relativement stable. Or il existe actuellement toute une école de théolo- gieIl qui s'appliquent précisément å mcttrc l'histoire e téricnr{) de la religion en accord avec ces théories. 115 partent d"une distinction que tout homme qui réf1échit e t anlené à faire en toutes choses, et' sur laquelle repo e,. à vrai dire, toute vie, toute action: la distinction du principe et de l'application, de l'idée et de sa réalisation. Nous ,"oulons avec notre pensée, nous réali ons avec le cho e . Il s"ensuit qu'il y a, dans une action, dans une réalisation quelconque, qUt\lque chose d'autre que la pen ée, à savoir une forme matérielle, qui, si les conditions extérieures ,"i nnent à se n10difier, devra nécessairement se madiner d'unc luanière corrcspolldante, SOllS peine de changer de sens et de ne plus exprimer la même pen ée. POllrquoi nos écrivains du XVl e siècle ont-ils aujourd'hui hcsoin d"explication, sinon parce que la langue a changé? Pour dire aujourd'hui cela même quïl ont vouiu dire, il faut souvent employer d'autres mots. Toute action. toute vie implique cette di4inction car la ,'ie con iste à ;:;ubsister au moyen du milif'u dans Ieqllel on se trouve; et quand ce milieu change notablement., l'êtrp vivant est placé dans l'alternative, ou d'évoluer, ou de òisparaitre. La religion ne peut so boustraire à ceUe loi. Elle yi e lléce "airelnent it être efficace, et elle ne peut l'être qu'en parlant à l'homlne son langage. Elle 244 SCIE:\"CE ET HEI IGIO n 'oITre it re prit un sens saisissable qne si elIe est, cn quelque manit"'re, (Iju tée allX ealégories qui pré- existent Jaw: cet esprit et ui con:5till1ent on élalon dïntclligilJililé. J )onc il y a dans toute religion réelle deux parties, quoique Ie point oil finit rune et où com- luence ran tre ne puisse rtre Inarqué avec exactitude: il ya la religion proprement dite, vie, yolonté, action; et il y a la réalisation visible de la religion, ou cOln- binai:;on de la religion proprement elite avec les condilion ù'existence inhérentes à Hoe Ocil té don- née. Le premier élément est imn1uable. au sens symbo- lique que preod ce mot, quand 00 [applique à un prin- cipe spiriluel, essentiellement vivant. l.e seconù est, hon gré 01aL gré, solidaire de l'éyolulion des choses. 1.\"on seu len1cnt done Ie théologien dont nous par- Ions respecte les données de la science et ne s'obs- tine pas à mainlenir telle ou teIle croyanrr sous une 1'onne qui apparait aujourd'hui con1nH ÏInpo..;sible; Inai il incorpore it la théologie elle-Inême les prin- cipes dont la scirnce a élabli la cerlitude, en parlicu- lier Ie principe de l'évolution. La pensée prelnière créatrice et directrice, demeure; mais les interprélations qu'elle reçoit, les formul'3s par lesquelles ellc se rend extérieurement commu- nicable. les institutions qui en développent I'action Nrr cntClldl1CS dans Icur sens liltéral el InaLéricl, doi,"cnl aujollrò'uui, si on ycut Ic 1113inlcnir, t\lre prisc:-; dan:-: un scn n}étaphori'lue seul compatible ayrc Ie progrès des connaissances. La parole: (( II est dcsccndu aux curers. il est JIlonté aux cieux)), par r\:clnple. ne pcut con crvcr S(I yaleur. que si, lais- anL de côté une localisation matériellc aujourtl'hui imro siLlc, on cherche, à traycrs l'inwge. Ie eIlS pirituel: l'idée tlu rapport de l'âmc du Christ ayec Ips justcs d,. l'ancienne loi, et la glorification finale de on hUHwnité. · Un ne aLJrail tPailleurs juger futile et chilnérique cet ernploi de l'interprétation allégoriquc, sou pré- textc que, de tout temps, les doctrines nlenacées y Ollt eu rccours. et en ont abusé jusqu'à la puérilité. La Inétaphore est Ie langage n1ênle de 1110InIne; eC si nOlls y prenons garde. nous n'eml'Ioyons presque aucun mot dans son sens propre. Ce qu'on appellc la vie des mots n'cst aulre chose que la nécessité où nous :-:onlmes de fairc évolucr Ie sens des 1110tS confornlémenl au changenlcnt des idée si nous vou- Ions les conserver à travers ce changelnent mênle, ain::;i que I'exige 130 vie sociale. L'idóe ne pent, imnh diate- Inent, créer sa 10nne; car alors elle ne serait cOInprise par personne. Elle adopte néeessairement, au moins {Jour un temp:" la fOl'n1e donnée, laqnelle, pour la ociété existante, constilue l"étalon dïntelligibilité; et, à raide de ceHe fOflue qui n'élait pas faite pour elle. elle s'exprime, en superposanl ou en substituant au ::;ens liltéral un sens métaphorique. L'existence et}p déycloppement de la religion nc ont done, selon récole que }'on peut appeler pro- gres i te, nullenlent gènés par la science moderne. Au fonù des religions se trouvent les vérilé reli- gicu5cs fondaluentalcs, que leur caractère e ...:enlielle- 21. 246 SCIEì\'(.E ET RELIGIO ment métaphysique soustrait au contact d'une science dont Ie phénomène est Ie seul objet. Les religions contiennent, en outre, de nombreuses e pressions quasi immédiates de ces vérités fonda- mentales: dogmes et rites spirituels en quelque 80rte, plus ,-écus que formulés, lesquels ne comportent guère de conflit avec la science. C'est ainsi que Ie Christianisme appelle Dieu père; les homines fils de Dieu, et, comme teIs, frères les UllS des autres; pareillement il enseigne Ie royaume de Dieu, Ie péché, Ie saIut, la rédeulption, la conlnlunion des saints. Reste Ie détail des dogmcs et des rites. En tant que ce détail contient des éIéments elnpruntés aux connaissances et aux institutions d'une époque déter- minée, il arrive qu'il se trouve en désaccord a, ec les idées et les institutions d'une autre époque. Cela ne signifie autre chose, sinon que la science et les insti- tutions d'hier sont, sur certains points, en contra- diction avec celles d'aujourdllui. La religion n'est pas responsable de ces variations: eUe ne saurait en souffrir. Elle se maintient identique, en évoluant exté- rieurement. Deux modes d'évolution sont d'ailleurs concevables. Ou la religion conservera ses forlnules, legs d'une science et d'une civilisation antérieures, mais en déga- geant, du sens littéral et matériel, Ie sens spirituel que celui-ci recouvre. Ou, reprenant la fière tradition des saint Paul, des saint Athanase, des saint Augus- tin, des saint Thomas, des grands organisateurs de Ia dogn1atique théologique, elle ne craindra pas de s'approprier les notions philo ophiques et scienti1ìques de l'époque présente, pour en faire Ie symbole, tou- jours contingent sans donte, mais immédiatelnent intelligible pour les générations actuelles, de la vie religieuse, éternelle et inexprinlable. L I\ELIGIOX ET LES LUIITES DE L.\ SCIEXCC 24ì. II LES DIFFICULTÉS DE LA PRÉCÉDENTE DOCTRINE. Le système qui fonde la religion sur la critique de la science, embrassé par les uns avec une ardeur par- fois combative, a, chez d'autres, soulevé de vives objections. Un grand bruit s'est fait, il y a quelques années, autour d'une formule qui résumait ce sys- tème à un point de vue polémique: (\ la faillite de la science )). Des éloquentes protestations que souleva ce cri de guerre il est parfois difficile de dégager des argu- ments concluants. Ainsi I'on s'est complu à énumérer les grandes Jécouvertes de Ja science moderne, et sur- tout les merveilleuses applications de ces décou- yertes. [ais il est précisélnent question de savoir si ces progrès. qui se rapportent principalenlent à la yie matéricIle. suffisent å réaliser les promesses que. nlaintes fois, la science d'hicr avait failes, touchant la "ie, non seulement matérielle, mais politique et morale. de l'humanité. D'autres ont dit: La science n'a pas fait faillite. car nulle science sensée et \"éritable n'a jamais pu promettre ce que vous accusez la science de n"avoir pas donné. Cette réponst' impliquait que la science n'est pa Ie tout dr rhomme. A travers ces apologies de la science moderne cÏr- euIe, toutefois, une idée capitale, que cette science, en eifet, imprilne de plu en plus dans les e prits : celIe de l'irnpossibilité d'a signer une limite à f;es progrè!o-. Sans doute, il y a de profondes différences :2.í8 SCI L\CE ET HI:! IG IO entre I'ordre physique et 1'0rJre moral, entre les sociélés aniInalcs et les sociélés IHllnain s. 'Iais la distance qui sépare la matière illorganique de la Iuatière \"ivante, ou Ie mouvement réel de Ja méca- nique abstraile, ne paraissait-elle pas, elie aussi, infranchi sable? Et pourtant la continuité s'établit, de plus en plus, entre ces règnes en apparence séparés. Pourquoi interdire à l'avenir de réaliser jusqu'au bout Ia coincidence de la science ayec l'être, sous toutcs ses formes? On allègue que, de tautes les inventions de la la science, aucune ne répond aux exigcnces morales de la nature humaine, et que la science à venir n'y satisfcra pas da,rantage, parce que ces exigences sont cxtra- cien Lifiques. :\Iais on s'abuse sur Ia valeur de cette objection. La conquête de vérités certaines a créé dans l'esprit du sayant un entinlent précis de la certitude et de Ia compétence. A eette mcsure, dé:;:ormais, il rapporte toute activité intellectuelle : il tienl donc pour vaines et iHégiLinles les recherches qui ne s'y ajustent pas. Certes il ne c risque plus, comme autrefois-, à énoncer I(les résultats absolus, hors de proportion avec nos llloyens de connaìtre; il déclare lui.même que toute cience e t relati,-e. Mais cette expression veut être pri:se dans son véritable sens. Elle ne signifie pas -qu'en dehors du domaine où se meut la science il y a un autre domainr, celui de l'absolu, OÙ il serait loisible à d'autres disciplines de se donner carrière : elle interdit, au contraire, à l'intelligence humaine de s'aventurer dans tout domaine qui ::;erait inacces- sible à la science. Car si quelque chose est incon- naissable pour la'science, cet objet est, a (ortim'i, .inconnaissable pour toute autre disciplione. Et, forte .du sentin1ent d'une cor1pétence qui n'appartient 1.\ HEr IGI() Er LES LI1nTES DE L.\ SfIE'\fE 2.j9 fJu'å elle, là oil ('lie dit : je sais, la science veul dire: c('la est, à savoir pour J'csprit hUInain ; t't là oil cIle dil: jf' ne sais pa , clle entelld dire: que nul ne pré- lendû savoir ! II n 'e:,l donc nllllflB1cnt ( yiùcnt que la ,cience mo- dl'rne, maIgré e:o- air" de modes lie, soit I'lu:o- f(l\-orable que la science c..logmatiquc au libre déyeloppèlncnt de la religion. Du point de vue dl\ la science. la religion o'(I:--t qU'UIl ensemble de conception') arhitraires; car clle ne peut, de la scicnce, revèlir que la fornle, nOIl f'an danger d'ailleur:-; pour sa pro pre inLégrité, COllI me Ie montre l'exemple de la scolasLique. Quant au prin- cipe interne de la religion, il ne peut é\'idl'J}}I11t'\nt ètre a i nlÌlt aux véri té ù 'expé riellce objective. q ui cu les ont reconnues par la science. Et il ne :-;ufIH pas ù'allé- ller que ce qu' Qll enlend Inaintf'uir. par deliL If's lirnitcs de la cience, Ct' n'cst pas nne autre cience, mais line cl'oyance. {jne croyance, au point de vue ...cienlifìtlllC, n'a de yaIeUl' que si elle cst à la foi:--; fondée ur rob èrvation des faits ot orientér dans Ie ,;;el} de la :,cience. Bornéc au don1aine qu'il lui !'elnble que Ja scÎcnre lui abandunne, Ia croyanc(' rrligiruse ne pent. Int-me (lans ccs lin1Ïtes, assurer :,on inlh pcndance et sa. libf'rté de développPIHl'ut. Chaqne pro rè dl'\ la scicnce la nlenace. Ellc ::mit anxicu cmcnt Irs ,'icis itllJe d.. l'explication scientifique des chases, croyant yoir, ici, nnr fi...; urc c proùuil'e, lå, une lacune c conlbler. Ellr proyoque ellc-même. par son zèle intenlpérant it 5o'adapter, à 'accomn1odcr, une comparai oll qui lui c t défavorable. Car, à l'nllurc décidée et conqut'-rautp de la science, on oppose éS incertituùes èt a tirui- dité; et la religion cmhle n'exisler plus que COlllIne un grand nom, jadis sllrportt par une grande chn--e, anjourù'hui pur souvcnir, que la piété et l'inlagina- 230 SCIEl\CE ET RELIGIOX tion des fidèles s'irigénient à revêtir encore des cou- lcur de la réalité. Tel ont les dangers qui menacent la religion, si ellc e horne à e,;sayer de tireI' parti des lacunes que présente la science. Selon de nOInbreux savants et philosophes, toutefois, ces danger:; ne seraient pas réeb. On en lncnace la religion parce que 1'on per- sistc à considérer la science comIne hostile; mais c'est là un préjugé. Qu'au lieu de tant raisonner sur la science et ses conditions, on examine quelques-uns de ses résultats les plus ilnportants; et l'on trouvera qu'cn deçà n1ême de ses Ii mites, la science est orientée dans Ie sens de la religion. II importe d' exam:ner cette manière de voir. L,\ RELIGIO ET Lr.S I nlITES DE L.\ SCIE CE 231 III LA SCIENCE CONSIDÉRÉE COMME ORIENTÉE YERS LA RELIGION. En Jppit de la réputation de malérialisme et de naturali me qui ouvcnt accompagne la science, nornLrcùx ont les philosophes et les savants de prufession qui persistent à nier que les n1éthodes tìl Ie contenn de la science soi nt en oppo ition avec les princi pes de la religion. II en est, et non parmi Ie::, moindres, qui croient pouvoir maintenir Ie point dfì vue scola liqur de deux voie , dilTérente 'l uant à leur origine convergcntes quant à leur direction, ct qui trouvent dans les doctrines scientifiques modernes elles-mènles les rudiments des dogmes reli- gieux. C'ebt ainsi que certain savants discernent. dan l'évolutionnisn1e actuel. l'indication des dognles reli- !áeux de la personnalité divine, de la création de la chute. de l'efficacité de la prière et de l'imn1ortalité de l'âme 1. Tel éminent physicien 2 donne comme conclusion à la science moderne Ie Patel' de l"Évan- zile et les points essentiels du Credo de:, églises chré- tiennes. En général, toutefois, c'est d'une manière moins directe que I'on cherche aujourrl'hui dans la science une introduclion à la religion. Le point sur lequel on porte Ie débat est Ie cal'actère et la signification pré- cise des limites de la science.. Ces linl tes représen- tent-elles une pure négation, une négation absolue, en 1. _\rmand 5abatier, la Philosophie de l"eff07't. 2. Sir OIivcr Logde, The Substance of Fait",. ')- _oJ..,., SCIE:\'CE ET RELIGION sorle fJu'au d(îlà de ce qui la concerne, Ia science nous intel'di e yérilablement de rien chercher, de riea concevoir? Uu ne sont-elles qu'une négation relative. ce qu' ...\rislote appelle une privation, Ie Inanque d'une cho e qui cst appclée, exigée, ÌInpliquée par la chose Int;lne que r on possède? ScIon les savants qui nous occnpent. les limites de Ia science représentent proprement, pour l'e prit hlunain, la privation d'une connaissance qui serail llécc:3 air(' pour faire de notre science une connai'ì- :,ance con} plète. La science en sait asscz pour savoir qu'eIle ne se suffit pas. Ses principes sont des conceptg négatifs, inùéterminés quant à leur contenu. Or, il est impo ible à l'esprit humain de ne pas se demander ce qu'est unr chose, quand on Iui apprend simplemenl qu'elle n'est ni ceci ni cela. C'est done bien la science elle-mêlue, et non quelque activité psychi()lle rxté- rieure it la scirllce. qui enveloppe la po sibilité de quelque connaibsance suprrieure à la connaissance scientifique. (( La dernière dén}arche de la raison, disait Pascal, c'est de reconnaìtre quïl y a une infinité de choses qui la ::;urpa sent )). Et d'abord, en ce qui COllcerne son esprit et 80S méhodes générales, pourquoi dire que la science combat la religion? La science visr à soumeUre les phénomènes à des lois. c'est-à-dire à la régularité à la constance dans Ie changement, à I'ordre, à Ja logique, à l'intelligence. Elle cherche des lois sin1ples et univer elles, auxquelles elle puisse ramener la diversité et la complication des Iois de détail. Par là même eUe tend à ,'oir dans Ie monde une æuvrc une et harmonieu e, c'est-à-dire belle. Et, dr fait, un seul cspace, notre espace eucIidien, parait suffìre à expliqner toules les propriélés de l'étendue réclle ; L.\ ftEI.IGIO:\' ET LES LBIITFS DE LA SCIExrE 2::>3 Hnc loi uniquc la Iui ne\vtollienne, domine les phéno- Inènes du Inonde aslrollon1Ïquc. _\ la physique suffìsPllt pent-être deux lois fOllùamcntalcs : la COfi- sen-ation de l' éncrgie et Ie princi pe de moindre action. La science tend vcrs l'unilé, trouve l'unité: est-il done arbilraire de dire qu'elle va Yers Dieu? Iais, en même temps. elle se rend compte qu'elle ne peut l'aueindre. En eITet, sos principes ne sont que des hypothèscs sensiblement tolérées par l'expérience. El1e peut dire: nulle autre hypolhèse, jusqu'ici, n'a, aussi ,'ictorieusement, subi Ie contrûle des faits. ElIé ne peut dire: celle hypothèse est la yérité. Le mode mêmc de a connabsance : l'interrogation de la <- nature au Inoyen d'une hypothèse, lui permet de lrouvcr des explications actuellement suffisantes. non de convertir ses explications suffisantes en expli- cation nécessaires. Et pourlant l'explication positive e1 aLsolne ne peut manquer d' exister. La science nuns en persuade, en même temps qu'elle constate son iInpuissance à la fournir. Selon la philosophie dite mécanique i, les propriétés des corps s'expliqueraient par un principe clair et posilif, la matière et Ie mouvement. Il faut remarquer qu'aujourd'hui, panni ceux-là mêmes qui lllainLien- nent l'en1ploi légitin1e du modèle Inécaniqne pour l' explication de tous les phénomènes, bien peu enten- dent dire qu'avec des in...trlllllents suffisammcnt puis- ant on pourrait percc\'oir les mOllye01ents q LI'il imagincnt. lis se servent du mouvemenl comme du synlbole Ie plus commode dont nous ùisposions pour truuver et exposer les lois des phénomènes. Iais beaucou p de physiciens considèrent ce sym- 1. V. Lucien Poincaré, La Physique modernB. 22 234 SCIFXCE ET nELlr.IO holr lui-même com me inutile, ou camme susceptibie d'être éliminé, comme un simple auxiliaire, en tout cas, dont Ia science n'a plus que faire quand son rôle est ren1pli. Selon eux, la tentative de ranlener au mouvernent r ensemble des phénomènes obse;vables a échoué, Inalgré les inventions, de plus en plus sub- tiles et cOlnpliquées, des mécanistes modernes. La voie de runification véritable a été tracée par la thermo- dynamique, devenue l'énergétique. Or, cette Rcience se constitue en faisant abstraction de la nature propre des choses, pour n'en considérer que les In.anife::;tations n1esurabIes. Ce que l'on mesure est-il de l'étendue, ou du mouvement, ou tout autre chose? Pen importee Les mesures suffisent à trou- yer les lois, à édifier des théories, à dégager des principes qui permettent de classer les phéno- Jnènes connus, et, par yoie déductive, de poser à la nature des questions nouvelles? Que veut-on de plus? L'énergétique, en recueillant tout ce que la science contient de strictement expérimental et scientifique et en rejetant tout résidu métaphysique et invéri- fiable, a réalisé la forme la plus parfaite que la science physique ait connue jusqu'à ce jour. Qu'est maintenant celte énergie, dont elle fait son unique objet? Elle n'en a qu'une idée négative. Ce n' est ni Ie mouvement, ni aucune ùes réalités con- crètes que DOUS observons. C'est l'indication d'une connaissance qui nons manque. II paraît possible d'embrasser, par I'énergétique, toute la variété des modes du changement, c'est-à- dire, non s ulement Ie mouvement local, mais les mouveInents physiques propremcnt dits, c'est-à-dire les changements de propriétés et ùe composition, et tout ce qu' Aristote appelait altération, génération et corruption. Iais cette possibilité ne s'appIique qu'à I .\ nELIr.IO ET LFS I.UIITES DE L \ SCIEl'\CE ')-- _ J ,--> la fornll des phénomènes. Et cette forme n'ayant par ellc-même aucune propriété physilJue, les for- Inules qui la représentcnt scraient inutilisables, si le phénomènes n'étaient, par ailleurs, classés selon leurs ressemblances et leurs difTérences phy iques propreIncnt clites, c'est-å-dire selon leurs qualités. Ainsi la distinctiun qualitative subsiste pour l'intel- li3cnce du savant SOliS l'unité et l'identité de traite- ment n1athérnatique 1. Qu'e t-ce que cette notion de qualité? Évidcmment ce n' est, au point de vue scien- lifique, qu'une notion négative: c'est l'idée d'une condition, irreductible å la grandeur, des grandeurs que l'observation livre à l'analyse. Iais c'est en même temps lïdée d'une réalité, ce n'est done pas une pure négalion. C'est l'indication, donnée par la science elle-même, d'une face de I' être qui dép&.sse l'e périence sensible et la science. Des conclusions analogues se tirent de la biologie. C'est aujourd'hui l'opinion quasi générale que, :::-i la vie, òans son entrctien, ne con o (nme aucune éller- !!ie qui lui so it propre, elle ne peut toutefois, elIe- rnt'\me, ètre ramenée purement et simplement aux forces physico-chÏIniques. Cette thè e est mêmc FOU- yent exposée en de::; termes ::;i précis et positifs qu'il emLIe lIue Ie don1aine de la biologie soit Inoins limilé, quant à la connaissance de l'être, que celui ]e la physique. En eITel, non seulement on sait que Ia vir existe, et n'e t pas un pur mécanisn1e, mais n en donne la définition : e'est un consensus, une hi( raI'chie, une olidarité des parties et du tout, rl1nification d'élén1ents hélérogène--, une idée créa- trice et directrice un effort pour nlaintenir une or a- 1. Voir Dullem : La Théo7'ir physique, ID06. L'Él'oliition des héo1'ies physiqucs. Rc\". des quest. scielltifilluCS, Louvaill. oct. 18 (j. 25G SCIEXCE ET REIIGIOV nisation définie en ulilisant les ressources et comLat- tant les obstacles que présente Ie milieu. Toutes ces définilions ant un sens positif en Jnême temps que su pra-01écanique; et, quand on les tient pour réelle- nlent scientifiques, on en conclut faciIement que la science, d'elle-nlême, DOUS introduit dans un monde a.utre que celui des phénomènes proprement exté- neurs. lais on s'abuse si ran prend ces formules_ en ce qu'elles ont de positif, pour des données véritable- Dlent scientifiques. En ce sens, ce sont des métaphores, tirées des sentiments qui sont liés, dans notre cons- cience å Ia constatation de la vie. Elles servent au biologiste de signe, de point de repère, de formule pour decouper dans la réalité une certaine classe de phénomènes, qu'il appelle vitaux, de Inême que les mots: force, masse, attraction, inerLie, servent au physicien pour y découper les phénomènes qu'il appelle physiques. Iais, tandis que les symboles psy- chiques ont pu être, par Ie physicien, à peu près exactement conyertis en symboles mathématiques, les termes qui définissent Ia vie ont conservé, pour Ie biologiste, un sens subjectif. C'est pourquoi, au point de vue strictement scientifique, leur signification n'cst que négative. lis signifient que les phénomènes caractéristiq ues de la vie ne se ramènent pas au mécanisme physique, sont non mécaniqnes. par quelque côté. El, pourlanL, l'idée, même scientifique, de Ia vi n'est pas une négation pure et simple: c'est raffir- mation d'une inconnue, donl nous saisissons les ma- nifestations, alors qu'elle- même échappe à notre investigation objccthe. C'esll'envers d'une chose qui, nécessairement, a un endroit. Ce concept négatif qui, scientifiquement, cst lrès efficace, disparaìtrait et. LA RELIGIOX ET I E'" I DIITES DE LA CIEXCF C)--p _J" avec lui, ]cs explications relatives qu'il fournit, si ron supposait flue Ie positif inconnu qu'il double n'existe pas en rl 1 alité. L'éluùe du problèn1e de l'origine des cspèce.s ,.i vantes a déterminé Ie développement d'une théori qui, aujourd'hui, semble dominer la science entière: t:elle de l'é,'olulioll. Les ditférences qui distinguaient cette théorie des croyances dites orthodoxes ont induit d'abord à penser qu'elle était, de tout point, contra- dicloire it ces croyance , et que, la religion impli- quant : Providence, création, intelligence, liberlé, Ie mot évolution ne pouvait signifier que n1écani me, néce sité brute, l11atérialisme. Cepcndant la critique que la science elle-même a faite de cette théorie n'a pas lardé à montrer que l'idée J'évolution était loin d'être simple, claire et préci::>e, comme on avait pu se I'imaginer au premier abord; qu'elle comporlait bien des sens ; et, en tout cas, qu'elle n'était nullement cette négation pure et simple des idées de création, de liberté et d'intelligence, que I'on avail supposée. Et, remarquant que la théorie de- l'évolution introduisait dans Ie monde une unité, une continuité, une vie, une fécondité, nne harmonie, une orientation commune, que ne comporlail guère la théorie de la Hxité des espèces, un certain nombre de savants et de philosophes en vinrent à soutenir que, loin d'être opposé aux idées religieuses, l'évolutio- nisme donnait, du monùe et de son développement, une idée beaucoup plus grandiose et digne d'un rfPateur divin que Ie dogme traditionnel de la mul- I plicité immuable des formes fondam ntales. Cette ÍIllcrpfétation, à vrai dire, dépasse la signification scicntifique de 130 théorie. l\lais il n'est pas exagéré de dire que l'idée scientifique de l'évolution, plu::> encore que celles de la ,'ie nu de l'énergie, est, en 2 . 238 SCIF:\CE ET RELIGION elle-même, une idée incomplète, et proprement, UDP négation q ui u ppo e une affirmation. II apparaît auj ourd' hui comme établi que ce qu' on appelle l'espèce n'est pas une forme d'cxistence immuablo et éternelle. La grande objection que l'on faisait à Dar\vin: nous voyons des e pèces disparaitre, nous n'en voyons pas apparaitre, est mainlellant levée. L' expérimentateur, par voie de nlutalion brusque à tout Ie moins, crée des espèces. D'une espèce peu\ent en naîtrc plusieurs: plu ou moins divergentes. Rien done ne s'oppose plus, en principe, à ce que l'on considère la totalité des espèces exislantes conlme s'étant produites par évo- lution. Quel est Ie sens de cette hypothèse? L'évolulionisme soulève nécessairement la ques- tion de I' origine des variations. Il n'a pu, jusqu'ici, aboulir, touchant ceUe origine, à des I'olutions uni- versellcment admises. Il oscille entre deux tendance qui, l'une et l'autre, sont appuyées sur nombre de faits et d' expériences, et que, pour çelte raison, cer- tains savants cherchent à concilier et it combiner. Seion l'un de ces points de vue, qui rappelle celui de Dar\vin, la transformation initiale se fait dans Ie germe. Certaines de ces transformations se conservent, s'accroissent et deviennent de types stables. Selon l'autre point de vue, lequel fut celui de Lamarck, l'influence du milieu et refTort des êtres pour s'y adapter sont les ëauses essentielles des transforma- tions. Et la réunion ùe ces deux points de vue est très concevable. Car l'idée de modification dans Ie germe nOexclut pas celIe d'influence du milieu, non plus que lïdée d'influence du n1Ïlieu n'exclut celIe de modifica- tion dans Ie germe. L'adaptation au milieu peut reten- tir sur la production même des cellules reproductives, T \ RELIr.IO:\' ET LFS },J:\IITES Dr I \ SC'IL\( E 2:>0 comnle Ie prouvcnt certaines expériellces 1, et une lranç,forIllation dan 1(' gcrmp pent sc ombiner avec radap'tation aux conditions ù'existencc. Peut-oll dire que Irs concepl.;; employés dans ces cxpIi('ations soient, scicntifiquement. des concepts positifs ? La doctrine des varia( ions ùans Ie gern1e e plique ! ce:;: ,-ariations, soil par une borte de création pOll- tanée, soil par Ie développement, sous l'influence de quelque circonstance, de caractère latent:') pr( exis- tants. Ou création ou innéité. tclIes sont les hypothèses proposées. La doctrine de la réaction à l'influence du Inilieu impliquc, dans l'être ,'iTant. boit la propriété d'acqué- rir el de déployer une tendance déterminée s.ous l'influence de I'action uniforme d'une cau e exté- rieure soit In. propriété de se modifier soi-même, de manière à s'adapter aux conditions extérieures. Quant à. la fixation relative des Inodifications, eUe est assimilée à. une habitude que l'être contracle soit de. lui-n1ême soil SOliS l'infIuence d'un milieu relati- \CI11Cllt con lant. laIgré les apparences, il s'en faut que les concepts de créalion. d'adaptation, de conservation aienl ici un sens positif, du n10in au point de vue de la cience. Car ce qu'il y a de positif dans Ie <.:ontenu de ces concepts e"t subjectif, indéfinis ahle; réfrac- taire à l'expusitioll scicnlifique. Ces concepts vculent dire que l'on ne pent assimiler la formation des e..pèccs vivantcs à la production d'nn con1posé chi- n1Ìqur. En réalilé, ils sont bien plus éloignés de la langue scicnlifique que n'étaient les concepts impli- qués dans In. lhéorie des espèces in1nluables. Dans 1. Donnic}', Le !lIúlUlc t'é[Jélal, p. 32. 260 SCIEl'\CE ET nELIGIO celle-ci, Ie monde vi "ant, comme Ie monde inorga- nique, était formé d' éléments définis et invariables en nombre fini, dont les combinaisons diverses cons tituaient la hiérarchie des classes. Vivant, au con- traire, et évoIuant, non plus sculement dans chacun . des indi\.idus qui Ie composent, mais dans son ensem- ble, Ie monde végélal ou animal ne ressemble plus qu' en apparence à une collection Inatérielle, à un nombre fini d'unités fixes et homogènes. Le chan- gement y est conçu comme radical; Ie défini, Ie' stable, où s'appuie la science, n'y sont plus que contingents et provisoires. Ces concepts ne so nt, pour la science, que des négations et des énoncés de problèmes, car ils dépassent Ie point de vue mécanique. lIs suggèrent l'idée d'une explication analogue à celIe que la conscience se donne de ses acles. L' être vivant, selon les formules adoptées, veut Inaintenir et Jéployer sa vie; et, pour y réussir, il se détermine et se modifie selon les circonstances qui l' environnent. Ces explications sont d'ordinaire appelées téléolo- giques. Seion un pénélrant philosophe 1, il faudrait, f pour les mettre en harmonie avec les faits, les concevoir comme supérieures à la téléologie aussi bien qu 'au mécanisme.. La téléologie conduit à faire du monde végétal un degré inférieur du monde ani- mal et de IÏnslinct un degré inférieur de rintelli- gence, alors que ce sont là, en réalité, trois développe- rnents divergents d'une même activité. La production riche et variée, en des sens divers, répond à lïdée ùe création spontanée, bien mieux qu'à lïdée .d'une fin conçue d'avance et déterminant rhisloire de la réali- saLÏon. 1. Bergson, l' ÉVOl71lioll créall'ice. Ct. Rudolf Otto, .1Yalll1'alis- tisclte und religiûse 1relta71sicld, p. 14.-5 . L\ nEJ.IGIO\ ET U:S I DIITES DE LA SCIF:\fE 2Gl Quoi qu'il en soit de ces vues qui rappellent la doctrine piIlozbte de la vie, il semble incontestable que Ie contellu positif ùes concept:::; biologiques fonda- mentaux est extra- cientifique, et, conséquem ment,' que ces concepts, scienlifiqucment parIant, ne sonl que des concepts négatifs. II ne s'ensuit pas que la science puisse écartcr, COlnme inutile, chilnérique ct purement verbale, leur signification positive et subjcctive. Car, ell dcvenant purement quantitatifs, exacts et objectifs, ces concepts perùraient lout ce qu ïls ont de caracléris- tiquc'l et ùe pro pre à guider Ie aYanl dans fìe recherchés et dans ses synlhèses. Kant disait que, dénués ùe valeur constitutive. en ce ens qu'ils ne HOUS procurent aucune connaissance réelle, certains principes ant une valeur régulatrice, en tant qu'iLs pcrn1cttent de classer les phénomènes, d'organÍser des expériences, comme s'ils représentaient fidèle- Il1ent Ie travail réel de la nature. Celle doctrine paraìt applicable à la biologic aujourd'hui encore. Or die nuu Illontre la science suspenJuc à une réa- liLé qui dépasse ses moyens d'investigation. Les sciences morales enfin, sont, å cet égard, par- ticulièren1ent significatives. Ces sciences sont entendues de deux manières: so it comme sciences normaliyes, soit COlì1me sciences purelnent positives. Enlenducs comme sciences norrnatives, eltcs four- nissent direclement, par leur contenu propre, les prjncipe directeurs de la vie hUlnainc que 1'0n d mand(1rait en vain aux sciences phy=--il} ues. EJ[c oifrent au in1posent à I'holTIlne des fins à pour l1i,'r(\, tellcs que: Ie dévcloppen1cn t de la per onnali té. Ie devoir, Ie bonheur, l'accorJ de l'indi,-idu et ùe 1:1. 2U2 5CIF:\ïE ET RFI.Ir.IO:\" société, la justice, l'utilité générale, la solidarité, l'union des consciences. Or il est clair que de teIs objets ne sont pas, en eux-mêmes, des principe ultimes adéquatement conçus, Inais représentent des problèmes d'une nature spéciale, des problèmes que ron ne peut ré:::;oudre à l'aide de la seule expéripllce. Selon certainc personncs. ces objets ne sont autre chose qu'une perspective ouverte sur l'infini sur Ie parfait, sur Ie divino S'il en était ainsi, les sciences nlorales, par leurs idées directrice , seraient, elles- mêmes. une véritable introduction it. la religion. Un autre école assimile beaucoup plus troitement les sciences morales aux autres sciences. Elle vise à en faire précisément la science naturelle de l'homnle, con idéré dans ses manifestations morales et sociolo- giques. Les sciences morales étudient les actions des honlmes dans leurs modes et dans leurs causes, comme les sciences biologiques étudient les fonctions et Ie., formes d"existence de l'animal. Quant aux préceptes pratiques, ils sont, dans cette conceptio!1, des appli- cations de la science. mais n'en font pas partie. Toute science, en eITet, en tant que science, est théorique : la pratique la précède ou la suit, mais sans interférer avec elle. .A.insi entendues, les sciences morales auraient un n10yen stir de ron1pre toute attache à la religion, cr serait de se faire purement narratives. Elles se bor- neraient à constater que les hommes onl, à tra- '-ers les âges, parlé, dans tel on tel sens, de justice, de bonheur, de devoir, de droit, de personnalité, de solidarité ou de conscience collecth'e, sans avoir å se demander queUe est l'origine et la signification philosophique de ces notions, ni ce qu'elles ,alent. rais une science qui n'est que narratÏ\-e n"est pas proprement une science. Pour être analogue aux L \ nFL[GIO, ET LES I nTITF.S DE LA SCIE CE 263 r'iencc"\:, phy ique , la cience des phénomènes mo- , raux doH se faire explicative. La c;;cÏellce nlorale ne songe plus aujourd'hui, en génðral, à cxpliquer la vie de la conscience et la vie ociale par des causes purement physiques. Psy- chologie, éthique, sociologic, sans rompre les lien..; qui le attat:hent aux sciences t1e Ia matière, reven- diqucnt des principes propres. On expliquera donc le phénoIllènes moraux, non eulemcnt par les conditions ph) siologiques et physiques de la vie hUIl1ainc, n1ab aussi par des causes proprement mo- rales. telles que: les condition..; de la conscience, les propriétés de l'intelligence et de la volonté, l'influenre de;:, sentiments ùes tendances, des idées, Ie rôle spé- cial ù'idées tclles que celle d'individnalité, de I honheur. de devoir, d'égalité'l de liberté, de tradi- I tion, de conscience collective, de solidarité, d'huma- nité, de justice,d'harmonie, de progrès, de raison, etc. Que sont ces principes"! Au point de vue scient i- fique. ce ne sont que des négations. Ce sont des fan- tôme-; subjectifs, tenant la place de cau es objectives, que notre intelligence ignore et ne peut saisir en elle5-nlênles. Tout ce qu'il y a de préci dans les explications tirées de teis principes, c'est que les phénomènes en question ne s'expliquent pas par les cau...es efficientes dont nous disposons. Par Ull arti- fice logique, ayant fait intervenir des idées, ùes fins, la. vie cOll ciente en ce qu'el1e a d'insai issable, nou') rcvètOIlS de formules ces choses fluides, nous en fai- ;:)ons des espèces d'ètres et de forces mécaniques, et nous nou en ervons comme de causes efHcientes. Xous croyon..; alurs avoir (lonné une explication scien- ti1iquc. jIais comlnent déterminer scientifiquement Ie seu ct la \"(lleur de semhlablcs explications? Ð'où yient la vic morale. l'::e..piration au progrès, la prétention 264 SCIE:\"CE Ef TIEl ICIO:X de créer du nouveau et de faire mieux que 130 nature? Que voulons-nous? ÛiI allon -nulls? Réd uire tout ce possible à du nécessaire, tout cet idéal à du récl. tout ce futur contingent à des choses données est évidemment nr 'Voir dans la conscience qll'une pui - sanee mystificatrice. Et alors que deviennent les expli- cations qu'elle fournit? Ce ne sont plus que des expliea- I tions illusoires de phénomènes illllsoires eux-Iuêmes. Au point de vue strictement scientifique, ees idées I ne sont que des négations, la négation de la possibilité I d'une explication mécanique. lai ici encore, et ici \ surtout. il est ju te de dire qu'il s'agit de négations I impaI faites, solidaires d'affirmations corrcspondantes. Quel usage Ie savant pourrait-il faire de ces concepts, sïI devait, à l'exemple du malhématicien, se dé in- téresser de leur sens subjectif et pratique? II y onge si peu, que c'est ce sens subjectif Iui- même qu'il afTuble du nom de notion scientifique. I Quanù l'astronome raisonne, selon les apparences. com me si Ie soleil tournait autour de la terre, il sait qu'il peut raisonner égaIrment. et même qll'il rai- sonnera beaucoup plus commodément, en supposanL I que c'esl la terre qui tourne autour du soleil. Iai i Ie moraliste .ou Ie sociologue qui \"oudrait traduire Ie.;; apparences subjectives auxquelI('s il a affaire en ter- roes objectifs se verrait transporlé aux antipodes dr I Ia réa.lité qui l'intéresse, et ne pourrait plus en rai- :-;onncl' du tout. Pour parler des hommes, de leur I inùividuaIité, de leur personnaIité, de leur soli- darité, de leur conscience indiyiduelle ou collective. on est obligé de supposer que ces termes signifient . quelque chose, ce qui, au point de vue d'une science I objective, est très conlestable. Les. explications des I phénomènes par des concept moraux ou sociologiques ne sont autre chose qu'un appel nlal dis imulé å de LA n ELI(; 10'\ ET LES I J\IITFS DE L.\ SCIL\TE :.?G3 e}..plications qui dépa::;bent la portðe d'nnc morale et stituant, å la r1.i l)n proprement dite, facuIté surtout intellectuelle, racti, ité, dont Ia philosophie postérieure å Descartes a, de plus en plus, mis en évidence l'originalité et la yaleur'? La philosophie de raction ne permettrait-elle pas de ,"oil' la science et la religion dériver, dan l'e l->rit hUlnain, d'une source cOInnlune? 23. 270 SCIEXCE ET nELIGIO I LE PRAGMATISME. C'est une idée désormais familièrc aux savants, que J'e prit est attif dans la production de Ia science. lais ils entendent d'ordillaire par Ià que la découverte de Ia vérité demande de sa part de efforts, des inven- tions, l'emploi intelligent de tontes les ressources dont íl dispose. Us ne yeulent pas dire que la science en e.lle-mênle, Ia science une fois faite, ne soit qu'un Il10de de l'actiyité hUlnaine. Justifiée par les faitg, une hypothè e devienlloi. La manière dont l'esprit a découvert cette loi n'a plus désormais qu'un intérêl hi torique. Pour les philosophes dont nous avons å nous occu- per, au contraire, l'cspril, considéré dans son arti, ité, n'est pas seulement rageut de la science, il en est véritablement Ie sujet et la substance. Ce point de vue se rencontrc, adopté d'une façon originale, dans une célèbre école philosophique con- ten1porain qui =,'intitule pragmatiste. Selon les pragmatistes 1, non seulernent la science suppose un apport continuel de l'esprit actif, qui envisage les choses à son point de vue et crée des symboles appropriés à :::ion usage; mais clIe tend à l'ac- tion, et n'a pas d'autre objet que de eryir à l'action. Remontez à l'origine des concepts scientifiques : tou- 1. Voir 'Villiam Jame9, Pragmatism. New-York, 1907. - F. C. S. Schiller, The definition of pl>a[}l1latism and 11117ftallism. jíil1d. IDO;); Axioms as postulates, in : Pel'sonal idealism, edited by H. ShIrt. London, m02; Studies in humanism, 1Ð07. - La H.evue Lco7lm'do. Florence, Directeur : G. Papini. L\ PIJIJ O OpnIE DF L'_\CTIO 271 jours vous trouverez qu'iI dé igncnt des Inéthodes à SlÚ\rr pour vuir apparaitre tel ou tel phénomène. pour obtenir tel ou tel resulLat. Ce sont des règle pour l'action, des inlpératir hypolhétiques: hors de ceUc signitìcation, ils n'ont pas de contenu véri- table. Dne proposition qui n"cngendre pas de consé- quences pratiques n'a pas de seils. Deux propositions qui n'aboutissent pas à une difTérence dans la manière d'agir nc ùill"èrent que verbalement. Dire que la signification des fornuIles scientifiques c t purclncnt pratique, c'est dire que ces formules e rapportent, non au passé, mais au futuro La science ne considère Ie passé qu"cn vur du futuro Elle nous dit à quoi nous devons nOHS attendre si nous aecon1plissons tel ou tel acte, quelle sensation se produiront en nous, si, actuellcment, nous éprou- vans telle ou tclle sensation. Dc là, l'idée pragmatique de la vérité. La vérité n'est pas Ia conformité de nos conceptions à. telle ou tcIle partie d"un tout. donné d'avance et une fois pour tontcs (ready-made), qui répondrait au nom rle monde: c'est purement et sirnplement, Ie ervice qu'une conception peut nou;:, rendre, si nous nous pro- po ons tcl ou tel résultaL V érité veut dire yérifica- biIité, et ,-érificabilité signifie aptitude à nous guider à travers I'cxpérience. La vérit..-; d'une conception n'e l, dès lors, jamais cerlaine qu'après l'événement. Et une vérité démontréc ne pent, rnên1e en droit se rapporter infailliblemel1l qu"au pas é, non à l'avenir. Ce n'est pas tout. La science. non seulement ne vise que l'action, mais est elle-même action, puis- sance efficace et créatrice. Cel aveniI') que vi::;ent es inductions, e...;t-il prédéterminé? Est-ce notre igno- rance seulc qui nous elnpêche de Ie préùire infailli- 2 _0) i...., SCIEI\'CE ET RELIGION blement? Les rationalistes l'affirment. Pour eux, Ia réalité est faite et complète de toute éterniLé. Selon une forn1ule célèbre, Ie présent est chargé du passé et gros de l'avenir. Tout autre est Ie point de vue des praglnatistes. lIs estiment que la réalité est yérita- blement en train de se faire, et que Ie futur n'est pas préJéterrniné dans Ie présent. Et, parmi les cause<; qui créent l'avenir, i[s placent en prenlière ligne la science elle-même, qui, libre et humaine, impose à la nature des effets qu'à elle seule celle-ci ne pro- duirait pas. Bien plus la croyance qui, dans notre conscience, accompagne nos idées, la foi dans la réalisation d'un événement est, elle-même, selon les pragmatistes, un facteur de cette réalisation. La foi peut créer sa propre vérification expérimentale, et devenir yraie par son action même. Et la foi n'est pas, dans l'âme humaine, un état sura- jouté du dehors, et soustrail à l'intluence de la yolonté. Sans cloute, il n'est pas en notre pouvoir de nous donner une croyance quelconque. Iais la vie pose deyallt nous des alLernatives OÙ l'option", non seule- nlent n'est pas ill1posée par lïntelligence, mais serait impossible, si nous étions réduits aux raisons pure- ment intellectuelles. Tels les problèmes religieux, pris dans leurs termes essentiels et praliques. La société humaine, Ie monde, l'univers sont-ils pour moi la chose dont on dit: Cela; où sonl-ils Ie proche à qui l'on dit : Tu? l\Ia conduite sera tout autre, selon que je me déciderai dans run on l'autre sens; et la décision dépend évidelnnlent de ma ,'olonté. II dépend de moi de croire ou de ne pas croire à mon devoir envers les autres et envers Ie monde, et, par suite, de modifier ou de laisser tel quel Ie cours des événements. La ,'érité elle-même est done, dans une mesure 1..\ IJIlILOSOPIIIE DE L'.\(TJO 273 qu'il est impo5 ible de définir, un produit humain, non eulcmenl p3rce que c'cst I'hommr qui fait la science. mais parce que robjct mênlC de la science, l't.tr'e, dont il semble que la science ne soil qll'un eITet úu une représentation, loin d'être une chose faite de toute éterllité, se fait conslamment par l'ac- tion des êtres concrets qui en ont la substance, et, en particulier, par l'action humaine, appuyée précisé- ment sur la scicnce et sur la cro 'ance. , . 27.í CIE CE ET I\ELIGIO:i II L'ID.tE D'UNE PHILOSOPHIE DE L'ACTION HUMAINE. 11 serait dificile de dégager la part de l'action danr;; la science avec plus de pénétration et d'ingéniosité que n'ont fait les représentants du prag.matislne. Iais on se delnande si Ie caractère et la signification de cette action même ne demeurent pas, dans celte doc- trine, du moins, si on la prend it part, quelque peu indéterminés, ce qui, à vrai dire, paraît déjà res ortir de la grande diversité des f;'sprits qui se rangent ou que ron range sous Ie nom dp pragmalistes. Dne idée, une croyance vraie. nous dit-on, c'est une croyance vérifiable, bienfaisantc. efficace, une croyance qui paic. .Mais Ie sens du n10t payer varie it I'infini. Tel n'acccpte en paiement que des espèces sonnantes. Un Xe,vton ambitionnc d'être payé en géné- ralisations qui ralnèneront à l'unité les lois de runi- vcrs. Celui-ci denlande it la science la jouissance ma- térielle. Celui-Ià attend d'elle I'orgucil de savoir et la suprêlne joie de pénélrer Ie mécanisIne des choses. Tel autre appclle bienfaisant ce qui favorise la paix de I'fnne, ou Ia force morale, ou l'accord òes idées entre elles, ou l'expansion et l'agrandissement de l'être, ou la réalisation d'une snciété à la fois une et libérale, éprise des fins idéaIcs òe l'humanité. Xulle de ces vues n'est exclue par Ie pragn1<.tlisn1e : aucune n 'est Iogi- ì quement imposée par lui. C'est une méthode plutôt: qu'une doctrine, c'cst une détermination du rapport I de la théorie à la pratique, plutôt qu'une théorie de la : pratique elIe-même. Et ainsi Ie pragmatisme. comme tel, n'épuise pas l'idée de la philosophie de l'acLion. LA PHILOSOPIIIE DE L' \CTION Q-- ....IJ Jaloll\: de Ja réaliser plus complètemcnt, un cer- lain llomLrc ùe pCllseurs s'eITorcellt de Inontrer, pré- sente au c(cur de la science, non scul0ment une préoccupation générale d'effic3.cilé eL de pratiquc, luais l'aclion, au ens plein ùu mot, l'action, a\cc les caractl'rcs positifs qui Ia distinguent cle 130 simple intervention dans Ie cours des phénomènes, et qui "-euls la défìnis Pllt comme action yéritable. Les doctrine:s issues de ccUe pensée sont, à la \ érité, fOl"t diverses elles-mên1es, et, pour les con- nailre dans leur préci..::ion il faudralt les "étudier :-,éparément. Elles ont. ÙU moins une tendauce com- mune, quïl n'esl pa:; ÎOlpos':ìible de dégager. * * * En ce qui concerne la science, cette tendance est la snivante: QuantI nous soutenons, disent les représentants d'ulle pbilo olJhie fort répaódue depuis quelques dnnét':5 t, qu P les po lulat , principcs et JéIìniLions de la science sout Jes conventions, des ef1"ets d'un choix arbitraire, nous enlenùon:5 dire qu'occa- bionnés, buggérés pent-rtre par l'expérience, iis ne sont ni peuvcnt être imposés par elle. Entre l'expé- ricnce et les concepb dont nons nous ervons pour l'interpréter scientifiqucment, il y a solution de conti- nuité. lais il ne s'ensuit pas que ces concepts soient des inventions factice . La Jétermination qui n'cst fournie que très incom plètement par Ie:; chosc:;:.. a a rai:-;on dernit\re dans l'c'\prit lui-mcmc, qui illla- gine les hypothè c , qui cOll truit le définitioll'. Ce n'est pas Ie hasard, Cè n'est pas une acti,ité 1. Voir Poincare, lilhalld. Dllhcm, Le TIoy, Ha.'ffding, etc. 276 rIE:\'('E ET nEI IGIO:'i quelconque, qui exécute Ie travail scientifique : c'est une activité définie, dont il est possible de noter les caractères. D'abord, les idées à I'aide desquelles s'éòifie la cience sont de véritaLles inventions. Elles ne sonl pas seulement contingcntes: clIes sont fondées. elIes sont fécondes, elIes ont cette valeur intrinsèque qui distingue les créations du génie des caprice de I l'imagination. Et ces inventions se produisent dans tous les sens, avec une richesse, une variété. une nouveauté inépuisabIes. El chacune d'eIles lulle pour subsisler, se modifie, s'ajustc au progrès des eonnais- allces. et ne succombe (Iue pour proyoqucr des in- yentions nouvclles. A ces signes on reconnaît l'ac- lion d'un être véritable, qui fait effort pour sc L:réer, subsister, se développer, s'imposer. QuelIe cst la nature de cet être? C'est ce que manifeste la fin en vue de laquelle sont conçues toutes ces créations. On fait res ortir avec insistance l'etfort de l'esprit pour adapter sès idées aux faits donnés par I'expé- rience, et l'on a raison. La science moderne veut ètre une prise de possession du Il10nde réel, eL non pa5 la conlen1plation stérile d'un monde iInagi:laire. lai5 on s'abuscrail si par là, on croyait. ayoir éliminé cette nhilosophie hUlnaine de.., Platon et des Aristote, qui, TVeise {,'agen, Und ihre Antworl scheint J1111' Spott Uebel' den ji'rager Zll sein i. Enfin, s'il faut prendre les dogmes à la lettre, pourquoi fermer les yeux à l'évidence? lIs sont, en ce sens, formcllement inconciliables a"ec la science. Pour toutes ces raisons, la question se pose désor- I mais en ces termes : ou les dogmes tomberont, ou ils I seront entendus dans un sens autre que Ie sens théori- I que proprelnent dit. i La recherche d'une signification des dogmes qui ne soit pas essentiellement théorique constitue-t-elle une ; entreprise audacieuse, la substitution d'un point de ,"ue nouveau au point de vue traditionneI? Il résulte, selon nos auteurs, de l'analyse même des dogmes et de l'étude de leur histoire qu'il ne se donnent pas eux-mêmes pour des connalssances, J 1. Gæthe. Faust: Tu pcru interrogcr les prêtres et les sages: leur reponse a l'air d'une moquerie envers l'interrogateur. . L.\ PHILOSOPIIIE DE L'ACTIO:'4 283 surtout pour de", cùnnaissances positives et adéquales. Leur ::;ignificalion est, avant tout, néöative, (( lYon hoc n me, F"l'alres, expeclalis, dit saint Aug-uslin, ut f'.rpliêem vobis quomodo cOflnoscat Dells. Iloc solum dico: A'oll sic coglloscit ul homo. )) COffilnent prendre pour un concept positif, clair et di linct.le concept de la personnalité divine? L'assem- I>la:;c de ces deux mots jette l'espl'it dans un abìme de diftìClllLé . Ce que ce dogmc dit cIairement, c'e t que Dieu ne pcut êtrc conçu comn1e une chose, cornn1C un objet analogue à ceux que nous connais- OIl:O; pal' le scn . ..\in i que Ie ,lit saint Thomas, de qui la foi, en son1ffiC, éLait à l'éLroil dans Ie forma- lisme scolaslique, le dogmes òéfinissent les choses di vi nr négati vement, via 'l'en otiol1is : en écartan l les dt terminations qui ne leur cOllviennent pas. Est-ce à òire que l'être y soit simplen1cnt conçu ell fonclion du néanl, cc qui ne donnerait lieu qu'à une affirmation abslraite, sans portée véritable? Confus el indéfiniß able, enseignait Leibnitz, ne veut p3 dire nul; el il e::;t parfaiteIuent légitilue d'achncttre que nons avons d'unr chose quelque idéc etTective, bien que nous ne puissions la penseI' ùistinctcment. sur- tout lorsquïl s'agil d'objets qui. par essence, dépas- ent Ie cadre lIe nos concepl:-:. ous vivons, en réalilé, ùe concepts que nous n'entenduns que confusément. lls précèùent et dirigent, et l'aclion, et la recherche cientifique elle-n1ême, laqllelle, en définiti ve, n 'est autre chose qu'un effort pour les réduire en idées ùislmctes. Considérés au point de vue pratique pt nloral les dogmes redeviennent clairs et po ilifs. Qu'est-ce que la per onnalité dÌ\-ine? Au regard de l'entendelnent je no puis Ie dire. Iais jo conlprend immédiatell1enl ce IJrécepte: COlnportcz-vous, dans '.05 relations avec 286 SCIE::\CE ET I\ELIGIOl' Dieu, comme dans vo relations avec nne per onnet Si un dogme est, avant tout, une prescription pra- tique. il ne s'ensuit pas qne les formes théoriques SOllS lesquelles les dogmes sont communément présentés aux hommes soient méprisables on indifférentes. Ces formeb sont néces aires: l'action humaine n'est pas détachée de la pensée, non plus que la pensée réelle n'est séparable de tonte action. L'action qui est Ie lieu du doglne est la pensée-action, l'action une avec une idée qui, pour êlre confuse, ainsi quïl est inéyi- table étant donné la disproportion de son objet à notre entendement, n'en est pas moins nne ébauche dïn- tuition intellectuelle, une excitation à penser, nne source de conceptions et de représentations. Le dogme n'est donc pas une proposition exclusivement pratique: il contient un élément théorique. Dans l'esprit même, la lettre est en pui sance. Or il est naturel et utile que la lettre soit n1ise en relief et déyeloppée. L'intnition pure, dépouillée de toute représenta- tion, est insaisissable pour la conscience, et incoln- Inunicable. Le langage, avec sa floraison infinie, la science, avec son système de sYlnboles, notre monde extérieur lui-même, avec Ie choix de rapports dont il se con1pose, ne sont que les signes adoptés par l'homme pour noteI' ses impre ions et les con1- muniquer à ses semblables. Et toute pensée tend à s' exprimer, toute activité est productrice de formes. Du dogn1e Iui-n1ême rayonnent ainsi des formes propres à Ie fixer devant la conscience, et à permet.. tre à rhomme d'en discourir avec ses semblables. Et, selon la loi fondall1entale de la connaissance, ces forn1es, pour réaliser lïntelligibilité et Ia com- 1. Le Ro , Dogme et c'I'ilique, p. 23. L.\ PIIILO:-;OPHIE DE L' \CTION 287 nlunicabilité doni elles doivcnt êtrc les instrument , s'adapt nt allX catégories actucllen1cnt pré cntes dan'3 les intelligences qui les reçoÏ\ ent. II en est de I'csprit comme du corps: il n'y a pour lill d'aliments que Ie:; substances qui peuvcut ùevellir sa substance. C'est pourquoi, dans les théorics spéculative "ont s'enveloppent les dogmes pour devenir imagi- nable et intelligibles, on retrouve, d'àge en âge, le idées scientifiques ou philosophiques qui représentent les états successifs de la sagesse humaine. Comment rcprocher å I'homule de consacrer au service de Dieu les plus beaux fruits du travail Je son intelligence? L'histoire des dogn1es, toutefois, est lå pour lui rappeler que Ie cOlumandement divin est c5 entiel- lernent pratique, et que Ie sens quïl recèle dépas::;e à tout janlais toutes les illustrations et e\:plications que l'homnle en pourra tenter. Le travail intellec- tuel qui, par son essence même, est relatif aux cOlldi- tion de lïntelligibilité dans une société donnée., ne peut. s'il s'agit des dogmas religieux, fournir que des symbolps., un langage, toujours utile, toujours perfec- "ible et provisoire. * ** Ain i se sont constituées. de nos jours, parallè... I rnent plutót que d'un commun accord: une philo- ophie de Ia science et une philosophie de la religion, fondécs, l'une et I' autre.. sur leb conditions de l' action humaine. Si ron cOllfronte ces deux philosophies. on If's trouve a sez concorJallle pour pou\"oir être réu- nies n une beule, que 1'011 appcllerait )a philosophie de l'action. Des dell cõtés Ja notion de vie est considérpe comnle fondanlentale. De deux côté la ,"ie, pre- 288 rlE:\CE ET nELIGIO nant conscience. d'elIe-mème, s'exprime par de" symbole5 que compose l'entcndement, fornles à Ja foi'S stables et variables, analogues aux types provi. soirement fixes qui marquent Ies étapes de l'évolution dan la nature. C'est d'ailleurs une même vie, Ia vie humaine dans ce qu'elle a de spécial et de supérieur qui est, de part et d'autre, l'objet à réaliser. La philosophie de l'action est ain:::i comme Ie troDC comn1un où s'cn1- branchent la science et la reli!!ion. Leur di tinction. '-' s'explique, dès lors, aussi bien que leur rapport. Car l'aclivité hunlaine proprement dite a deux formes essentielles: I'activité intellectuelle et l'activité vol on- taire. La science est l'épanouissement de la première; la religion, la pleine réalisation de la seconde. Si incommensurables que soient Ie monde, objet de la science, et Dieu, objet de la religion, ils se rejoignent en l'hom IIle, de qui la nature, dans son unité, parti- cipe de l'un et de l'autre. CeUe philosophie permet, e:--timent ses représen- tants. de concevoir Ie rapport de la religion et de la science en un sens plus interne et spirituel qu'il n'était possible aux systèmes intellectualistes. La science fournit å l'honlme des moyens d'action extérieure. Par elIe, il peut traduire sa voIonté en mouvements de plus en plus propres å l'imposer au I monde malériel. Mais il est naturel que l'activité humaine, dotée d'une telle puissance, s'interroge sur son principe et sur sa fin. C'est en se posant cette question qu'elle s' ouvre Ie domaine religieux. La rcligion est cette sagcs e supérieure qui lui assigne une fin digne d'elle, el qui lui comInunique la puis ance intime, nécessaire I pour vouloir efIectivement et efficacement cette fin. En développant l'idée de la science et l'idée de Ia 1.\ I'HILOSOPIlIE DE L' ACTION 289 religion, l'c::;pril le voil, de la sorle, aIleI' au-devant rune de l'autrc. Lû dernier mot de la science est Ia réduction de la nature Cll symboles intelligibles, qui la meLtent å la ùisposition de I'hOll1lne. Or. si relevés que soicnt ces objets par où s'explique l'univers, ils sont conçus par 1110In111e, ils ne sont pas rhomme mênle. L'homme. s'il réf1échit, se den1anùe ce qu'ils valent pour lui, s'il cluit s'y ab orber on 'en servir. L'honHne particu- lièrelncutl'honlIne moderne, qui a pris une conscience \"i\"r de l'ilnInensité de la vie et, en particulier, de la splendcur de la vie morale et religieuse, use de ::;on intclligence pour examiner les titres de cette intel- ligence 11lènle. Au nOIn de ce sen secret de la vérilé qui fait Ie fond ultime de la raison, il se deluande si l'intelligence, telle qu'elle se réalise oans la science, se f:uffit et suffit it sa conscience d'homme. Et poser cette question, c'est déjà concevoir la possibilité de la. religion. Dp son côté, la. religion veut l'homme comme col- laborateur de Dieu. Elle ne dédaigne donc pas les faculté hunlaines. Elle attend de l' esprit humain qu'il applique' son langage, l'ensclnble de signes ct de fornles dont il dispose, à l'expression, aussi pro- fonde, fillèle et efficace que pos:-;iblc, de ce qui, en oi. pas e tout langage humain. Ce n'esl pa3 tout: la religion n'a évidcmInenl pas pour unique destination de })l'oduire chez les individus une vie renfcrmée et solitaire. Dieu n'est pas retiré hors du monde: il y exerce son action. La religion attend donc de l'holnme flu'au moyen de la cience, qui lui confère la puis- sance matérielle. il travaille, pour sa part, à l"avène- ment du royannle de Dicu. \insi entendu, Ie rapport de la religion et de la science réullil, selon lcs penseurs qui nou s ocru pe: t, 2:J 290 SCIEI'\CE ET RELIGION . deux conditions qui, contl'aires en apparencJ, n'en sont pas moins égalemenl néccssaires : l'unité íonda- Inentale et lïndépcndance respective. Ce qui fait l'unité de la science et de la religion, c' cst l'action humaine, d' Oil eUes surgissent rune et l'autre, et qui trouve en elles les moyens de se réa- liseI' dans toute son ampleur. Ce qui a::; ure leur indépendance, c'esl cette pro- priété générale inhérente à la vie, de comporter simul- tanément ùes développements divers. qui paraitraient incolnpatibles si o_n les appréciait uniquen1ent d'après les concepts qui les représrntent. Les contradic- tions que ranalyste trouve dans Ie cæur hun1ain lui paraissent inexplicables. Ce ne sont des contradic- tions qu'à son point de vue abstrait de logicien. En réalité, ce sont des manifesLations différentes de Ia vie. La vie est Iibérale, ellc tend à faire exister tout ce qui peut être. II semble même qu'elle se plaise å faire coexister les extrêmes, et ce que nous appelons les contraires. Science et religion sont deux moments de la vie humaine. L'une est celte vie dans son expansion vers Ie monde extérieur; rautre est cette n1ême vie, tournée, au contraire, vel'S son principe, vel'S Ie prin- cipe de toute vie. et y puisant la force de se dépasser infiniment. La difTérence de ces deux développe- ments est telle qu'ils one peuvent en aucune façon se contrarier run l'autre. Chacun d'eux peut, pratique- ment, être conçu comme indépendant et autonome. II est vrai que la science et la religion se ren- contrent nécessairement sur un lerrai n commun: celui des formes et concepts qui se rapportent aux faits naturels. Iais, selon la' philosophie de l'action, ni pour la religion ni même pour la science, ces concepts ne constituent des expressions adéquates LA PHILOSOPßIE DE L' ACTIO 201 de fa vérité. Deux sy:;;;tèmes de symboles pIu::; ou moins diITérents ne :::iont pas un scandale pour I'esprit humain, qui s'en accommode, jusqu'å un certain point, dans la science eIIc-Inême; el la recherche dr raccaI'd des symboles de la religion avec ceux de la science peut. à I'exen1pfe des temps passés, se pour- slIivre aujourd'hui encore sans que Ia religion ail un sacrifice å Caire., COlllme la pensée d'nn vicil auteur n'a pas å se modifier pour se présenter à nous tra- duite dans la langue actuelle, lorsque los traductions en cours sonl de venues inintelligiblcs. :!02 SCIE,C:L ET TIELlGIO:-J III REMARQUES CRITIQUES. La philosophie de l'action est une tentative très digne d'aHention. C'est un effort pour trouver dans la conscienc.e, dans l"être tel qu'il nous est immédiate- ment donné, un principe plus profond que l'intelli- gence, capable de lever les oppositions que l'inlelli- gence lais e subsister, et de concilier ainsi l'unité foncière des diverses puissances de l'åf!1e avec leur libre et plein développement. Cette philosophie, encore nouvelle, bien qu'elle ait germé à l'ombre des grands systèmes classiques, est appelée peut-être à réaliser encore de grands progrès. Et peut-être satisfera-t-elle de mieux en mieux les esprits ayides d'inlelligence comme de vie profonde, expansive et généreuse. Sous a forme actuelle, il semble qu'elle ne réussis e qu ï n1 parfaitemen t à résoudre les difficu ltés qu' elle affronte. Et d'abord, l'accord qu'elle établit entre Ia science et]a religion cst-ÏI aussi réeI, aussi clairement défini qu'il semble au premier abord ? L'activité, nous dit-on, est la racine commune de l'une et de l'autre. De queUe actiyité s'agit-il ? Est-ce d'une activité nue et indéterminée? Plusieurs questions s'imposent alors. Quel est Ie prix d'une actÏ\-ité indétcrn1inée? En quoi une telle activité se distingue-t-elle d'une silnple puissance de changernent, ou même des forces mécaniques qui produisent des mouvements sans but? Le fait qu'un mouvement soit accompagné de conscience ne saurait suf1ìre à en faire L \ PHIl O OPllIE DE L' ACTION 293 une chose d.nne valeur suprême, capable de fonder, avec la ci(,r1ce, la religion. Si la conscience n'e5t, it régard òe celte acliyilé qu'une sensation passive et un épiphénoJnèlle, sa présence n'a '1u'un intérêt spé- culati f. On échappe, il cst yrai, à cette difficulLé, en prenant pour principe, non plus une activité indéterminée, mais l'activité hun1aine, cun1n1C teBe, c'cst-å-dire ['action détern1inée que l"homme doit accompliI' pour être vraiment homnle. pour accolnplir ju qu'au bout son nlótif\r dïlon1me. )Iais alors il sen1blo (Iue]' on n'évite un écueil que pour se heurter à un autre. LOactivité hun1aine, nous dit-on, a deux détermina- tion , òe IX directiun : elle est intelligence, ct elle est volonté. En se développant comme intelligence elle produit la science ; en se réalisant comn1C yolonté I clIe tend ver la religion. Lo rapport do la religion à la science est ainsi ramené au rapport- de I'intelligence et Je la yolonté. 'lais alors, la dif1icuIté n' est q ne déplacée. Car la question des rapports de l'intelligence et de la volonté, même Iorsqlle l'on considère l'une et rautre, non comIne des propriétés toutes faites, Jnais comlne de véritables activités de I'esprit, demeure obscure e1 bujette à des solutions diverses. Et Ie dualisJno, que rOil croyait avoir surmonté en transportant Ie pro- blèIIle de la sphère des concepts dans celIe de l'action, pell t reparaìtre avec to utes ses difficultés. (Juoi qu'il en so it de la manière dont la philosophie de l'action réconcilie la religion et la science, peut-on dire que cettf\ philosophio fournisse, dès maintenant, unr juste théorie de chacune des deux prise à part? La philosophic de l'action a beau multiplier les ana- Iy es et le raisonnements ingénieux: elle persuade difficilement aux sayants que la science. non eule- 25. 294 SCIE CE ET ßELJGJOi\ ment invente tous les concepts, toutcs les mesures où elle enserre les phénomènes, mais fabrique les phéno- mènes eu"\:-mênles. Jalouse désorn1ais de démontrer flue toutes nos eonnais ance:-\ ðont et derneurent invin- ciblement relatives, la science multiplie volontiers ellc-Inême les preuves d'une intervention contingente de l'homlnp òans toutes les opérations scientifiques. Iais si ron s'ayi e dp pOllsser ceLte ùéruonstration à fa Iin1itc et de conclure que Ie fait Iui-même est d'in- vention hunlaine, elle proteste. C'est précisément parce que Ie fait, de quclque nlanière cst en soi, en I même tClnps quïl est incommen urahle à nos ullité ùe meSllre, que nuus SOlnlne oLligés à tant. d'efI'orls pour Ie détern1Ïner, cl que les résulLats que nous obtcnons ne sont janlai'S que des approximations, dc connai sancc inlparfaite et provisoires. D"autre part, en ce qui concerne Ie travail qu'accom- plit l'csprit pour -créer les symboles scienLitique Ie I savant ne peut admcUre qu'il ne s'agissp ici que ,l"opé- rations purelnent arbiLraires, aboutis anl it. fornluler de simples conventions. Ces opération sont réglées par certains principes intellectuels cIles tendent à introduire dans notre connaissance des cho es IÏntel- I IigibiJité, eUes réponùenl à un idéal que nous nOllS propo ons. Elles impliquent, en un mot, ce qu'on appelle la raison, Ie sens de l'être, de I'ordre. de rharn1onie. C'est pourquoi Ie pragmatisme scienLifique, en so dé\"eloppant, réussit nlal à maintenir ses positions initiales, mais reyient plus ou moins à l'afiirrnation de l'être, de Ia raison, qui faisait Ie fond de la theoric classique de Ia science. Qui sait, toutefois, allèguera-t-on, si la réalité obiective elle-même n'est pas aClion purc n'est pas continuité fluide et csscntiellemcnt instable? LA PIIILOSOPIIIE DE L'ACTIO'\" · 2D3 La science évolutioniste des modernes est prète å afTronter une pareille réalité. Elle no renoncera pas, pour 130 discipliner, à son idée de l'êtrc. ùu fait et de l'objectivité. lais clle s'efforccra, en chaque moment de la durée, de constater et de Doter l'état donné des choses, puis de relier entre eux ces états successifs. selon de lois. Sans doute, 130 réussite expérimentale esl en définitive, Ie senl cr-itérium. Iais Ie sayant ne conclut pas de là que l'a,.enir est en partie indéter- miné, et qu'il peut lui-même, véritablement, créer Ie fait qui vérifiera ses conceptions. Là même où la foi cst au nonlbre des antécédents nécessaires à la production du phénomène, il maintient son point de vue déLèrministe parce qu'il considère cette foi, elle-aus i. comme se produisant su ivant des loi . Qu'est-ce à dire. sinon que 130 science. à mesure qu'elL.e prend mieux conscience de ses conditions et de son activité prop res, s'éloigne du praglnatislne radi- cal et de 130 philosophic qui pose l'action avant lïn- telligence. loin d'y aboutir? La religion, du moins, telle que 130 développe la philosophie de l'action, demeure-t-elle bien elle- mèn1e? On pose en principe que tout ce qui s'adresse à l'entendement e.;;;t une expression, un symbote, un véhicule de la religion, mais n'est pas la religiun elle- même. Le dOInaine de la religion serait, en ce sens, cxclusivenlent, la pratique, la vie. Iais, en réalité, toút sentiment, toute action reli- gieuse envoloppe des idées, des concepts. des connab- sance th )oriques. Que restera-t-il, 10rsqlle, des reli- gions teUcs qu'elles nous sont ùonnécõ::, on aura. it la lettre. élilniné tout élén1enl intcllectuel ? On passe outre, toutefoi:;. et l'on délnontre l'cxis- 296 SCIE,CE ET TIELIGIO:\' tence, dans l'e priL t(}'un principe distinct du concept, comme Diogène déInonlrait' Ie mouyoment: par Ie fait. L'homme agit, ot l'action est irréductible au concept. Iais qu'est-ce que cette action? Car il faut bien que nous en ayons quelque idée, pour que nous y puis- sions trouyer Ie fondelllent de la religion. C'esL nous ùisent de pénétrants philosophes, l'ac J tion humaino, dans toute sa compréhen ion. Ce n'est pas l'action spéciale de teIle ou teIle faeulté: c'est l'être tout entier. unissant Loutes ses puissances, pour tendre yers sa fin. Les yérités que nous avons corn- mencé par vivre tie Ia sorto, en a pirant it être pleinement nous-même.. deviennent, aperçues et éla- borées par l'enlendement, des dogl.nes et des objels ùe croyance. Certo , c'esl la tàche de l'homme de réunir et com- biner ainsi tontes les forces dont il dispose, pour tra- yaillcr à l'accomplissement de sa de tinée. Iais l'in- telligence, ùans cette action totale, n'est pas moins en jeu que les autres facuItés; et son rôle, nécessai- rement, consistera à contrôler, au moyen de ses concepts, raction des autres facuItés. II ne s'a it plus ici de la pratique com me indépondante de la théorie. Est-ce donc de l'action spéciale de la ,.olon[é que 1'on entend parler? )lais la volonté den1ande une fin ; et peut-on dire que l'on ofIre à I'esprit une formule intelligible, quand on lui parle d'une volonté qui se prend elle-même pour fin, qui n'a d'autrc objet que son propre principe? Ce que l' on cherche, à travers ces ingénieuses théories, c'est faction, comme se suffisant, indépen- damlllent de tous les concepts par lesquels nous pou- vons essayer de l'expliquer ou de la justifier, l'aclion pnre, l'action en soi. LA PilI[ OSOPIIIE DE 1,'.\CfW:-\ 297 Qu 'esl-ce it dire sinon que, bon gré mal gré. on re\"ient à un pragmati me indéterminé "? PragIuatismc hUll1ain. si c'est l'acLion humaine, prisf\ en soi, qui e t Ia règle suprèIne; pragn1atisme diyin, si c'est une action divine, conçuc en dehors de toute délermina- tion intellectuelle, qui doit faire Ie fond de l'action humaine. L'action f)our l'action, par l'action, Ia pratique .pure, engenurant peuL-êLre des concepts, mais inùé- I pendante elle-même de tout concept, ce pragmatisme abstrait mérite-t-il cncore Ie nom de religion"? Et ne s'engage-t-on pas dans une yoie sans issue, lorsque ron cherche dans la pratique, isoIée de la théorie, l'e sence et Ie seul principe véritablc de la vie reli- gieuse ? 'est-ce pas une certaine croyance, liée à l'acte, qui fait de celui-ci un acte religicux? Ce qu'on appelle un syn1bole et un véhicule n'est-il pa , en quelque manière, une partie inlégranle de la religion 'l CHAPITRE IV William James et Pexpérience religieuse. I. DOcTI\l E HE \\. JA11ES St;R I.A RELIGION. - Point de vue de \\. James: Ia religion cornme vie personnclle ct iutérieUl'c. - l\léthode : rempirisme radical. - Le terrain psycho-physio- logiqne 011 gCl'me lc sentiment religieux. Le mysticisme. L'e>..pé- riencf' religieusc proprement dite; Ia croyance élémentaire. - La valeur de fexpérience religiense. Point de vue pragmatistc. La thl'oric du moi subliminal comme point d'appui scientifique. Les surr.ro) ances. II. DOCTr.J E I)E " . JA IES SUR LE R.UPORT DE I.A RELlGIO'\ A L:\ ScIE CE. - Science et religion, dcux clefs pour ouvrir les trésors de Ia l1a.turC'.- La psychologic du champ de conscience, substituéc å à la p"ychologie des dats de conscience. - Religion et science diffèl'ent comme Ie concret et rabstrait. III. RnIAr.Qu:S CRlTIQ[I:.S. - Réintégl'ation remarquable de Ia reli- gion dans Ia nature humaine, et situation forte en face de la. science. - Oifficulté : l'm.périencc religieuse a-t-elle une valeur objcctive? Le subjectivisme tmÏ\crsel ne serait pas une solu- tion. - La foi, élémcnt intégrant de toute e"périence. - Le rôle essentiel des symboles. - La valeur du côté social des religions. Tandis que les esprits avides ùe définitions, de rai- sonnements, de démonstrations: théologiens, savants ou philosophes, se consumaicnt en efforts pour établir la possibilité Iogique de la religion, de la science et de leur accord de tout temps it s'est trouvé des hommes aux yeux de qui tant de recherches subtilcs étaient chose superfluc, parce qu'ils vivaient d'une ,\ 1[,LI.\1( J.\:\IES ET J 'LXPÉnIEXCE nET TGIELSE 29a conviction fondée sur un principe qui passe en ! yalcur tOllS les raisonnemcnt: : l'expéricnce. Ce .;;ont les Ùnles dites nlysliques. Pour clles les oLjet (Ie la religion sont donnés et inlnlédiatement cer- lain , comme peuvent l'être, pour Ie savant, les fait dont iI chcrche les lois. L'espriL ùe la méthode mystique ::,e retrouve dans certaines doctrines conternporaines, exemptes de préoccupation confessionnel1e, mais jalou es de sÏns- pirer, avant tont, de la réalité ,'ivante. La plus helle manifestation de cette tcndance cst Ja doctrine de . l'expériencc rel:gieu e, tellc que l"expose Ie savant : p ychoJogue. Ie profond et délicat penscur. rattachant écrivain qu'pst \YiliiaIn James i. 1. \\ illiam James, The t"w'idies 01' 'l'elifjiolls eXJ!f1'Ù'llce. IUD!. T!,e will to bel ieL'e, 1 )J . oo SCIE,CE ET RELIGION I DOCTRINE DE W. JAMES SUR LA RELIGION. A qucl point de vue convient-il de se placer, si l'on veut ::,aisir ce qu'il y a, dans les religions, de caracté- ristique et d' esscntiel? Selon 'Villiam James. des deux aspects sous lesquel:4 sc présentent les religion . I'a pcct extérieur et l'aspect intrrieur, c'est Ie second qui est Ie principal. Peu imporlc que, chronologique- Incnt, les religions se soient Iuanifestées comrnr institutions avant de se développer conlme vie per- t sonnelle: au fond, ce sont les créations des génies religieux qui ont été cause des institutions. En tout ca , la religion personnelle a, dans Ie cours des âges. refoulé les institutions, lesquelles, désormais, ne subsisleront que si eIles sont soutenues par des âmes de croyants et de dévots. Ce n'est donc pas implement parce que la psycho- logic est sa spécialité, c'est parce qu'il voit dans la religion per::,onnclle Ie fonds de la religion, que 'Yilliam James étudiera les phénomènes religieux du seul point de vue de la psychologie. La méthode qu'il emploie cst celIe qui, selon lni. convient à la psychologic proprement ditc, et que }'on peut appelcr l'empirisme radical. Ce mot, communé- ment usité pour désigner un syslèIne, peut être retcnu, par ceux-Ià mêmes qui rejettent Ie systèn1e. pour caraclériser une mélhode. Trop longtemps, impo- sant à la psychologie l'hypothèse atomique, on a cherché, dans les données de la conscience, des faits soi-disant simples ou alomes psychiques, entre les- quels on pùt établir des connexions analogues à celles 'nI.l Lnt J.\"E E1' L'Exp{;nIEXCE REIIGIEL:SE 301 que fornlulcnt les loi physiques. UP tels éléments ne ont ni ne pcuv"'nt êlre donnés. Ce sont des inven- tions dt' l'esprit de f'y:-:tÒnle. Ce qui est donné, ell psychologic. r'psl toujours un certain champ de conscience. e01brassant une mulliplicilé el une di\"er- sité nl0Uyante ct continue. 'e l sous cette fOrI11P, la seule réeIIe, qu'il s'agit de saisir les phénomèncs religieux. Il faut, pren1Ïèrenlent, considérer l'cn:-:emble psycho- phy iologique dont ils font partie, puis, de proche en proche. Ies distinguer des phénolnèncs concon1Ïtants et de:; e:,pèccs yoisines, rt pous er ainsi jusqu'à la détern1ination de l'élémcnt religieux proprement dit. Celle tàche accoo1pIie, une autre s'iInposera : celie dC' détenniner la valeur du fait ain i dégagé par l'analyse. 1 0 lYnlul'e de l'expél'ience 'J'eligicuse. II () pu smnblcr que les faits religieux étaient seuls de leu;' e pèce et on les a longtemps traités COln01e leIs. lais ùe faits absolument singuliers scraient de:-: faits suspt'ct Ie progrè':> de la connaissance nous amenanl génf;ralement à discerner une continuité, là où une ob er,-ation superficielle nOllS faisait croire à ties hiatu:o; infranchissables. A cette loi de la continuité Ip phénompne religieux ne font pas exception. Ils appartiennent 'l une chtssC' de phénolnènes de rnicux n mieux défìnie, celie des Inodifications de la person- l1aIilé. L'étudc de ces phénomènes chez les ujet Oil ils !:IC produi:-5ent avec plus d'intensité, leis que les névro::;é" on certains lenlpéranlent portés au Il1y ti- ci me. nons montre conlnle appartcnant à la nature 26 302 SCIE:\CE ET nELIGIO hunlaine en général les caracLèrc's flui formcnt Ie fonds où so dévcloppr la conscience rrligien e. Les hallucinations, par csem pIe, présentent. chez certains sujets. un cas fort reolarquable : au lieu d'aLleintll'e leur plein développelnent, qui se 111ani- fcstr par l'apparition.. dans l'imagination du sujeL ol'ùinair{\.. cclui-ci nc se trompe pas en rapportant Jcs inspirations qu'il Cll rc('oit it l'inlerycnlion d'un êlrc. non sculelnent éxtéricur, n1ais supérieur it Iui. On peul ùonc ùire qu'en at1ìrmant ba relation à un moi plus grand flu'clJe, d'où Iui vicnnent Ie saInt, la pll i sance et la joie,. la conscience religicli.se énonc(\ ,érdablcillent un fait, el qu'ainsi la réalité de l' objet do l' .xpérience religicuse est donnée dans cette expé- rionec Inêm0. II en est auLrement des croyances spéciales, rela- tives it 1a nature précise des n1ystéricusos réalités :LVf'C JcsqueJles COll1Inunique notre moi :;ublin1inal. Cclle -ci dClllcurent indénlontrablcs pour la théorie du moi ublinlinal, al1:,si bien que pour Ie mysticisme ou pour la philosophic. Ce sont des surcroyances, des croyances ajouLées par l"imagination. par Ie teillpe- rament inlellectuel et lnoral ùes ociélés ou des indi- "idus. J ndéll1ontrables, elles ne sont pas pOtI I' cela sans valeur. II faut considérer que la religion esl ebsenliel- lement affaire personnelle. Elle doil, chez l'individu. déplacer Ie centre de la per50nnaJiLé, Ie transporlcl' de la région des émoLions égoïstcs et matérielles dans celIe des énlotions spirituelles. Or, si ce phénoluène suppose, avant tout, une action née hors du Inoi conscient et produisant en lui un changemeut, les explicalions, idées ou croyances que l'entendeluent inlercale entre la cause et l'elIct sont elles-mêmes susceptibles d'exercer une influence sur les disposi- tions dn luoi cOI1scicnt, sur son aptitude it s'offdr aux inspira lions du ITIoi supéricur. Et Ics conditions de rinlpre ion religieuse varienL néccssairenlent avec les temps. les 111ilieu\., Ics connai:-;sances, les iuùi- vidu . II n'est donc pas SC111enlcnt toJérable, il est 316 SCIENCE ET RELIGIO souhailable que chacun envisage Ie phénomène rcli- gieux de la Inanière qui sera, pour lui, la plus effi- cace. \Yilliam James, quant à lui, sans prétendre atLri- buer å ses propres surcroyances la même valeur qu'à la croyance fondamentale immédiatenlent impliquéc dans Ie phénomène religieux, adopte, sur plusieurs points importants, les afßrmations des religions. posi- tives. Le monde invisible, dit-il, n'est pas purement idéal : il produit des efTets dans notre monde. II est donc très naturel de Ie concevoir comme une réalité répon- dant å ce que les religions appellent Dieu. De mêmc, il est juste de croÌre que Dieu et nous avons affaire ensoruble, ct qu'ell vivant de son influence, nous accomplissons notre plus haute destinée. Puis, comme Ie sort de l'homme est évidemment lié à celui des autres êtres, I'âme religieuse, pour acquél'ir Ia con fiance dans les choses et la paix intérieure qu 'eUe anlbitionne, a besoin de croire que Ie mênle Dieu avec qui elle est en rapport supporte et gouverne Ie monde entier de telle sorte qu'il ne soit pas seule- ment nolre Dieu, mais Ie Dieu de l'univers. Enfin, et sur ce point 'V. James ne se dissimulc pas qu'il déserte Ie camp des savants pour se meUre du cõté des simples, comnle tout fait,. en définitive. est parlicuIier, comne les universaux ne sont quc des abstractions scoIastiques sans réalilé, ce n'est pas seulement une pro,'idence générale et transcendante quïl convlcnt d'attribuer it Dieu : il n'est pas Ie Dieu de Ja conscience rcligicll:,e, sïl n'est capable d'exaucer nos prières, et d'avoir égJ.rd à nos besoins individuels. Le Dieu pratique auqucJ IlOl1S croyons a donc Ie pou- voir d'intervenir directement dans Ie conI'S des phénomèncs, et de fJ.ire ca qu'on appclle des n1iracles. \\ JLLla\:\[ J..\1IES ET L'EXl)ÉRIENCE RELIGIEUSE 317 Quant à la croyance à l'immortalité, rieo ne prouyc, certes, qu'elle soit illégitime: on n'a pas dén10ntré et il selnble indémonlrable que Ie corps actucl soit 130 cause adéquate, et non une simple condition contingente, de la .vie spirituelle. l\lais cclle question cst, en réalilé, secondaire. Si nous avons rassurance que la poursuite des fins idéales qui nous sont chères cst garantie pour réternité, je ne vois pas, ù.it ''''. James, pourquoi nous ne serions pas tout dispo- sés, après avoir accompli notre tâchc, à ren1cttre en d'autres mains Ie soin de continuer notre collauora.- tion à ræuYr ùi rine. 27. 318 SCIE\CE ET RELIGIO II DOCTi1INE DE: W. JAI't1E5 SUR LE RAPPORT DE LA RELIGION A LA SCIENCE. Ainsi se développe, à partir de l'expérience reli- gieuse, la théoric de la religion. \Y. J unes ne manque pas de se delnandcr quelle est la situation de eette théorie en face de la science. Expérimentale comnlO la science, pourquoi la reli- gion n'aurait-elle pas Ie D1ême titre qu'eHe å notre adhésion? Selon certains critiques, une teIie as imilation serait impo sible. Car la religion n'entel1d pas l'expé- rience dans Ie même sens que la science. elle I' n- tend dans un sens antiscientifiquc. L'exprrience, tcIle que la science la conçoit, c'est la dépersonnalisation des phénolnènes, c'est-à-dire l'élin1ination de tout ce qui, dans les phénomrnes donnés, est relatif au sujet particulier qui les observe. Tout ce qui est cause finale, préoccupation d'utilité, de valeur, en un mot tout ce qui exprime un sentiment du sujel est en fl dehors du fait scientifique; ou, si ces éléments devienntnt eux-måmes objcis de science, c'est qu'on aura réussi à les considérer, non en eux-mêJnes. n1ais dans quelque condition ou substitut objecti ve- 111cnt observable. La religion, au contraire, s'appuie ur des faits pris dans leurs éléments subjectifs et individuels. Elle a affaire å l'homme en tant que per- onne, et eUe pcrsonnalise tout ce qu'elle touche. Peu lui importent l'universalité et l'unité nécessaires ies lois naturelles: Ie salut d'un individu prime pour eUe tout l' ordre de la nature. C. est pourquoi il y a WILLI.HI J.\:\ms ET L'EXPÉIUE CE REIIGIEI:SE 319 incon1palibilité foncière entrc Ie point de vue de la religion et celui de la sciclILe. L1. pcrsistance relati\.c de 1.1. religion n'est qu'une survivance, destinée à dis- paraìLre devant l'expérience véritable, devant l'expé- ricnce impersonnelle et scientifique. Cos objections, scIon \Y. Jamc::i. ne sonl pas con- cluanles. On ne ,"oit pas pourquoi cette circonstance qu'une suite d'états semble puremcnt subjective suf- firait à cmpêcher que ces éLals ne con::itîluas::ienl une expérience. Que les sujets se fassent illusion en se croyant lualadcs, en sc croyant. guéris, et en attri- buant leur guéri::;on à une inter,'cntion surnaturelle: qu'importe, s'il y a là une série de faits qui se suc- cûdenl suivant une loi? Or, c'est un fait que certains scntin1cnts douloureux et nuisibles sont suppiimé-; par certaines croyances, et ne scmblenl pas curable:; par d'autres Illoyens. Irez-vous refuser les secours de la reli ion au n1alheurcux qu'ils peuvent sauveI', ous prétcxlc que guérir par la religion, c'est guérir contre Jes règles? La production, par la foi, de l'objel de la foi, n'est pas eulement une expérience pour Ie sujet, c'est une cxpérience. (( Pourquoi n'y aurait-il qu'une manière d'cn user avec la nature et de n10difìer Ie cours de ses phéno- m nes? 'est-il pas conccvable qu'imo1ense et di'.ers(' comme clIe est, eUe ùoive être abordée ct traitée suivant diverses méthodes, si l'on vent utiliser ses ressources Ie plus largement possible? (( La science s'aLtaque à certains éléments de la nature, tels que Ie n1ouven1cnt mécanique, et. par eux, atteint les phéuomènes qui en deocudpuL La religion, par d'autres moyens, qui onl de rot'ole une action sur notre monde, réalisc et des phénolnènc:" scn1blaLlcs. ct des phénolnènes d'u nc autre CSpèCé. La :o-cicncc a doté l'hulllanité ùe la télé.=,raphic, dr 320 SCIENCE ET RELIGION l'éclairage électrique, de la diagnose, des moyens de guérir un certain.noInbre de n1aladies. La religion assure aux individus la sérénité, l'équilibre Inoral, Ie bonheur; cne guérit certaines maladies aussi bien que Ja science, "mieux même chez certains sujets. Science et religion sont deux clefs, également authelltiqu s, dont nous disposons pour ouvrir Ics trésors de l'univers. Xous voyons les mathén1ali- ciens traiter les mêmes faits numériques et spa- tiaux., tantùt par la géométrie analylique, lantôt par l'algèbre, ou par Ie calcul infinitésin1al, et, par ces n1éthodes diverses, obtenir également des résultats utiles. Pourquoi n'en serait-il pas de même de la mélhode scientifique et de la méthode religieuse? Pourquoi l'une ne re3arderait-elle pas un aspect des choses, l'autre un autre aspect? S'il en était ainsi, religion et science, vérifiables chacune à sa manière, seraient coéternelles )) t. l\Iais, dit-on, toutes ces considérations sont exclu- siverl1ent pratiques, et Ie point ùe vue scientifique consistc proprement à distinguer, de la pratique, qui n'es1 pas une connaissance, qui est au nombre des objets 111èmes que la nature propose à notre investigation, la théorie, ou détermination des élé- ments et rapports des choses, tels qu'ils peuyent être constatés et reconnus réels par toute intelligence. C'est pourquoi, des expériences mêmes qu'invoque Ie défenseur de la religion, la science fait deux parts: l'une subjective et élrangère à Ia science, rautre objective et scientifique, mais dépourvue de tout caractère religieux. On sait que cette distinction r dicale de la théoric 1. 'Villiam James, Tlte Va1>ieties, etc., p. 1 -3. \\ILLI.UI J.nIES ET L'EXPÉnIE CE nELIGIE(; E 321 ct de la pratique est cxpressément rejetée par \V. James, dont Ie pragInatisme réduit à des critères purement pratiqurs les principes même:, dont se réclame Ie rationalisme. En ce qui concerne lè rapport de Ia religion' et de Ia science, 'Y. James fait valoir des considérations qui dépassent Ie simple pragmatisme. Toutes nos conuaissances, dit-il, partent de la conscience. C'est une vérité désormais acquise. Or une révolution s'est faite dans Ia psychologic, et, par suite, dans la philosophic de la science Ie jour oÜ ('on a cOlllpris que Ie donné, en psychologie, ce n'est pas, COlnme Ie croyait Locke, un certain nombre d'élé- ments simples: sensations, images, idées, sentiments, comparables it des leUres ou à des atomes, entre lesquels il s'agirait d'établir des rapports extérieurs pour en faire la représentation d'une réalité distinclc et transcendante, mais bien ce qu' on appelle Ie champ de conscience, c'est-à-dire l'état de conscience total qui, à un certain moment, existe en un sujet pensant. Le caractère distinctif de cette nouvelle donnée, c'est qu'au lieu d'être nettelnent ùéfinie et circonscrite, comme une collection d'éléments atomiqnes. elle a une étendue dont les limites précises ne sont pas assignables, ou plutôt n'existent pas. L'état de cons- cience, en eITet, se compose, et d'un foyer, et d'une nlarge, dont la périphérie est plus au mains flottante et indéterminée. Or, voici que nous apprenons que cette marge elle-lnême tient, d'une façon continue, à une troi- sième région, qui, insoupçonnée de notre conscience, Inème obscure, ne peut, à aucun degré, être mesu- rée par no us Quant à son étendue et it sa profon- deur. Dès lors, ce qui est 'Tailncnt donné, ce qui 3 ') -- SCIEl\CE ET nELIGIO est Ie point de départ néccssaire de toute spécula- lion comme de toute pratique, cé n'est pas la sonlme imaginaire de nos états de conscience, c'est ce champ illimité.. où Ie foyer de connaissance claire, si COffi- ple e déjà ct sans doute irréductible à un nonlbre délerminé d'éléments conceptuels, n'est qu'un point. ans cesse moùifié d'ailleurs par ses rapports avec les Inilieux auxquels il est lié. Si telles sont les données primordiales sur les- queUes s'exerce l'activité de resprit humain, quel u 3ge en font respectivement la religion et la science? La religion est la réalisation la plus large possible du moi humain. Elle est la personne humaine, agran- die conlme à l'infini par sa conlmunion intime avec les autres personnes. Elle est. en quclque mesure une tlppréhension de l'êtl'e, tel qu'il se pose avant d"avoir été limilé, arrangé, réparti en catégories par notre entendemenl, de manière à s 'accom- model' aux conditions de notre existence physique et de notre connaissance. La science, à l'inverse, est la sélcction et la classi- fication de lout ce qui, à un moment quelconque et pour un esprit quelconque, peut être objet de connaissance claire et distincte. La somme de ces éléments est ce qu'on appelle Ie mondc objeclif. En tant que nous les considérons à part, comme il arrive dans la perception clairement consciente dont pro- cède la connaissance scientifique, ce sont des choses dont nous ne trouvons pa:; en nous Ie sujet d."existence. et que, par suile, nous nous représen- tons comnle les peintures d'existences indépendanles de Ja nûtl"c. ous découpons ces images, nons les étiquetons, nous notons l'ordre selon lequel elles se présentent habituellement, nous com posons des for- WILLl.nl J,\ 'IES ET L'EXPÉnIE CE nfUGIECSE 323 Juules qui nous aident å prévoir leur reLour; et ces forn1ulr nOll ont d s méLhodes pour nous pro- curer quelques-uns des états de conscience que nous pouyons souhaiLer. Si tellc est rorigine respective dp la religion et do la science. comn1ent celle-ci pourrait-elle jamais rem- placer celie-lit? Le point de déparl de la religion, c'est Ie concrel, c'est Ie fait dans sa plénitude, con1- prenant, avec la pen:::;ée, Ie sentiment, et, peut-être. In. sen ation sourùe d'une participation à la vie de l'univer:-5. Le point de déparl de la science, c'est l'abs- traiL c'est-à-dire un élémenl extrait du fait donné, et considéré isolémenl. On ne peut attendre de l'homme qu'il se contente de l'abstrait, alors que Ie concret cst it sa disposition. C' est l'inviter à se contenter du nleIlU quand Ie repas est servi devanl lu i. L 'homme utilise la science, n1ais il vit de Ia. reli- gion. La parlie ne peut rClnplacer Ie tout; Ie symbole ne peut supprimer la réalité. on seulcment. la science ne peut remplacer la religion, Inais elle ne peut se passer de la réalité sub- jecLi\-c où celle-ci St fonde. C'est pur réalisme scolas- tiqup d'imaginer que robjectif et I'impersonncl puis- sent se suffirc, isolés du subjectif dont ils sont exlraits. Entre Ie subjectif ell'objectif nulle dén1arcation n'est uonnéc, qui justifie, au point de vue philosophique, celles que notre science imagine pour sa comlnodi I é. La continuité cst la loi irréductible de la nature. Et nos concep s soi-disant impersonnels ont besoin d\"'tre constamment reyivifiés par Ie contact avec la réalité, c'est-å-dire avec Ie subjcctif, pour ne pas dégénérer en dogmes inertes, contraires au progrès ùe la scicnce. Le personnel n'est pas, en face de l'in1- personnel, une sorte de dé ordre initial clont il nc rC::5lerait ricn quand une foi chaque chose a été Ir.i.se :} 4 SCIE CE ET I\ELIGION à sa place. Il est Ie fonds, infiniment riche et tou- jours renouvelé, auqucl la science doit puiser sans rclåche, si elle ne veut dégénérer en yaine routinc. Tel apparaît Ie rapport de la reli ion à la science lorsqu'on les oppose rune à l'autre. Iais, it yrai dire, cette opposition résulte d'une définition artificielle et de la science et de la religion. D'une part, on identifie la science avec les sciences physiques. D'autre part. on fait résider la religion dans les dogmes qui la s)'ln- bolbent. Iais si la science est, avant tout, la connai - sance des faits, du donné, il existe une science psy- chologique au même titre qu'une science physique, et il n'y a pas de raison pour que les caractères de celle-ci soient imposés à celle-là. Et, si la religion est essentiellement une expérience, une chose éprouvee et vécue rien, a priori, ne l'oppose à une science qui. elle-même, ne tend à être qu'une certaine inter- prétation de I' expérience. Or il se trouve qu'un mên1e fait, Ie prolongement continu du moi conscient en un Jnoi sub con scient, d'une part est reconnu par les psychologues, d'autre part rend excellemment compte de ce qu'il y a d'cs- sentiel dans l'expérience religieuse. La relation du moi conscient et du moi subconscient forme donc un trait d'union entre la religion et la science. Elle e t, en définitive, Ie point de départ con1ffiun de l'acLiyilé scientifique et de l'activité religieuse : celle-ci tendant à enrichir Ie cOI1f,cient au moyen du subconscient, celle-là à réduire les jaillissements du subconscient aux formes et aux lois du conscient. Les affirn1ations fouùamcntales du théologien et sa Inéthode générale dans l'établissement des croyances religieuses trouvent, d'ailleurs, une justification dans la science même, ainsi considéréc. Le théologien y ut que I'homme soil en rapport \\ ILLIAM JAMES ET L'EXPÉRIEl'\CE RELIGIECSE rlC)- .:>....J a,.cc un plus grand que lui, distinct de lui. Or, Ie sub- conscient se distingue du con scient pour la conscience; ella psychologie a tout lieu d'admeUre que, dans a région subconsciente, l'âme humaine communifJuc 3,,'eC ùes êtres dont certains sont plus grands qu'elle. Le théologien aff1rme la réalilé des êtres qui appa- raissent COlllme ùonnés dans l'expérience religieuse. Cette croyance est ranalogue de celle du sayanl, '1ui suppose un monde pernlanent de formes et de lois, connne garantie d'une universelle et perpétuelle pos- :;ibilílé de perception uniforme. \ïennent enfin les grandes conceptions religieuses a Ilour desquelles se crislallisenl les s)"stèrncs de théologie. Ces conceptions ne se forment pas autre- l11ent que les princi pes d' où déri vent les théories scientifiques. Ce sont des hypothèse:-;, arrangécs de façon à grouper les faits et à en représenter les rap- port d'une manière commode pour rinlelligence et pour l'imagination. La science ne saurait faire it la lhéologie un grief de l'imiter it sa manière. Une réserye, seulenlent, Sïlnpose au théologien. Les théories et les symboles imaginalifs ne soul pas l'cssence de la religion, ils ont pour objet de traduire la religion en langage hlln1ain. Or, il est clair que Ie:) sciences font elles-mênltS, et dans unr mesurc de plus en plus large, partie de ce langage. Les èogmes doiycnt done être incessanlment mis d'ac- cord quant à leurs formules, avec les résultaLs essentie!s des sciences, de lllême que celles-ci, dans leur:; grandes hypothè cs, évoluent avec l'enscmblc de l'expérience humaine et avec la raison, témoin yivant de ceUe expérience. En résumé, scIon "\Vil1iam James, l'expérience reli- gicuse est aussi utile et aulhenlique que l'expérience 326 SCIENCE ET RELIGIO scientifique. Elle est Inême plus immédiate, concr k, étcnduc et profonde. Bien plu , elle est présupposée par l'expérinnce scientifique. Elle a J'ailleurs, dé5or- 111ais, gràce à la théorie psychologique du bubcon5- cient, un point d'appui dans la science elle-Inêlne. Elle se développc de la n1ême n1anière que la science et en harmonic avec el1e. II n'y a done nulle raison de upposer qu'ellc ne soit qu'une surviyancc tiu passé, pt qu'elle n'ait plus sa place dans l'essence de la nalure hun1aine. \\ILLl.nl J.UIES ET L'E'\.l'ÉIHE CE HELIGIrt:SE 27 III REMARQUES CRITIQUES. Cette doctrine n'esl pas une construction Iogique qui serait faile de malériaux pris ça et là. taillés de manière it s'ajuster les uns aux autres, et assemblés du dehors d'après un plan. Bien plulût apparait-elle comme la vie religieuse elle-même, saisie, autant qu'elle peut l'être, dans sa complexité donnée, et éclairée par une rét1exion sympalhique et pénétrante. De là Ie caractère spécial des ouvraöes de 'Yilliam James, où, s'aUendant de voir un auteur, on trouve lIn homme. Si riche et 1l10Uvante qu'elle soit, ceHe doctrine a un point central, et comIne un foyer, d'où la lumière se répand sur I'ensemble. Ce centre est la théoric du chanlp de conscience, con1me ba e de la psychologic. .\ppliquer cette théorie à la religion, et, plr là, faire rentrer les phénomènes religituX dans la vie normale ùe lï10nlme : telle. est la tàche que s'e t donnée \Yillialll James. De ce point de vue il,établil que la religion est e:') entiellement une expérience, une chose qu'on éprouve et qu'on vit: c'est Ie sentiment d'un accorù spontané ou rcstauré de l'hom me avec Iui-m('me, de l"holllme donné avec l'homme idéal; c'est, ùn même coup. Ie sentiment d'une communication de rhOlllme avcc un être plus grand que lui, leq licl produit cet accord et se manifeste comme une source inépuisable d'énergie ct de pui:5sance. Ce double sentinlent dcvi nt, dans l'ålne reliöieuse, Ic foyer mêllle de la yic con- sciente. 328 SCIEXCE ET RELIGION De plus et par là même, la religion est, essentiel- lement, chose réelIe et personnelle. La religion en soi, une et Ï1l1muable, n'est qu'une yaine entité scolas- tique. Ii n'existe que des âmes religieuses, des vies religieuses et il y a autant de religions que d'individus. Cc n'est pas en vain que "rilliam James intitule son ouyrage : Les Variétés de l' expérience religieuse. Ces vues sont du plus grand intérêt. Elles éliminent décidément de l'essence de la reli- gion tout ce qui, étant surtout objectif: intellectuel on Inatériellement pratique, peut se transporter, tel quel, d'individu à individu: tels les dogmes, les rites, les traditions. Elles metten! au premier plan l' élénlen t émotif et yolontaire, qui fait corps avec la personne et ne s'en peut détacher. Par suite, elles trouvent Ie type religieux par excel- lence dans Ie 111ysticisme, dégagé des visions et exLases qui ne lui sont pas essentielles, et raÍnené à son prin- cipe, l'intensilé eL l'élargissemenl de la ,.ie inté- rieure. Et elles proposent aux homn1es, conlme nlodèles de Ia vie religieuse, les grands créateurs, chez qui la religion a été, avant tout, une vie, une expérimentation personnelIe, un accrois3elnent de la grandeur et de la puissance humaine: les saint Paul, les saint Augustin, les Luther, les Pascal. Cne telle religion n'est pas une chose faite, dont on dénombre et classe les éléments, dont on observe et définit l'évolutiol1, dont on prédit les deslinées. C'est un être qui vit, se crée ou se recrée sans cesse, et qui ne cesserait d'être que si l'éûergie et la volonté s'éteignaient chez ses réprésentants. Une telle religion n'est pas, d'ailleurs un mysti- cisme passif abÌlné dans la contenlplation : c'est une exaltation de I'activité, poursuivant des fins toujours plus hautes, et s'appropriant Ies formes nécessaircs "ILL1.nl J.nIES I:T L'E\'I'ÉnIEXCE ItELIGIEVSE 329 pour les réaliser. En nlêlne temps, loin d'être un prétexte à ùOlnincr lcs hommcs et à Icur iInpûser des cl'oyances unifonncs, c'est, pour chacun, Ie devoir, non seulcment de' respecter, mais .Ie chérir en aulrni ce que Sa religion a de propre et de per. onnel puisque seu) cxiste et est efficace cc qui tient à la personne, et que les personnes sont ct doivcnt être diITérentes les unes des aulres. Et, tout en conservant son caractère propre, qui est la relation avec ce qui, pour nous, est surnaturel, la religion, chpz 'Y. James, est cxpressément réin- tégrée dans la nature humaine. Comme il a relió rexpérience nlystique à l'expérience religieuse 1101'- Ioalc, en montrant dans la premièrc la foi devenue intuilion, ainsi il fait renlrer l'expërience religieuse ùans l'expérience coolffiune, en y voyant Ie dévelop- pelnent, conforme aux lois psychoIogiqucs générales, d'éIélnenls qui sont présents, quoique d'ordinaire ina- perçus, en tout acte ùe conscience ilumediate. La religion fait Jonc partie de la yie normale de l'honlme et, comme d'aillcurs, elle cst favorable å la conseryation, à l'intégrité et à la prospérité de ccUe ,'ie. la raison même conspire avec l'in tinct ot Ia tradition pour en favoriser la subsistancc. 1\on nloins forte est la situation que la doctrine de 'Yilliam James fait à la religion en face de la science. Aucun conflit n'est concevable entre l'une et l"autre, puisque la religion est toute dans les yicissitudes du sentiment qui fait]e centre de notre personnalité, alors que la scieHce n'a affaire qu'au phénomènes représentés, et se borne à en observer et noter Ie cours habituel. D'autre part, science et religion sont reliées rune à l'autre. Elles ont une même fin: Ie bonheur et la puissance de l"homlnc: une même mélhode: 28. 330 SCIE:\'CE ET RElIGION l'expérience, l'induction et l'hypothèse; un mênlC chalnp : la conscience humaine, dont la religion cst Ie tout, la science une partie. .s- -" * * Si vivante et ingénieuse que soit cette doctrine, est- cIle il I'aln'i de toute ohjection soit du cóté des :,avants, soit du cóté des homn1es religieux"? De la part des savants, l'objection était à prévoir. Ils contcstent que Ie mode de connaissance invoqué par 'Villiam James réponde à ce qu'ils appellent cxpérience. L'expérience scientifique aboulit it affirmer : on seulelncnt telle chose m'apparaît, mais clIe est. Elle est, eC5t-à-dire: cIle est susceptible d'être perçue pal' tout êlre doué de scns et d'intelligence normaux, ob- ser\-ant Ie phénomène dans les conditions où il s'oITre à moi préscntcrnent. Or les descriptions que rappårte \V. James, en les en1pruntant Ie plus souvent aux sujets eux-nH mes, ne nous révèlcnt que des impressions subjectives. Elles nous apprennent qne telle personne, plus ou moins anormale; a èU Ie senlilnent d'une préscnce objecti,-e, ou de l'irréel, ou d'une communication avec des êtres surnaturels. ElIes nous font connailre les circons- tances, les, vici situdes de ce sentiment. Elles renlrent. semble-t-il, dans les descriptions subjectives d'haIlu- cinalions. de troubles psychiques. Et \Yilliam James, lui-même, tout d'abord ne. paraît guère. leur attri- buer ù'autre signification. Peu à peu, cependant, à mesure qu'il étudie des formes plus rclcvées du sentiment de la possession, et en parliculier les émotions des grands lllysliqucs, il en vicnt à consi- \\ II f.JI.\'1 JA\'II S E1' L'EX))f:nIEXCF RELIGIL{)SE 331 dérer presque Ie sentÌIncnt comme dénotant, par lui-IuêIne, l'existence véritabIc et objective d'un être distinct de l'homme et spirituel, avec qui sa con- science entrerait en rapport. " Sans doute, 'YïIliam James écarte énergiquement, comIne pures fictions de l'imagination et de l'enten- deI11ent, to utes les descriptions détaillées et précises concernant la nature de ces êtres mystérieux et leurs rapports avec notre monde. Mais de cet éIément intéI- lectueI, habituellement associé aux émotions, il retient finalement quelque chose: l'affirmation d'une inter- vention supérieure, donnée, en quelque sorte, avec Ie sentiment lui-même. Tel, semble-t-il, Ie psycho- logue métaphysicien [aine de ßiran cnseignait qu'un sen timent privilégié, Ie sentiment de l' effort. contenai t en lui et nous révélait l'action d'unc force extérieure, ::;olidairement avec notrc vouloir. Iais ßiran n'a pu parvenir à établir sa thèse; et 1'0ll ne voit pas eom- IHont \Y. Janles pourrait prouver que cette proposi- tion: (( J e sens en moi l'action divine)) est identique à eette autre proposition : (( l'action divine s' exerce sur InOl )). Faut--il, avec certains auteurs t, interpréter la doc- trine dans un sens strictement idéalistc, et soutenir que, d'un Lout à l'autre, il Ì1'y est question que de ::,entiments, d'émotions, de croyances, considérés à un point de vue purement subjectif? Aprrs tout, ce qui nous sauve, ce n'cst pas un Dieu séparé de notre croyance, c' est notre croyance en Dieu. Il c t certain que 'V. James adopte Ie point de ,'ue eInpirique radical, et que, dans des oujets subsistant hors ùe nalls, il ne peut voir que ùes Hclions de IÏInaöination et des con::;tructions artifieicHes de 1. cr. Flourllo , t!v. philos., sc.. t. 1UJ . 332 SCIENCE ET RELIGIO:'J l'entendement. Entre l'hallucination et la perception, il n'admet certaineOlent qu'une différence de degré, ct c'est ce qui lui permet de conHnencer ses analy es par l'étude de cas où il n'y a évidemment qu'une hallucination morbide. lais il ne semble pas que ce recours à un subjec- tivisme universel suffise it lever Ia difficuIté. Pour qu'une expérience, même subjective puisse être dite expérience, au sens, non seulement pratique, mais philosophique du mot, il fant qu'on y puisse distin- guer, au Inoins idéalement, Ie sujet donné qui éprouve certaines émotions, et un sujet connais- sant, qui constale impersonnellement l'existence de ce émotions. Autrement, il s'agit d'être, de réalité, non de connaissance. Un arbre n'est pas une expé- rience. Or l'état du sujet, dans Ie phénomène religieux, parait particulièrement impropre au dédoublement qui serait ici nécessaire. Le ujet, lout cotier au sentiment d'une communication avec l'infini, ne distingue plus entre Ie réel et l'imaginaire. 8es émo- lions mêmes, dans de telles conditions, sont-elles véritables; au ne sont-elles que ces émùtions suppo- sées, factices, objectivement insincèrcs en dépit de leur intensité et de leur évidence, que la langue anglaise appelle, d'un terme énergique, sharn emotions? Loin qu'un état mystique puisse constituer une expé- rience, on se demande si c' est encore un état de conscience, puisque l'absorption mystique tend pré- cisément à l'aboJition de la conscience. Ici se découvre Ie problème précis qui est au fond de ce débat : N'y a-t-il d'autre expérience que celIe qui suppose la dualité d'un sujet et d'un objet? Cette expérience, qui est celIe de la conscience distincte et de la science, ne serait-elle pas dérivée et artificielle 1 \, ILLI nl J,UlES ET ,,'Expi:HIL\TI: DFr IGIEt.:3E 333 par rapport it une expérience, vraiment une avec la \-ic ct la réalilé, qui serait l'expériencf' prrmière el ,.éritable? Telle est, en eiTet, la doctrine qui para t résulter de la substitution du chan1p de conscience aux états de con cience dans la psychologic de ".... Jalnes 1. Le premier donné, selon celle doctrine, c'est un infini et un continu d'impression. d'expé- rience vivanle, dont nos perceptions claires ne sont qu'un extrait, élaboré et déformé, destiné à nous servir dans la poursuite de certaines fins pratiques. A ce sujel les opinions se heurtent. Dans Ie moi sublÍIninal. où les uns veulent ,.oir un agrandissement, un enrichis pment de la. conscience, les autres décla- rent n'aperceyoir qu'un appauvrissement, un rétré- cissemenL une trace, un résidu. A y regarder de près, di cnt ce derniers. on ne trouve rieo dans ceLtc prétendue conscience supérieure qui n'ait été préala- Llen1ent dans la conscience comn1une et sensible. Les urnaturclles inspirations des Inystiques sont des réminiscences. les créations de l' esprit pur sont des états de conscience oubliés qui, sui "ant les lois psy- chologiques communes, se sont mf caniquement agrégé d'autres états de conscience, d'oil est résuIté un orga- nislne psychique que la conscience ne reconllaìt pas. H en est de cel inconnu comrne de tous les prétendus m)'stères qu'on oppose à la science : Ie progrès dr l' observation et de l'analyse Ie fail rentrer dans Ie connu et dans Ie nature!. Si évidente que paraisse cette réfutation, il convient de remarquer qu'elle suppose admi e ct postule la psychologie dite des états de conscience. la psycho- logie atomique, c'est-å-dire Ie point de ,'ue Inême que ""0 James considère cornlne facticc et inadnlÌs- 1. Cr. la ttH Ol'ie, analogue par certains côtcs, de II. Bergson: Introduction à la 11ll:1aph!Jsi'1ue. Hcy. de mét. et de mor., 1 03. ;);)4 SCIE:'\CE ET nELlGIû sible. II 5e pourrait donc que cette réfutation ne fût qn'une pétiLion de principe. Certes, la science s'assilnile une dh.ersité croissante de phénomènes. l\Iais ce n'est pas en conservant pure- ment et sin1plen1ent ses anciens cadrc:;, à la manière des esprits bornés, des old fogies de 'V. James, qu'elle obtient ce résuItat : c'est en les élargissant, en les a5souplissant, au besoin rn les transformant. En fait, aucun de ses cadres, non pas luême ceux qui sou- ticnncnt tous les autres, les cadres Inathématiques ou logiques, n'est réellement immuable. Le jour OÙ il serait prouvé qu'il existe des phénomènes irréductibles aux types psychologiques classiques, la psychologie ferait comme font, en pareil cas, la physique ou la chimie : elle chercherait d'autres principcs. En fait, comment, dans rétat actuel de nos connais- sancc , prouver que tout ce qui se présente it l'esprit: inventions, comhinai ons, idées, objet it définir, lins à chercher et à réaliser, n'cst que du Jéjà yu? Et Ie déjà YU lui-même n'a-t-il pas commencé pa!" être vu en quelquc manière? Et savons-nous précisément ce que c'est que yoir. et OÙ s'arrête la portée de notre vue? La possibilité d'une expérience plus étenduc on même autre que celIe des cinq sens dont nous dis- posons actuelJement parait, à vrai dire, peu contes- table. Iais, pour que l'on puissß dire qu'il s'agit bien d'une expérience, et non d'un simple sentiment, il aut, certes, qu'il y ait, dans la notion conçue par Ie sujet, quelque chose qui réponde à ce qu'on appellc objectivité. Croire it Dieu, c'est, de quclque manière, croire que Dieu est, indépendamn1ent de la croyance que nous avons en lui. Or nulle particularité subjec- tive de l'expérience, non pas nlêrne un sentilnent de surphìs, u'au delà, d'exce siYeté ne peut. it elle seule, garantir l'objcctivité, la réalité de cette expé- "ILl LBI J,UIES ET L'EXI'Í"nIE:'\t.E RELIGIE[SE 333 riencc. C'est ce que paraìt bien adnleltre ,Yo Jame lui-même, lorsque, analysant les données imnlédiates de la conscience religieuse, il essaie d'y découvrir, non un indice, un témoignage, mais la réalité lnême, imnlédiateInent donnée, d'une relation de l'åIne avec quelque être supérieur. Com01ent entendre ce passage du subjectif à l'objectif? La. théorie même du subconscient serait insuffi- antc pour Ie justifier, car Ie subconscient. lui aussi, DC devient réel pour la conscience qu'en y entrant, c'est-à-dire en revêtant la forn1e subjective. Le phf>nomène essentiel est ici l'acte de foi par lcquel, éprouvant certaines émotions, la conscience prononce que ces émotions :sont réellcs ellui ,'iennenL I de Dieu. L'expérience religieuse n'est, ni ne pent êtI'è. par elle-même ct détachée du sujet, objective. Iais Ie I sujet lui donne une porlée objective par la croyance flU'il y insère. Ainsi rnélangée de foi, l'expérience religieusc ('c serait-elle, par là, d'être une expérience o! Telle ne saurait être. semble-t-il, l'opinion de 'V. James. Car eertainement, òans sa pensée, l'idée mêlue d'ob- jectivité: caractéristique de l' expérience sensible et de l'expérience scientifique, recèle déjà une part de croyance irréductible. La catégorie d' existence effec- tiye.. indépendantc de tout élément subjeclif, est, en défìnitive, une croyance. La croyance ou la foi est au cæur de toute connaissance. Comme on a. contesté que l'expérience religieuse de 'Y. James fût one expérience, au sens scientifique du mot, ainsi on s'est demandé jusqu'à quel point eUe méritail d'être appelée religieuse. Le sujet. dit 'Yillianl Jan1es, connaît que Ie mystère S3ß SCIE CE ET RELIGION religieux s'acconl pli t en llli, 10 rsque, à son cri de délresse : <\ Au secours! )) il entend une voix qui répond : (( AÌe courage! ta foi t'a sauvé. )) Le moi humain est naturellement divisé avec lui-mênle et défaillant. Si l'harmonie s'y rétablit, si une force qu'il ne pouvait se donner lui est ajoutée, c'est qu'un plus grand que Jui l'assiste. Iais, fait, à bon droit, ce sernble, obsen"cr IIæffùing f, ces phénomènes eu\:-mêmes semblen! insuffisants pour caractériser une expérience COlnme I"cligieusc s'jl ne s'y joint lIne appréciation ùe la valeur de l'harmonie et de l'énergie que Ie sujet voil ainsi s'introduire en lui. Conçues conune purement analogues aux choses naturelles, cetle harmonie et ceLIe force ne supposeraient aucune intervention di,-ine. Mais si Ie phénomène psychique est interprété par Ie sujet comme Ie rétablissement d'un accord entre Dieu et I'hon1me, entre l'idéal ot Ie réel, OU, I elon la doctrine précise de HæfTding, entre les valeurs et la réalité, alors Ie sujet rapportera l'appa- rilion de ccUe harmonie et de ceUe force à l'action de Dieu comme principe des valeurs ; et l'expérience, par là, présentera un caractère religieux. I Et, en eITet, c'est Ie concept, c'est la croyance: jointe au sentiment, qui, seuIe, ca.ractérise ce dernier. Pour qu'une émotion soit reIigjeuse il faut qu'elle i soit consiùérée comme ayant en Dieu, entendu lui- même religieusement, son principe et sa fin. I C' est done la foi, enveloppée dans l' expérience religieuse, qui la caractérise, et COInme expérience ' et comme religieuse. L'imporlance de la foi est iCl d'autant plus grandc que, selon \V. James lui-même, elle n'accompagnc 1. Hæffding, lIIode1'ne Pltilosòphie, 1905. cr. Id. Religionspltilo- SC71 1d "J. WILLI.UI J.\\lES ET L'E'\P{ It IE:\CE REIICIEt:SE 33ï pas seulelnent l'émotion, mais a sur clle une réelle influence, et peut, dans certains cas, la produirc å el1e seule. La foi religieuse, qui, peut-être, porte Diell en elIe, n'est pas une idéc abstraite : eUe guérit, elIe console; elle crée son objet. Tandis qu'il cherche ell gémissant, Pascal entend Ie sauveur qni lui dit: (( Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé! )) Iais, s'il en est ainsi. l'expérience religieuse n'est pas ce principe entièrement inùépendant des concept , des dogmes. des rite:" des traditions et des institu- tions, que emblait dégager et isoler {'analyse de \\ïllian1 Jan1e . Car ces conditions extérieures sont, cn qllelque manière, des éléments de la foi. Comme elles la supposent, ainsi eUes réagissent sur elle et ùéterminent son contenu. Dans l'expérience religiense d'un individu donné, si .on ranalyse, on trouyera toujours, incorporée à sa foi, une foule (ridécs et (Ie sentin1ents liés aux formules et aux pratiqucs qui lui sont familières. Dc la foi religieuse elle-mên1e, il faut dire qu'elle est, pour une part, une traduction ùe l'action en croyance. II semble done permis de se demander, avec l1æ1Tding, si Ie fail même de l'expérience religieusc lJrvivrait à la disparition de tous les élélnents intel- lectuels, extérieurs et traditionnels de la religion. Ces éléments, d'ailleurs, n'ont-ils d'autre valeur que celle qu'ils tiennent de leur rapport it la conscience Tcligieuse des individus? La religion personnellc esl-elle, à elle :::;eu1e, tout l'essentiel de la religion? ans doute, Ie rôle social de 130 religion, si consi- ùérablc que l'hi toire nOHS Ie montre. ne suffit pas it ..lémontrer que 1a religion soil. originairement et cssentiellcment, un phénon1l'llc sOLial. Il se pent u'cn .I 33 SCIE;\CE ET RELIGIOX fait la religion soit née dan,; lcs âmes d'individus en- lhousiastes, et que, s'étant propagée par imitation, par contagion, cUe ait revêtu peu à peu la forme de dogmes cL ({'institutions, comme il arrive aux croyances pro- pres à assurer la conservation el la puissance d'une société donnéc. Iais, alors même que Ie cõté social des religions serait un cITct et non une cause, il ne s' ensuivrail pas que la religion purement personnelle fLit, aujourd'hui même, la seule forme haute et vivace de la religion. Déjà l'individu, en tant qu'il vise, pour lui-même, à la perfection religieuse constate qu'il ne saurait s'cnl"erIl1er dans une saintcté solitaire. Nul ne peut faire son salut tout se l. Car la personnalité hun1aine ne se Jéveloppe, ne se crée, n'existe, que dans l'etIort que font les hommes pour s'entendre, s'unir et vivre la vie les uns des autres. Et ainsi, les choses com- munes, actes, croyances, sYlnboles, institutions, sont une partie essentielle de la religion, mème dans sa forme personnelle. .Mais la personne individuelle n'a pas seule une valeur religieuse. Fne société est aussi une sorte de personne, susceptible de déployer des vcrtus propres : justice. harmonie, humanité, qui débordent Ie cadre de la vie individuelle. Jadis c'étaient les religions qui avaient en main les destinécs matériellcs et morales des sociétés. Si aujourd'hui elles ne disposent plus du gouvernement politique, ne peuvent-elles encore prétendre à montrer aux nations leurs fins idéales, et à développer en eUes la foi; l'amour, l'enthou- sia<;:me. l'esprit de fraternité et de sacrifice, l'ardeur c.t la COl1btance, nécessaires pour travailler à les réa- liser? Une pareiUe tâche dépasse la religion purement per onnellc. Elle suppose, chez les membres d'une \\ ILLLGI J.UIE'; ET L'EXpÉrUFXCE RELIGIFl sr: 330 société donnée, Ie culte collectif de3 traditions, des croyances, des idées qui tendent à l'accomplissement de a mission et à la réalisation de on irléal. Si Ie entin1ent est l'åme de la religion, les v croyances et les institutions en sont Ie corps; et il n'y a de yie, en ce n10nùe, que pour les ân1CS ul1ics ã des corps. CO CLUSION La confrontation inévitabIc. - Le conflit est proprement entre l'espl'it scicntifique et l'esprit religieux. I. RAPPORTS UP: L'ESPIHT SCIE ;TIFIQUE ET DE L'ESPIHT RELIGIEU . - 1 0 l..'esprit scientifique. - Comment s'établissent Ies faits. Ies Iois. Ies thé0rics. - L'évolutionnigme. - Le dogmatism expérimental. - 2 0 L'esprit religieux. - Est-il compatible ave.; l'esprit scientifiquf' ? - Distinction de Ia science et do Ia raison. - La science et l'homme : continuité entre celui-ci et celle-Ià. - Les postulats de la vie: ils coincident avec Ies principes de la religion. II. L" RELIGION. - "m'ale ct religion : ce que la seconde ajoute à la première. - \'italité et souplesse de la religion comme principe spirituel posit if. - La valeur de l'élément intellectuel et objectif. Le rùle des idées confuses dans la vie humaine. - Les dogmes. - Lcs ritcs. - La transformation de la tolérance en amour. ' La question des rapports de Ia religion et de la science, considérée à travers l'histoire, est l'une de celles qui provoquent Ie plus d'élonnem nt. En somme, ma]gré des compromis cent fois renouvelés, malgré Ies etTorts obstinés des plus granùs esprits pour résoudre rationnellement Ie problème, il semble que Ia religion et Ia science aient toujours été sur Ie pied de guerre, et qu'elles n'aient ce sé de lutter, non seulement pour se do miner, mais pour s'anéantir l'une l'autre. Pourtant, les deux principes sont encore debout. En 20. 3-í SCIEXCE ET RELIGIOX yain la théologie a-t-clIc prétendu a se'ryir la science: celle-ci a secoué Ie joug Je la théologie. Drpuis lors, il a pu sembler que les rôles s'étaient retournés, et la science'. n1aintes fois, a annoncé la fiu des reli- gions; mais les religions ub!'istent, et la violence Inème de la lutte atteste leur vitalité. Si I'on considère les doctrines oÌ1 se ré ument et se défìIli sent lcs idées acLuelles sur Ie rapport de 130 religion à la Rcience, on les ,'oit ðe répartir en deux grou pes. dont l'un représente ce que l' on peut appeler la Lendallce naturaliste, et I'autre la Lendance spiriLuali:--te. Dans Ie premier, il nous a semblé qu'on' pouvait ranger.. it titre de spécimens : Ie positivisme d'.\ugusLe Comte ou religion de I1Iumanité; l'évolutionnÌsn1e de Herbert Spencer avec sa théorie de l'Illconnaissable ; Ie rDonisme de IIæckel, qui conduit à la religion de la science; Ie psychologisme et Ie sociologislne, qui ran1:ncnL les phénomènes religieux aux manifestations nalurelles de l'artivité psychique ou sociale. Dans Ie second on peut faire rentrer : Ie dualisme radical de Ritschl.. aboutissant à la di tinction de la foi et des croyances; la doctrine des lilllÏtes de la science; la philosophie de l'action, comIne reliant it un principe commun la science et 13 religion; la Joclrine de l' exvérience religieuse, telle que l' expose 'Yïlliam James. ...\ cette lisLe de doctrines, une revur complète en . ajouterait beaucoup d'autres. Ces exem pIes suffisent à montI'er avec queUe ardeur, queUe persévérance et quclles res sources de part et d'autre se poursuit la lutte séculaire. Prédire Ie résultat de ceLte lutte au nom de la seule logique serait une entreprise téméraire; car les cham- pions de rune et I'autre cause font depuis iongLen1ps CONCLUSION 3 j: assaut de dialectique sans réussir à se convaincre. II s'agit ici, non de deux concepts, mais de deux êlre , doni chaclln, selon la définition spinozisLe de J'cxis- tence, tend à persévérer dans son être. Entre deux vivants, la victoire n'cst pas à celui qui sait Ie Inieux aligner des syllogismes, n1ais à celui donl la ,-italité est la plus forte. D'ailleurs, la dispute est ici entre )a connais.;;;:ance, sous sa forme la plus exacte, et quelque chose qui, plus ou moins, se donne comme hétéro- gène à celte connaissance. II y a nécessairement, entre ces deux termes, une sorte d incomn1ensurabilité logique. Trancher la question en acheyant a priori la courue empirique d'évolntion que l'on dégage ou croit dégager de I'histoire est, égalemcnt, une Inéthode trop simple. II ne suffìt pas toujours qu'une chose soit vieille pour qu'elle touche à sa fin. 11 n'en est pas néces- saircmenl de la yie ùes idées, des sentiments, des choses morales comme de la vie de individus. Bien plus, quand ces choses sont mortes, elles pellvent renaître, !'urtout si eUes on (eu Ie tern ps d' être oubliécs. Ainsi se font les ré\"oIutions, qui sont d'autanl plus bardies qu'elles ressuscitenl des principes plus yieux. Quand Rousseau voulut renouveler Ie monde, il fit appel à la nature comme plus ancienne que to utes les coutumes. l)'aillellrs, si rhistoire nous oITre des éyolntions qui semblent se faire dans un sens déter- miné, elle nous présente aussi des mouvementsrythmi- ques, où Ie développement mêIne d'une périðde cst l'acheminement à une période contraire. La marchc de., choses humaines est trop compliquée pour qu'on puis:5e ren1ontcr, d'une évolution donnée, aux causes mécaniques élélnenlaires qui la déterminent, ct dont la connaissance rendrait seule possible une prédiclion \-raiment scientifiquc. 344 SCIE:\CE ET ßELIGION S'jI cst vrai que la religion et la science puissent {'tre assimilées à des choses vivanLes, COlnment rne- surer leur vitalité, les ré erves d'énergie, les possi- bilités de réyeil qu'elles peuvent recéler? e voyons- nous pas, aujourJ'hui même, certains naturalistes cxpliquer les 111utations brusques que présentent p3rfois les espèces naturelles par des caractères, jus- qu'alors latents, que quelque circonstance favorable met brusquement en yaleur? Plutôt que de hasarder, sur l'avenir des religions, des prédicLions plus facile:;; que Yérifiables, il peut être intéresBant de considérer l'état actuel de l'une et de l'autre.. et de déterminer, d'après cette étude, la manirre de concevoir leurs rapports, qui, seion la formule d' Aristote, paraît, à la fois, et possible. et convenable. Or, il semble que les deux puissances qui s'afTron- tent actuellement soient moins encore la religion et la science, comme doctrines, que l'esprit scientifique et l'esprit religieux. Peu importerait au savant, en défi- niLi ve, que la religion n 'affirmât rien, dans ses dog- mes, qui ne fût d'accord avec.les résultats de la science. Ces propositions seraient, par la religion.. présenLées comme dogmes, comme objets de foi; elles lieraient l'intelligence et la conscience, elles exprimeraient, en un mot, un rapport de I'homme avec un ordre de choses inaccessible à notre connaissance naturelle: c'en serait assez pour que Ie savant rejetât, non peut- êLrc les propositions elles-mêmes, mais Ie mode d'adhé- sion qu'y donnerait Ie croyant. Et celui-ci, à son tour, s'il voyait toutes ses croyances, tous ses sentiments toutes ses pratiques eÀpliquées et même justifiées par la science, serait plus éloigné que jamais de se récon- cilier avec elle, puisque, ainsi expliqués, ces phéno- mènes perdraient tout caractère religieux. CO:\CLt;SIO:\ 3 '''' -iJ Dès lor , C'C3t aujollrd'hui. tenter nile æuvrc sans granùe porLée que ùc chcrcher à. démèlcl" une certaine hannonie entre les dognlec;; de la religion e1 les con- c11.l5ions ùe la science. Celle-ci, chez nnnlbre de se:-: représentants, entend écarter In .religion en principe et a prio)'i, pour la lnanièro de pen'3cr, de sentir, d'af- firmer et de youloir, qn'elle impliqne. L'holnrne reli- gieux estime-t- eUe. fait de ses facultés un usage qui ne répond plus au progrès de Ia culture hun1aille. L'es- prit cientifiquc n'est pas seulement autre que l'esprit religieux. il en est, proprement, la négation. Ii est né de la réaction de la raison contre cet esprit. Son trioD1phe ella di rarition de l'esprit religieux ne sont qU\U1C seule et n1ême chose. C'est done 1110ins la science et la religion propre- n1entdiles que l'csprit seientifique et resprit religieux, qu'il s'agit pour nous de meUre en présence l'un de l'aulre. . II importc. d'ailleurs, de remarquer que Ie commode s)"stèn1e de la cloison étanche, fort à la n10de au siècle dernier, ne Sp conçoit plus dans les conditions actuelles. Si la lutle n'e..t pas seuleInent entre deux doctrines, mais entre deux esprits, il est décidément impossible å un hOll1me qui veut être une personne, c'esl-à-dire une conscience une et raisonnable, d'admettre éga- lenlent, sans les confronter l'un avec l'autre, les deux principes qui se disputent les intelligences. Et ce qui est inconccyable chez l'individu l'est, à. plus forte rai- son; dans la :!5ociété, qui, cUe aussi. est lIne :5orle de conscipnce, et ùont Ie jugement dépend n1oin que celui ùe I'inùiyidu des circonstancps accidcntelles. PIu" que jamais. Ia question des r3pporls de la reli- gion et de la science est capita Ie et inélucLable. 34.6 CIE"\CE ET llELIGIO:i I RAPPORTS DE l'ESPRIT SCIENTlFIQUE ET DE l'ESPRIT RELIGIEUX. Jadis, on pouvait juger indifférent de considérer en premier lieu la religion on la science. II n'en est plus de même aujourd'hui. La science s'est, selon une expression courante, émancipée. Tandis qu'elle n'avait autrefois de certitude que celIe que llli conféraient certains principes métaphysiques: au moyen desquels elle s'appliquail à coordonner les phénomènes de la nature, clIe a trouvé, dans l'expéricnce, un principe propre et inlInanent, d'oil clIe tire, sans autre auxi- liaire que l'aetivité intelI cturlle COITJ Olune. et les faits, matériaux de son æuvre, e1 les lois. it l'aidp des- quellps elle coordonne les faits. II suit de là que, pl'ati- queillent, dans a genèse et dans son développeIncnt, la science se suffit, et que Ie premier trait de l' e prit scientifique, c'est, désormais, de n'admettre aucnn autre point de départ de la recherche, aucune autre source de la connaissance, que l"expérience. Donc, pour Ie savant, la science se pose cumme quelque chose de premier et d'absolu,. et il est vain de lui demander de s'accorder avec quoi que ce soit. Elle a fait væu de s'accordcr avec les faits et avec eux :-;euls. Si I'on souhaite d'être écouté d'elIe, il est indispen- sable d'accepter Ie point de vue où elle se place. D'ailleurs, c'esl elle surtout, aujourd'hui qui attaque. La conscience humaine est, :-;ans nul doute, désormais gagnée it la science, dont la certitude s'irn- pose par une évidence irrésistible. La forme sous laquelle se préscnte aujourd'hui Ie problème des rap- ports òe l' esprit religieu\: et de l'esprit scicnLifique, COXCLI;SIOX 3j7 est la suivante : I' es prit scientifiquc qui, chez certains de ses représentants, se donne pour la négation de res- prit religieux, l'exclut-il en effet ou en laisse-t-il, malgr{> certaines apparences, sub istcr la po j bilité? Qu'e"l-ce done, au fond, que I'esprit scientifique, et queUes conséquences résultent de son développemenl dans l'humanité'? 1 0 L'esp1'it scientififjue. Avec Descartes et surtout avec Kant, l'esprit scien- tifique paraissait déterminé, d'une manière imlnuable, par les conditions logiques de la science et par la nature de l'esprit humain. C'était, chez Descartes, Ie parti pris d consiùérer toutes cho es d'un biais qui pernlit de le réduire, directement ou indirectement, å des éléments mathématiques; chez Kant, c'était I"af- firmatÏon a jJl'io1'i d 'une liaison nécessaire des phéno- mènes entre eux, dans l'espace et dans Ie temps. Armé de ce:-; principes, l'e prit s'est élancé, avec une ardeur nouvelle, vers la découverte des lois de la nature; et le uccès qu'il a obtenus ont pu lui faire croire qu'il étail ùésormais en possession de la forme éternelle et absolue de la vérité. Iais cette opinion a dû se modifier, -Iorsque l'on a examiné de plus près la manit\re dont 5e fait la science, les conditions de son développement et de sa certitude. II parail bien établi aujourd'hui que l'esprit scien- tifique, non plus que les principes de la science, n'esl pas quelquc chose de tout fait et de donné; mais qu'il se forOle lui-mênle å mesure que la science 5e crée el progresse. D'une part, c'esl l'intel- ligence qui fait la science, et celle-ci ne s'extrait pas des choses comme, cl'un composé chilnique, un élémenl -!8 SCIE:\CE ET RELl(;IO de ce composé. D'autre part, l'æuyre réagit sur l'Oll vrier; et ce que nous appelons les catégories de l'enten- den1ent n'est que l'ensemble des habitudes que l'esprit a contractées en se travaillant pour s'a similer les phé- Domènes. Illes adapte à ses fins, el il :=;'adapte à leur nature. C'est par un compromis que se faill'accord. Et ainsi, l'e8prit scientifique n'est plus dé:5orn1ais un lit de Procu to oÍ1 les phénolnènes sont tenus de so ranger. C'cst l'intelligence, vivante et souple, se développant ot sr déterlninant, non sans analogio avec les organes du corps, par l'exercice mêrne et 10 travail que l'æuvre à accolnplir exige d'elle. Deux idécs, urgies à répoque de la Renaissance, paraissent ayoir particulièren1ent contribué Ù oriente.. I' esprit scientifique dans Ie sens où il marche désonnais : d'une part.. Ie désir de posséder enfin Jes connais- sances certaines, susceptibles de durer et de s'addi- tionner; d'autre part, l'anlbition d'agir sur Ja nature. Ce double objet, la science se croit désormais en Illcsure de l'atteindre, en se donnant pour principe inviolable ot unique I'expérience. L' esprit cicntifique, c'cst, essentiellen1ent, Ie sens du fait, COlnme source.. règle.. n1esure et contrôIe de toute connaissance. Or, ce que la science appelle un fail, ce n'est pas simplen1ent une réalité donnée: c'est une réaIité constatée ou constatable. Le sa- vant qui se propo e de déterminer un fait se place en dehors de ce fait, et l'observe, comme pourrait Ie faire tout autre esprit également mû par Ie seul désir de connaitre. En ce sens, il s'applique à Ie discerner, å Ie fixer, à Ie noter, à l'exprimer au moyen de sym- boles connus, et, s'il est possible, à Ie mesurer. Dans chacune de ces opérations, resprit a une part indis- pe sable; mais ccUe part consiste it élaborer le I dOllné de milllière qll'il soit, Ie plus possible, recc- , I CO.:\(' 1 L,sW:'lì ala vable pour tOllS Ic::; csprib. Tandis que Ie donné primordial n 'était guère (!u'unc imrre ion, un ::,cnti- ment individuel, l'æuyre d'arl qu'y substitue l'esprit scientifique 0.,1 un objet òéfìni et existant pour taus, une pierre utilisable pour fédifice de la ::,cienco impersonnclle. .Ain::;i s'est adaptée aux chose , et définie :-,cicIlti- fiquen}ent à travers des tâlonnements san'" nombre, l'antique aspiration de l'esprit philosophique à la connaissance ùe I' être en soi on de la substance pcr- manente des choses. Cepcndant l'esprit, réf1échiss3.nt sur l'expérience, se demanùe si celle-ci ne fournil que de:; faits, 01 :;'il ne serait pas possible, sous la seulc direction de cette Inême expérience, de dépa::; er l fait pro- prement dit, et d'atteindre à ce qu'on appelle la Ioi. Jadis les Iois étaient conçues COIllnle dictées par l'intelligence à la matière: iL s'agit main tenant de les déduire des chases elles-mêmes. on qu'elles s'y trouvent toutes faites, et qu'il n'y ait qu'à les en extraire, lais de rnême que par une action et réac- tion mutuelles de l'esprit et de ]a connaissance se construit Ie fait scientitìque, ainsi, pellt-être, les faits eux-mêmes peuvent-iJs ètre élaborés de manière à devenir des lois. Une circonstance, qui, seruble-t-i], eût pu ne pas se rencontrer, a justifié cette ambition. Si tous les phénoluènes de la nature agissaient et réagissaient également leb uns sur Ie:; autre::;, ib formeraienl un en.5emble d'une complication et d'une mobilité teIles qu'il scrait, ::;ans doute, å tout jan1ais impos ible d'en démêler expérimentalemenl le lois. Iai:; il sc trouve que, parmi les choses qui tOInbent SOllS notre expérience. certain enst.mbles: ct certaines conne ion , bien qu'encore trè::, comple e , ont une 31) 350 5CIEl\CE ET RELIGIOX stabilitp relative, et sont sensiblement indépendanLs du reste de l'univers. Cette circonstance a rendu possible l'induclion expérimentale, par laquelle l'es- prit, isolant deux phénumènes de l' ensemble des ChO 5CS, détermine entre eux une solidarité. Ainsi s'esl définie scientifiquenlent, en s'adaptant au"\: choses données, la notion, jadis métaphysique, de causalité. Ce n'est pas tout: l'esprit, mû par une troisième idée, celIe J'unité, a cherché si, de cette idée même, il nc pourrait pas se former un schème applicable å une science expérimentale. La connaissance immédiate des lois physiques est morcelée. Vne Ioi est un couple de phénomèncs liés entre eux.. mab isolés des autres phénomènes. Par l'analogie et l'assimilation, resprit fait, de proche en pro('he, rentrer le lois les unes dans les autres, en les distinguant en particulières et en généralcs. Et ainsi.. il réunit après avoir séparé; et il peut concc- 'voir, cornIne un idéal, la réductio!l de to utes les lois it nne loi unique. L'unité des métaphysiciens est ainsi devenue la systématisation scielltifique des phénomènes. C'est à l'aide de s)ïnboles, parfois même d'artifices, que l'homrne simpli1ìe ainsi Ia nature; mais Ie fait scientifique lui-même, point de départ de toutes ces inventions, n 'est-il pas déjà un synl bole construit ur équivalent imaginaiI'e objectif du fait primitif'! L'esprit scientifique a conscience des conséquences qu' entraine la hardiesse croissante de ses ambitions. Son objet est toujours Ie même : créer dans l'intelli- gence humaine nne représentation, au si fidèle et uti- lisable que possible, des conditions d'apparition des phénomènes. lai , à Inesure qu'il s'éloigne davantage des phénomènes concrets et particulieI':5, pour cons i- CO CIXSIO:'i 351 rlérer on imaginer des phénomènes générau dont les conséqurnces t loÏ!!nées sont seules vérifiables, it se rend con1ptc que :"iCS explications, uffisal1tes peut- ètre, nc ont pas pour cela nécessaires; et il n'al- tribue à ce::; vastes conceptions que 130 ,-aleur d'hypo- thèse-; expérimentales. L'expéricnce, de plus en plus étendue et appro- fondie, ne s'est pas seulement assimilé les concepts philosophiques de substance, de causalité et d'unité. Elle a repri aux vieux penseurs un concept que la Inétaphysique et la science dogmatiques avaient pensé éliminer it tout janlais : Ie concept de changrment radical, d' évolution, partielle ou 111ême universelle. C'élait run des granùs principes <1ont les physiciens reC=5 discutaient la valeur. Or, ðoit dans nos moyens de connaitre, de noteI', de représenter, de dasser les cho es, soit dans la nature elle-même, la science, aujourd'hui. ne voil plus rien d'assurément stable ot définitif. :\"on seulement une science purement expé- rin1entale est par définition, toujours approxima- tive, provisoire et modifiable: mais, d'après les résultats de la science elle-même. rien ne garantit la stahilité ab ollle des lois, n1ème les plus générales, Que l'homme a pu découvrir. La nature évolue, peut-être jusque dans son fond, Solidaire rle choses, l'e prit scientifique est dé- sormais. lui-mème. sujet à l'évolution. II est, en ce sense un esprit de relativité, 11 considère toute explication commr néce sairement relative, et au nombre des phénomèncs connus. et à l'état, peut- être passageI', oÜ lui-mêlne se trouve actuellem nt. CcUe relativité, d'ailleur , n'entalne r'1 a valeur, et ne met pas obstacie à cette addition continue des conn3oissances (Iui est Ie prclnier artiele de sa. me- thude. Car, l'évolution ftit-elle radicale. clle n'cst pas 0)-') dJ_ SClE:\LE ET HELIGIO, conçue pour cola COnl1l1C arbitraire .ct comme ineon- nais ablc scicntiJiquement. Si les principcs les plus reeulés des choses::,e transforment, cettc transforma- tion même doit obéir à des lois analogues aux lois imInédiaten1ent observahles, à des lois expérimentales. {;n dernier trait, lié aux préeédents, earactérise l'e prit scientifiqne actuei. Sans doute, il n'est plus rlognlatique, au sens qu'une métaphysique intellec- tualisLe donnerait à ee mot. Iais il est et tend à per- sévérer dans son être. à la manière d'une chose vivante oil se sont accu mulées d'innombrables éner- gies naturelles. Il s'apparaît à lui-même comme la règle suprême tiu jugenlent et du raisonnement. Si done il continue à repousser tout dogmatisnlP méta- physique, it rétablit à son profit une sorte de dogma- tislne relatif, fondé lui-même sur l'expérienee. II croit à sa pni ance d'expansion illimitée et à sa valeur indéfiniment croissante. Par suite, de quelque problènle qu'il s'agisse il se refuse à conclure, avec Dubois-Beymond: J gno1'abil1l11s. Ce que nous igno- rons aujourd'hui, nul 11' est en droit dè déclarer que nous l'ignoreronc; toujours. N'est-ce pas, dOailleurs un résuItat, à certains égards décisif, de savoir que, ce que nous ignorons, lors même que nous devrions l'ignorer touj ours, est, en soi, connaissable confor- mément aux prineipes généraux de notre connais- fo'ance scientiHque? L'histoire de la scien@e prouve , . . qu entre ce que nous eonnalssons et ce que nous 19no- rons nous avons Ie druit d 'affirmer une continuité. C'est pourquoi I'expression : seientifiquement inex- plicable, est désormais vide de sens. One force mys- térieuse, un fait miraculeux, en aùmettant que Ie fait existe, n 'est auLre chose qu'un phénomène que nous ne réussissons pa::; it expliquer à l'aide des lois que nous connaissons. Si cotte impossibiliLé est avérée, la CO,CJX JOX 333 science cn 'sera '1uiLtc pour chcrcher d'aulres lois. Si dnnc Ie...; lnis qu'cnseigne la science sont et demrurent, non des affirmations absolues. mais des qucstions que l'e'\':périlnentateur pose å la nature et dont il est prl.t å Inoùifier l'énoIlcé si la nature refuse de s'y accommoder il n'en reste pas moins que res- prit scienlilìque a une confiance pratique absolue dans Ie postulat qu'iInpliquent toutes ces questions et qui n'est autre qu P Ia légitimité et l'univer alité du prin- cipe scientifique lui-même. Si tel est l'e prit scientifique laisse-t-il, dans la conscience humaine, une place à l'esprit religicux ? 2 0 L' esp,.i t relig ieux. II Y aurait une manière lrès simple de trancher la question. ce serait de décréter que l'esprit scientifique est à lui seul, toull'essentiel de la raison hUInaine, que toutes les idées ou tendances par lesquelles celle-ci a pu e Inanife ter à travers les âges ont désormais, dans les pril1ci pes de la science, leur seule expression vérifiée et légitime. Dès lors, tout ce qui est en dehors de la science, serait par lå Inême, en dehors de la raison; et, con1me la religion est néce :5airement autre chose que la science, eUe serait, a priori, relé- guée parmi ces malériaux bruts de l'expérience, que la science. préci éInent, a pour objet de tran forn1er en symboles objectif , capables de vérité. Pour que I'esprit scienlifique admette la légitimité d'ull point de ,.ue sur les choses autre que Ie sien propre. it raul qu'il ne se considère pas comme adéqllat à la raison même, qu'il reconnaisse Jes droits d'une raison plus générnle. dont il est, sans dante, la ronne Ja plus déIìnie, mais dont il n'épuisc pas Ie u. [IBRARY ST. MARY'S COLLEGE 354 SCIE:\'CE I:T :nr:Llr.IO contenu. Iais est-il évident que la raison scicntifique ait désornlais reInplacé, purement et simplement, celte rabon sans épithète, dont les hOIl1 mes ont. de tout temps, fait Ie privilège de leur espèce ? ' La raison scientifique est Ia raison, en tant que forméc et détern1inée par la cuHure des sciences. La raison, prise ùans toute sa compréhension, est Ie point de vue sur les choscs que détermine, dans l'âme humaine, l'ensemble de ses rapports avec elles. C'e t Ie nlode de juger que l'esprit se forme, au contact et des sciences et de la "Vie, en recueìlIant et fondant ensemble toutes les pensées lun1Ïneuses et fécondes qui jaillis ent du génie humain. Or, en se plaçant, en ce sens, non plus e clusive- Il1ent au point de vue scientiHque, n1ais au point de vue, plus général.. de la raison hun1aine, on peut rechercheI' les rapports de l'esprit scientifique et de I' esprit religieu sans que la question soit I'ésolue d'avance. Si la science, pratiquement, se suffit à elIe-même, si elle a, dans l'expérience. une orte de principe absolu et premier, s'ensuit-il qu"aux yeux de la raison, non plus seulement scientifique, mais humaine, elle puisse être considérée comme un absolu ? II est très intelligible qu'une chose qui, prise en elle-mênle, ::;emble être un tout ne soit cependant, en réalité, qu.une partie d'un tout plus vaste. Tous les progrès se font en développant pour elle-mème une partie qui, en fait, ne subsiste que par Ie tout auquel elle appar- tient. La science est dans son rôle en ne connaissant d'autre être, d'autre réalité que celIe qu'elle enferme dans ses formules. ::\Iais s'ensuit-il que la raison ne fasse désormais aucune difTérence entre l' être tel qu'il est connu par la science, et l'ptre tel qu'iI est? La science consiste à substituer aux choses des COXfLLSIO;\ 3 j :ò'Ylnholcs qui en f\,\lpriIncnt un certain aspect, l'aspect tl'adui ihlc par des rapports relati\rement précis, intcUigihles ct utilisablcs pour tous Ies hommes. ElJe ré llltc d'nn clédoublcInent de l'être en réalilé pure et ilnplc et en représentation distincte, dite objective. Si obstinée qu'elle soit à poursuivre Ie réel en 5CS plus délié replis, eUe dempure un æiI qui eonlelnple (,t ubjcclive les choses; clIe ne peuL san;:, contradic- tion, sïdcnlifier avec la réalité Cllc-IIll'me. L'uni- 'er el, Ie néces aire. l'objectivité. conditions de la connaissance, ;:,ont des catégories. Identifier le caté- gories avec rètre. c'est prêter à leur caractère fl'cxac- tilude in1ffiobilc la valeur absolue que lui attribuaicnt les systèmes métaphysiques fl 1)1'i01'i. Dans la ciencc réelle, Ies catégories de la pensée elles-mênles ont Inuables. parce qu'elles doivent s'adapter aux faits, comme à une réalité distincte et inconnaissable a IJJ'IOJ'I. De cette dualité irréductible la science elle-inême porte témoignage. Car les deux principes du récL les choses et l'esprit. ont pour eUe des données qu'elle ne peut résoudre. Quand elle les considère úbjecti- veInent, à son point de vue.' il lui semble. non seulement qu'el[e so les assin1ile. mais qu'elle est capable de les réduire à une seule et même réalité. lais ce travail même, elle ne peut l'e écuter que i les condi lions lui en sont fournies; et ces condi- tions sont et demeurent: i 0 des choses, qu'elle ne peut se donner elle-même; 2 0 un esprit, di tillct de ces choses. qui les considérera objectivement et qui les transformera, de manière å se les rendre intel- ligibles. Les choses. l'esprit, quclle:-: que soient d'ail- leurs leur affinité ou leur opposition intrinsèqwe sont, ensemhle, pour fa cience, l'être mème dont celle-cì se distingue, et qu"el[e ne peut ignorer, si elle s'ana- 356 SCIEXCE ET HELIGIO lyse philo ophif}uelnent, puisql1'elle ne se forme que des élément'"3 qu'elle puise continuellement en eux. Ces éléments. du moins, se laissent-ils à ce point élaborer qu'ils deviennent exactement conformes aux cxigences de la pensée scientifique ? Les données scientifiques qui représentent les choses tiennent de leur origine un caractère qui ne sen1ble pas entièrement assimilable à la science, par celte rai on même que la science se propose d'en- yisager l'être à un point de vue contraire. Ce carac- tère est la cOl1tinuilé hétérogène, la multiplicilé nne, laquelIc, pour devenir un objet, est tout d'abord lraduite par les sens et par l'entendement en discon- tinuité qualitative el en multiplicité nunlérique. La science part de cette n1ultiplicité hétérogèlle, qui, pour elle représente la matière brute, et se donne pour tâche de la réduire à un continu homogène. Elle opère cette réduction en exprimant les qualités par des quanlités. Or l'expression doit nécessairement conserver un rapport à la chose exprimée : autrement eUe serait inutilisable. Lors même que toute trace de la discontinuité et de l'hétérogénéité des choses disparaîtrait dans les formules considérées à part, on ne saurait se dispenser de se rappeler Ie rapport des formules à la réalité et de se référer à ce rapport, lorsqu'il s'agit d'appliquer ces formules, et, par eUes, d'apprécier les objets de I'expérience concrète. Quant à aborder Ie problème inverse, et à se proposer, non plus de réduire à l'unité la diversité donnée, mais, partant de l'unité, d'en fair sortir Ia diversité ce problème peut être historique ou méta- physique, mais il n'est qu'en apparence abordé par la science; en réalité, il n'est pas scientifique. Vne science purement expérimentale assimile, réduit, uni- fie, mais ne développe oi ne diversifie. C'est pourquoi COl'\CLt:SIO 3::>7 la tracc dn divcrs donné qui subsiste dans les réduc- tions de la science est ellc-Inème irréts; ils luucnt Di u chacun à sa manière, sur tous les tons et dans tous les modes. Y oyons-nous que Dieu s'offense de ceLle diversité et fas:5e taire les voix discordan tes? Toutes Ie::; formes de l'ètre boot ch' rcs à rêtre infìni. )) La religion no us prescrit d'ain1er Ie" autres, et de le aimer pour eux-mêmes. Plus audacieuse que la philosophie, elle ,fait de l'anlour un devoir, Ie devoir par e cellence. C'e5t qu'elle ordonne aux hommes de s'aill1er en Dieu, c'esl-à-dire de remonter à la source commune de l'èlre et de ram our. Ii e::;t naturel de s'aiIner quand on est frères. * * * Eo dépit de leurs rapports, science et religion demeurent et doivent demeurer distinctes. S'iI n'y avait d'autre manière d'élahlir entre les choses un orJre rationnel que de réduire Ie divers å l'un, soil par assimilation, soit par élimination, les dcstinées .Ie la religion pourraient parailre douteuses. l\Iais les conllits qu 'engcndrenl les oppositions com portent, dans la vie, d'aulres solutions que dans la science ou ùans la dialectique. Quand luttent ensen1ble deux puissanccs ùouées, l'une comme l'autre, de vitalilé et de fécoodité, elles se développent et grandissent par leur conflit même. Et, la valeur et l'indestrllc- tibilité de toutes deux. élant de plus en plus mises en évidcnce, la raison s'ingénie à les rapprocher à travers leurs luttes, et à former dl leur réunion un èLre plus riche et plus harmonieux que chacuoe d'clIes prise it part. Ainsi en est-il de la religion et de Ia science. La. Jutle IC5 trcmpe rune COnll le l"auLre; el, si la raison 394 SCIE CE ET REI IGIO prévaut, de leurs principes distillcts, devenus à la foj plus large , plus forts et plus ouples, sUl'gira une forme de vie toujours plus ample, riche, profonde, libre, belle et intelligible. :\lais ces deux puissances autonollles ne peuvent que s'acheminer '-ers la paix, raccord et l'harmonie, sans jaulais prétendre toucher Ie but; car telle est la condition humaine. FI T_\llLE DES )lATIÈRES INTRODUCTION LA RELIGION ET LA SCIENCE De I'antiquité grecqoe à la période contemporaine. Pages I. LA. RELIGIO ET LA PHILOSOPH IE DA.'\S L'ANTIQVlTt GREcQt.:E. 1 II. J...B 'loll _\GE. - Le Christianisme; Ies scolastique..; Jc IU)stiqucs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 8 III. LA. SclF' CR ET LA. RI:LlGIO DZPt:IS LA. RF ^I S.' cE. - La Renaissance. - Les temps modcrncs: Ie rationalisme: Ie romantisme. - La science et Ia rcligion sé>parées par une cloison ctanche. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 13 PHE'IIERE P AHTIE LA TEN DANCE NATURALISTE CHAPITRE I Auguste Comte et la religion de l'Humanité. :r1 La confrontation désormais inévitabIc. I. L\ D()cTr.I E [)' \l"Gt:STr CmlTE sun LA SCrE:-.CE ET U. RELI- (;10'\. - La géni'ralisatilill de l'idée de science et l'organi- sation dC's s"iences : Scicnce et Philosopìâe. - Philoso- phie et Religion: Ia rcliu:ioll de I'Humanité. . . d II. L'hTEHPRLTATIO I>ß 1.\ DOCTr.I F. - Sociolof!ip et reli- gion : ce que cclle-ci ajoute it. cclle-là. - Le rapport logiqu p de h rhilo ophiC' et de Ia religion dans Comte : Ja secollùe contrcùit-ellc la prcmièrc? . . . . . . . . .. )9 3D6 TABLE DES 1\L\TIÈnES Pages III. VALEUR DE 1.'- DOcTßI:'tE. - La Scicncc gênée par Ia Re- ligion, la RfIligion gènée par la Science. - L'lIumanité, concept ambign. - L'homnw, comme aspirant à sc dé- passcr : cela mêmc est la religion. - La contradiction intcrnedupositi\isme............ .".... 73 CIIAPITRE II Herbert Spencer et l'Inconnaissable. . 80 I. LA. DOcTIH'\E DE Il. SPEXcEH sun L4. 5CIF.:\"CF., L4. nELlGrO ET LElHS RAI'POHTS. - L'Jnconnaissablc, Ia sciencc et la rcli- gion. - J.; volntionh;n1C, l'é\'olution religicusc. . . .. 82 II. Ll TFnl'nÉTATlo HE L \ DOCTRINE. - Les motifs qui ont guidé H, Spenccl'. - Lc rapport dc la thcoric de l'é\'olu- tion l'cligieuse et de la théoric de 1'lnconnaissablc. - L'Jnconnaissable négatif et l"Iuconnaissable positif. - II. Spcnccr ct Pascal.. . . . . . . . . . . . . . . .. 92 III. YAI.E"C1l DE Lt nOCTilIXE. - J..'Inconnaissablc dc H. Sppn- Cel' n 'cst-il qn\m résidu des rcligions! La ,'alcnr du scn- timent scIon II SpcncCt'. - D'aillenrs la doctI'ine a un fondement ratiollncl. - Le point faible du système : l'(nconnai sablc con<:u à un point de vue purement objectif. H. S pcnccl' lui accorde trop ou trop peu. . . . . . ., 108 CII \ PITfl E n Hæckel et Ie Monisme . . . . 119 I. LA DOcTIlI:\"E DE II ECKEL SUIl I.A IlEI.IGlO:.\' DANS SES 1l.\PPOTITS AVEC u. SCIE CE. - Les c()nílits de la religion et de Ja science. - Le 'Ionisme é\"olutioniste comme solution à la fois stientifique et rationnelle des énigmes qui sont la raison d' tre des religions. - Le besoin rcligicl1x. Pas- sage pI'ogrcs::,if des rcligions existantes, dans ce qu'elles ont d'utilisable, au 'Ionismc évolutioniste comme religion. 121 II. YALEl'H DE 1..'- DOCTHl:"tF.. - 1 0 L'idée d'une philosophie scicntifique : comment Hæckel passe-t-il de Ia science à Ia philosophic? - 2 0 La philosophie scicntifique comme négation et substitut des rcligions : comment n pckel passc-t-il du :\lonisme comme philosophic au l\Ionbme comme religion? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 TABLE DES I.\TIÈI\ES 3D7 f'a es 111. PHil OSOPIJIE ET MORALE cIE:'iTlnQrES A L'tPOQUE ACTUELLE. . - La Philosophie scientifiquc: obscuritc ou vague de ce concept. - La morale de )a solidarité : amlJiguité de cc terme. - Persistance du dualisme touchant Ie rapport de l'bomme etdcs choscs. . . . . . . . . . . . . .. 1:)'1 CRAPITRE IV Psychologisme at Sociologisme. . . . 1GG La nature et Ies phénomènes natureJs : Ia considération des phénomènes religieux substituée à celle des objets de la re)i ion. I. EXrI.lCA.TIO PS\"CHOLOGIQt.:E DES PHí mIÈ ES RI'LlGIE1.:X. - Le phénomène religieux considéré subjecti\'cment, objec- . tivement. L'évolution historique du sentiment re1igicux.- Le phénomènes rcligicu e" pI iqués par Ies lois de la vie psychiquc.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 II. EXPLIcATIO SOGIOLOGIQUE DES PHt mIÈXES RELIGIEUX. - Les a'"antages du point de vue socioJogique. - L'esscnce du phénomène religieux : dogmcs et rites. - Insuffisance de l'explication psychologiqne; Ia religion comme fonction sociale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 180 III. CßITIQL'E DU PS1"CHOLOGrS:\IE ET DU SOcrOLOGIS)IE. - L'am- bition de ces s}stèmcs. - Les explications qu'ils foUl'- nissent sont-elles effcctivement scientifiques? - Le moi humain et Ia société humaine so nt-Us assimilables à des causes mécaniques? - Lc psychologisme impuissant à cxpliquer Ie sentiment de robligation religicu e. - Le sociologisme, comm(l faisant nppel à la société, non seule- ment réelle, mais idealc. . . . . . . . . . . . . . . . 191 DEUXIÈ IE PARTIE LA TENDANCE SPIRITUALISTE CHAPITRE I Ritschl et Ie dualisme radical . . . . 20 Xécessité recon nue, pour Ia religion, de rorrpter :\\"('c la science. I. LE llITSCI1LIA'iISll . - Ritschl : Ie sentimcnt rcligieux et 3i 398 TABLE DES 'IATIÈRES Pages l'histoire religieuse.- \ViIheIm Herrmann: distinction du fondement et du contenu de Ia foi.- Aug. Sabatier: dis- tinction de la foi et de Ia croyance. . . . . . . . C . . 11 II. VALEUR DU RITSCHLlA IS'IE. - Le développement de l'élé- ment spéciflquement religieux. - L'écueil de l'anti-inteI- Iectualisme : nn subjectivisme sans contenu. - Poursuite chimérique d'un monde intérieur sans rapport avec Ie monde extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 CHAPITRE II La Religion et les Limites de la Science. 228 La conception dogmatique de la science et la conception cri- tique. I. ApOLOGIE DE LA. RELIGION FONDÉE l'R LES LIl\IITES DE LA SCIENCE. - L'expérience comme principe unique de Ia connaissance scientifique. - Conséquences : Iimites dans l'ordre théorique, limites dans I'ordre pratique. - Les Iois scientifiques, simples méthodes de recherche. - Limites et signification do Ia correspondance des connaissances scientifiques avec Ies faits. - Latitude que Ja science, ainsi entendue, Iaisse à Ja religion pour se développer. - L'esprit et Ia Iettre : caractère contingent et relatif des formules religieuses. . . . . . . . . . . . . . . . . . 230 n. LES DlFFlCUL TÉS DE LA PRÉCtDE TH DOCTRINE. - La polé- mique suscitée par Ie mot: (( faillite de la science )). - En quel sens la science se reconnaît des limites. - Situa- tion précaire de la reJigion dans ce système. . . . . .. 247 III. LA. SCIENCE CO:';SwtRtE COYME ORIE TÉE VERS LA. RELIGION. - Les doctrines religieuses comme ébauchées dans Ja science elle-même; difficulté de maintenir ce point de vue. - La nature des Iimites de Ia science : elles ne sont pas simplement négatives, mais impliquent un au deIà supra-scientifique comme condition de l'objet même de la science. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251 I'. ÐIFFICULTÉS SUBSISTA TES. - L'autonomie de la science et celle de Ia religion demeurent compromises. - Insuffi- sance d'une méthode purement critique. . . . . . . . . 266 TABLE DES MATIÈRES 399 CHAPITRE III La Philo sophie de l'Action. . . . . . Pagf'4õ:, 2G9 I. LE PRAGYATISMF. - Le concept scientifique comme irnpé- ratif hypothétique; Ia notion pragmatiste de Ia vérité. . 2,0 II. L'lDtE D't E PJIILOSOPHIE DE L'ACTlO:o.J HtMAI B. - La science comme création de l'activité de l'homme. - La religion comme réalisation du vouloir Ie plus profond de l'àme bumaine. - Les dogmes comme vérités purement pra- tiques. - La religion et la science comme répondant à Ia distinction de la source et des moyens de l'action. . . . 7 III. RE\I:\I1QCFS CRITIQ1.:ES. - Difficultés inhél'cntcs au concept d'activité pure. - ccessité dOun principe proprement intellectuel pour Ia science et pour Ia religion elle-même. 2U2 CIIAPITRE IV Wllliam James et l'expérience religieuse. 8 I. DOCTRI E DE 'V. JA IES SUR LA 1 [I.((ao . - Point de vue de \V. James: Ia religion comme vie personnellc t inté- rieure. - _\l thode : l'empirisme radical. - Le terrain psycho-physiologique où germe Ie sentiment religieux. Le ill) sticisme. L 'e\périence religieuse proprcment dite; Ia croyance élémentaire. - La valeur de l'expéricnce reIi.. gieuse. Point de vue pragmatiste. La théorie du moi subli- minal comme point d'appui cientifique. Les surcroyances. \( 0 fl. DOCTm E DE \V. J HIES SUR LE RAPPORT DE LA RELIGION \ LA. ScIE:'écE. - Science et religion, deux clefs pour ou vrÜ. les trésors de Ia nature. - La psychologie du champ de conscience, substituée à la psychologie des etats de cons- cienc . - Religion et science dit1èrent comme Ie conel'et et l'abstrait. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 318 III. RE1UI1QUES cRITlQtES. - Réintégration remarquable de la religion dans Ia nature humainc, et situation forte en face de la science. - Difficulté : l'e'\pél'ience religieuse a-t-elle une valeur objectin ? Le subjecti\ isme universel ne scrait pas unc solution. - La foi. éIément intégrant de toute e'\pél'icncc. - Le rôle essentiel des s mboles. - La valeur dll côté social dp-- religions . . . . . . . . . . . . . . 327 -'tOO TABLE DES l\IATIÈnES Pages CO CLUSIO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34.1 La confrontation inévitable. - Le conflit est proprement entre resprit scientifique ct I"esprit rcligicux. I. RAPPORTS DE L'ESPRIT SCIE TIFIQGE ET DE L'ESPRIT ßEUGIEUX. - 1 0 Vesprit scientifique. - Comment s'établissent les faits, les lois, les théories. - L'évolutionisme. - Le dogmatisme expérimental. .- 2 0 L'esprit religieux. - Est-il compatible avec l'esprit scicntifique1 - J)istinction de Ia science ct de la raison. - La science et 1110mme : conti- nuité entre celui-ci et ccllc-là. - Les postulats de la vie: ils coincident avec les principes de la religion.. . . . . 3 6 n. LA r.E[.IGIO . - 'Ioralc et religion: ce que Ia seconde ajouté à la pl'emii're. - Vitalité et souplessc de la religion comme principe spirituel positif. - La valeur de I'élément intellectucI ct objcctif. Le rôle des idées confuses dans Ia vie humaine. - Les ùogmes. - Les rites. - La transfor- Illation de la tolérance en amour. . . . . . . . . . . . 3i2 ìS8-j-(8. - Paris. - Imp. Hemmerlé et Oe. ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR, 26, RUE RACINE, PARIS BIBLIOTHÈQUE DE PIIILOSOPIIIE SCII Nl'IFIQUE Collection in-18 jésU8 à. 3 fro 50 Ie volume I FÉLIX LE DANTEC (Chargé de COUTS à la Sorbollne) Les Influences Ancestrales Après a\'oir, dans une courte introduction, mis en évidence Ies avanl3ges de Ia narration historique des fails, l'auteur montre com- ment, de Ia seule notion de la conlinuilé des lignées, on concIut sans peine aUI principes de Lamarck et Darwin. Le premier livre de l'ouvrage est un véritable résumé de Ia biologie tout entière; grâce à l'heureul emploi d'une e'>, Ies questions Ies plus ardues de I'hérédilé et de l'origine des espèces sont exposées avec simplicité, sans qu'il soit jamais nécessaire de faire appel à aucune connais- sance spéciale ou technique....................... t vol. in-lB. H. POI cAnt (Jlembre de l'lllslitut) La Science et I'H.ypothèse Y. POINCARt a réuni sous ce titre les résultats de ses réfiexions sur la logique des sciences rralhémaliques et physiques. Dans Ies unes comme dans Ies autres, l'hYPolhèse a joué un grand rOle. Quelques personnes en ont \"oulu conclure que l'édifice scientifique est fragile; être sceptique de cette façon, 'est encore êlre superfi- ciel. Douter de tout, ou tout croire, ce sont deux solutions égaIe- ment commodes qui, l'une et I'autre, nous dispensent de réfléchir. Un peu de réncxion nous montre au contraire que l'emploi de I'bypothèse est nécessaire et peut être légitime; sans doute il est danRereuI, mais ce n'est qu'une raison de plus de reconnallre avec soin les piègcs auxquels Ie savant est exposé. Y. POl CARt a évité soigneusement I'emploi des (ormules mathé- -2- ffiatiques. Son livre pourra donc être lu par toutes les personnes cultivées; il Ie sera certainement par tous ceul. qui s'intéressent à la philosophie des sciences..................... 1 vol. in-iS. DASTRE (Pro(esscur de Physiologie à La Sorbonne) La Vie et la Mort Ce livre intéressant entre tous, sera bientôt dans toutes Ies mains. Ce n'est plus, comme jadis, un poète ou un moraliste qui vient disserter sur la destinée humaine et développer les éternels Iieux communs que comporle Ie sujet. L'auteur de cet ouvrage, M. D. STRE, professeur de physiologie à la Sorbonne, est run de nos savants Ies plus originaul. et les plus profonds. Son livre traite des questions relatives à la Vie et à la Mort au point de vue de la philosophie et de la science. II nous révèle qu'il y a des animaux immortels, que Ia mort n'a pas existé de tout temps, qu'elle est apparue à un moment du cours des tpmps géoIogiques; que Ia vieillesse elle-même pst une maladie qui pourrait être évitée et que Ia vie pourrait être plus longue sans s'accompagner de décrépilude.................................. 1 vol. in-iS. Dr GUST AVE LE BON. - Psychologie de l'Éducation Ce livre a été écrit pour tOHS les membres de l'enseignement, et au moins aulant pour Ies pères de famille, soucieul. de l'avenir de leurs fils. Le Dr LE BON s'est livré à une étude attentive du volumineux Rapport de la Commission d'enquête sur la Réforme de l'enseignement; il en est sorti persuadé que toute la réforme n'a malheureusement tourné qu'autour d'une question de pro- grammes; et il craint que les programmes nouveaux n'apportent aucun remi'de. C'est l'esprit de l'enseignement, Ia rnélhode, qui auraient hesoin d'être améliorés : (< Tous Ies programmes sont indifférents, rnais ce qui peut êlre bon ou mauvais, c'esl la façoD de s'en servir. )) I.e Dr LE BON estime que cette vérité élémentaire est totalement méconnue; son livre qu'écJaire sans cesse une vue, à la fois profonde et subtile des réalités, a pour but de la faire pénétrer dans Ie public. (< CeUe réforme de l'opinion est la première qu'on dotve tenter aujourd'hui. )).................. 1 vol. in-iS. FRÉDÉRIC HOUSSA Y (PTo(fs ellr d Zoologie à la Sorbonne) Nature et Sciences naturelles Ce lIouvellU livre, accessible à tous les esprits cultiv s et réfié- chis, II pour noyau la plus originale tenta.\ ve pour rnontrer, dans I'édification de la science, 13 continuité de pensée depuis l'anti- quité jusqu'à notre époque. II contient de plus une philosophie -8- oppðsBnt 1ft réalité naturelle BUX diverses images scientifiques que I'homme ø'eo est 'aites, images que .Ies progrès techniques modi- fient heøucoup moins dans leurs traits essenliels qu'on ne Ie croit d'ordiooire. Toutes les théories générales y soot gruupées, classées. comparées, et les grandes controverses y apparai3scnt COllUDe des malentendus permanents entre les diverses sorles de pensées humaines. L'ouvrage se termine par un suggestif aperçu sur I'orientation actuelle des sciences Daturelles........ 1 vol. in-18. Dr J. BÉRICOURT. - Les Prontières de la Maladie LeI frontiêres de 18 maladie, ce sont les maladies de la nutrition qui commencent, s'installant de façon insidieuse. et progressant insensihlcment, jusqu'au moment où elles se démasqueront en troubles graves et incurables; ce sont les infections latentes et atténuées qu'on Iaisse évoluer librement, et qu'on répand autour de soi. d'ahord dans sa lamille, et puis au dehors; ce sont toutes les maladies qui laissent aux patients les apparences de la santé, el qui. par cela même, sont ahanrlonnées à leur libre évolution dans leur phase maniable par l'hygiène, jusqu'à leur transforma- tion en états ßrm'cs, contre lesquels Ia thérapeutique est alors Ie plu! 80uvent impuissante....................... . . . t vol. in-18 u. POINCARÉ (Mfmbre de l'lnstitllt) La Valeur de la Science I' Allemagne moderne.......... 1 vol. in-1 R -H- Dr GUSTAVE LE BON. - L'Évolution des Forces Ce li\re est consacré à développer les conséquences -des prin- cipes exposés par Gustave LE DON dans son ouvrage rEvolution de la Matière, dont Ia 12- édition a paru récemment. - t vol. in-18 il1ustré de 42 figures. GASTON BON IER (Jlembre d l'Institut, Professeur à la Sorbonlle) Le Monde végétal L'ouvrage que vient de réòiger M. Gaston BO NIER n'est pas, å proprement parler, un livre de Dotanique. Dans Le Monde Végétal, l'auteur, avant tout, expose les faits qui éclairent la philosophie des sciences naturelles ; il y passe en revue la succession des idées que les savants ont émises sur les végétaux; il les commente et il les discute. - 1 \01. in-iS illustré de 230 figures. ' ER:XEST r.\ nRUrSSEL (Consul gélléral de Belgique) La Vie sociale_ - Ses évolutions Ce livre expose d::ms son ensemble toute l'histoire de l'humanitê. II a pour but rélude des idées sociales dès leur origine et à tra leI'S leurs é\"olulions, durant la succession des siècles. Ecrit largement, d'llne synthèse claire et rigoureuse, iI nous met, par lIne analyse raisonnée, en face de l'immense progrês qu'a réalisé l'esprit de rhomrne dans Ie sens de la conquêle de sa liberté matérielle et intelIectuclIe, sirnplement en exposant les faits ainsi qu'ils se sont succédé. C"est une leçon encyclopédique et à 1a fois un enseigne- m nt moral d'une haute porlée.................... 1 vol. in-iS. ENVDI FRANCO CONTRE MANDAT OU TIMBRES-POSTE - Paris. - Imp. Hemmerlê et Cle. LIIS[\A:t 1 I. mAn I J \."'.......... 215.0904 8669 113556 BOUTROUX, EMILE 215. 0 9 0 4 8669 BOUTROUX, EMILE SCIENCE ET RELIGION 11355 6